Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anesthésie (suite)

• Le chloroforme a été obtenu en 1831 simultanément par Justus von Liebig, Samuel Guthrie et Eugène Soubeiran. Nommé et étudié par Jean-Baptiste Dumas, classé parmi les anesthésiques par Pierre Flourens en 1847, le chloroforme, ou trichlorométhane, a été utilisé en anesthésie clinique à Londres, la même année. James Young Simpson l’a rendu populaire, notamment en obstétrique, et en quelques mois il a pris sa place à l’éther.

C’est un liquide presque incolore, de formule CHCl3, lourd, d’odeur douceâtre, ininflammable, mais décomposé en phosgène (COCl2) par la lumière, en présence d’air.

Sa marge de sécurité n’est pas très grande. Il demande à être manipulé avec précaution. Il est excrété tel quel par les poumons, et son élimination demande plusieurs heures. Dix fois plus puissant que l’éther, il est aussi beaucoup plus toxique, notamment pour le muscle cardiaque et le foie.

Il est maintenant supplanté par l’halothane ou 2 bromo-2 chloro-1,1,1-trifluoro-éthane. Ce chloroforme moderne est également très puissant, et il a les avantages et quelques inconvénients du chloroforme.

• Mélange azéotrope. Un mélange de deux ou plusieurs liquides volatils est dit « azéotrope » quand ses constituants ne peuvent pas être séparés par distillation fractionnée, mais seulement par chromatographie gazeuse.

L’halothane et l’éther ont été employés mélangés dans la proportion de 68 parties d’halothane pour 32 parties d’éther (en volumes), et le point d’ébullition, qui est de 50 °C pour l’halothane seul, devient alors 51,5 °C.

• Le cyclopropane ou triméthylène (C3H6), est un hydrocarbure saturé isomère du propylène.

Incolore, douceâtre à sentir, il pèse une fois et demie plus que l’air, et il se liquéfie à la température ordinaire sous une pression de 5 atmosphères. Il est huit fois plus soluble dans les graisses que dans l’eau. Il est explosif quand il est mélangé avec l’oxygène ou le protoxyde d’azote. Ce grave défaut est en partie responsable de son abandon.


Les anesthésiques intraveineux

C’est Pierre Cyprien Oré, professeur de physiologie à Bordeaux, qui a le premier injecté du chloral à un tétanique, en 1872. Nikolaï Pavlovitch Kravkov à Saint-Pétersbourg en 1905 et Max Page à Londres en 1912 injectent de l’hédonal ; en 1909, Ludwig Burkhardt administre du chloroforme ou de l’éther par la voie veineuse.

• Les barbituriques. Les premiers barbituriques employés par cette voie furent le diéthyl et le diallyl barbiturate, mélangés. I. W. Magill utilisa le pentobarbital en 1930. H. Weese et W. Scharpff eurent encore plus de succès avec l’hexobarbital, étudié en Angleterre par Ronald Jarman en 1933. Le penthiobarbital sodique, synthétisé en 1932 par Volwiler et Tabern, a été popularisé par John S. Lundy en Amérique en 1934, et a conquis la première place mondiale.

Une simple piqûre au dos de la main ou sur l’avant-bras suffit aujourd’hui pour produire la narcose en quelques secondes, en escamotant les temps les plus pénibles de l’induction anesthésique, sans suffocation ni excitation.

La suite des opérations s’effectue sans que le patient en garde le souvenir, et se termine par un réveil progressif et sans agitation.

Comme il a été dit ailleurs, pour éviter que la narcose se prolonge indûment, on administre la quantité minimale de penthiobarbital compatible avec un confort total de l’opéré.

En dehors de son action sur le centre respiratoire, le penthiobarbital déprime le système autonome, le sympathique plus que le parasympathique, d’où la toux et le laryngospasme des injections trop lentes ou trop faibles, qui laissent trop longtemps intacts les réflexes trachéaux sensibles à la présence de mucus, de sang, ou d’une canule.

La pupille, dilatée d’abord comme toujours sous l’effet de l’émotion, se contracte ensuite et se stabilise ainsi. Les yeux se placent en position indifférente, et leur tension diminue sensiblement, toutes conditions très favorables à certaines interventions d’ophtalmologie.

Les autres effets sont très modestes. L’utérus gravide, par exemple, ne perd rien de son tonus ; par conséquent, les manœuvres qui réclament l’atonie utérine nécessitent une autre anesthésie (versions).

L’appareil digestif garde sa physiologie intacte. Le délai imposé par les autres anesthésies à l’alimentation naturelle, du fait du retard du transit intestinal, n’a pas de justification ici.

L’anesthésie intraveineuse par barbiturique est excellente pour les gestes de courte durée, la réduction de luxations, les manipulations diverses ; elle demande à être associée à d’autres anesthésiques (volatils ou gazeux), ou à des curarisants, dans les opérations chirurgicales majeures.

• Autres anesthésiques intraveineux. L’hémisuccinate d’hydroxydione sodique est un stéroïde*, le premier corps de ce genre à être employé comme agent anesthésique. Remarqué comme tel par Selye en 1941, il fut utilisé d’abord en Californie par Murphy en 1955. L’irritation de l’endoveine qu’il déclenche l’a empêché d’accéder à la place qu’il semblait devoir prendre. De plus, il est encore moins utilisable seul que le penthiobarbital. En revanche, il exerce une influence moins marquée sur la respiration, et il a une certaine activité analgésique qui explique le bien-être des opérés pendant les premières heures qui suivent l’opération.

Le 4-hydroxybutyrate de sodium est dérivé d’une neuro-hormone présente dans l’organisme normal, capable de bloquer le passage des impulsions nerveuses au niveau des synapses centrales ou périphériques. Il est purement narcotique et pas très puissant, mais il n’exerce aucune influence nocive ni sur la respiration ni sur la circulation. Ses effets doivent — sauf exceptions rarissimes — être renforcés par des adjuvants tels que des analgésiques ou des tranquillisants.

La procaïne et la lignocaïne (ou lidocaïne) sont d’excellents analgésiques par voie intraveineuse, mais elles ne produisent de véritable anesthésie qu’à des doses périlleuses, et elles ne sont donc employées que comme complément d’une anesthésie légère.