Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iwaszkiewicz (Jarosław) (suite)

Sa création poétique procède d’une expérience intimement liée à l’Ukraine et nourrie d’une culture marquée par la poésie russe autant que par celle de l’Occident. Souvent plus proche de certains courants du mouvement « Jeune Pologne » que des tendances des « skamandrites », son lyrisme mêle aux mouvements d’une sensualité puissante, fascinée par la splendeur de l’univers autant que par les nuances de ses propres impressions, une méditation grave, que la conscience de la fragilité des êtres et des choses devant la fuite du temps partage sans cesse entre la passion de la vie et la hantise de la mort (Livres du jour et de la nuit, 1929 ; Été 1932, 1933 ; l’Autre Vie, 1938 ; Pléiades, 1942 ; Sentiers obscurs, 1957 ; les nombreux choix tirés par l’auteur de ses multiples recueils en 1948, 1952, 1958, 1968).

L’œuvre du prosateur précise et développe les attitudes et les réflexions du poète. Le romancier projette en effet ses préoccupations propres et ses goûts, ses inquiétudes et ses contradictions dans des fictions où l’élément autobiographique tient souvent une grande place. De là, dans l’économie des récits, l’importance de l’analyse psychologique et, dans le choix des personnages, une prédilection pour les intellectuels, les artistes (Hilaire fils de comptable, 1923 ; La lune se lève, 1925). De là également, même s’il s’agit d’êtres simples, l’insistance sur les conflits, dont ces personnages, divisés contre eux-mêmes ou confrontés au monde extérieur, sont les victimes. Tel est ce prince féodal en qui les raffinements d’une âme complexe et supérieurement cultivée ont tué la capacité de décider et d’agir (les Boucliers rouges, 1934), ou ce funambule dont la robuste simplicité primitive ne survit pas à la brusque révélation du monde de la culture et de la beauté (Siegfried, 1931), ou encore cette héroïne aux convictions ardentes et dont des circonstances fortuites font une victime inutile (la Bataille de la plaine de Sedgemoor, 1942). La création romanesque d’Iwaszkiewicz repose sur une conception tragique de l’univers et de la condition humaine, qu’illustre le thème répété du suicide : elle nous montre l’homme déchiré de contradictions toujours renaissantes et sans issue, soumis à la loi du temps et aux caprices du hasard, impuissant à changer le cours de son destin, tant son action est ordinairement vouée à l’échec et puisque aussi bien les événements importants de sa vie surviennent indépendamment de sa volonté (les Demoiselles de Wilko, 1933 ; le Moulin sur l’Utrata, 1936).

L’expérience de la guerre et de l’occupation n’a pas sensiblement modifié une telle vision des choses ; mais elle a accentué des notations qui ne laissent aucun doute sur les attitudes et les choix désormais assumés par l’écrivain. Dans les œuvres de la dernière période (Icare, 1945 ; le Moulin sur la Lutynia, 1946 ; la Vieille Briqueterie, 1946 ; Nouvelles italiennes, 1947 ; Tatarak, 1960 ; les Amants de Marone, 1961), le romancier choisit plus fréquemment ses héros parmi des êtres simples, souligne plus fortement leur lien avec la réalité qui les entoure, accorde une place plus grande aux forces collectives, aux idées et aux sentiments qui commandent les luttes de l’époque. Le Renom et la gloire (1956-1962 ; 3 vol.) peint des destins d’artistes, mais aussi des personnages empruntés à des milieux divers pour composer un vaste tableau de la vie polonaise à travers les multiples bouleversements survenus entre 1914 et 1945.

Maître dans l’art de conduire un récit, Iwaszkiewicz sait nous rendre sensible la beauté de l’univers, nous communiquer son émotion devant une œuvre d’art, comme il sait nous faire pénétrer dans la vie intérieure de ses personnages. Une écriture limpide et dense autant que variée, dans la tradition des grands maîtres de la prose polonaise, mêle efficacement l’observation réaliste et la suggestion lyrique. Une puissante unité marque l’œuvre entière, à travers une évolution qui la conduit du subjectivisme à un effort de présentation objective du monde, du lyrisme à l’épopée.

À cette production considérable, il convient d’ajouter des pièces de théâtre (l’Été à Nohant, 1936 ; Mascarade, 1938 ; les Noces de Balzac, 1959), des mémoires (le Livre de mes souvenirs, 1957), des récits de voyage (Lettres d’Amérique du Sud, 1954 ; Sur la Sicile, 1956), des études consacrées à des musiciens (Bach, Chopin), des esquisses littéraires et artistiques, de nombreuses traductions d’œuvres allemandes, russes, françaises, anglaises.

J. B.

 Poètes polonais (Seghers, 1950). / Prosateurs polonais (Seghers, 1950). / K. Wyka, Sainte Face (en polonais, Varsovie, 1956). / C. Jelenski, Anthologie de la poésie polonaise (Éd. du Seuil, 1965).

Izmir

Anciennement Smyrne, v. de Turquie, sur la mer Égée.


Avec 420 000 habitants, Izmir est la troisième ville de Turquie. C’est le premier port exportateur du pays, concentrant la vente des produits des riches vallées agricoles de l’Égéide (avec un trafic total de 1,2 Mt, dont 0,5 t de cabotage, où les exportations l’emportent nettement), en même temps qu’un important marché de redistribution de produits manufacturés importés, siège d’une grande foire annuelle qui est la principale manifestation commerciale de la façade égéenne. C’est d’autre part la seconde ville industrielle de Turquie (après Istanbul), avec 31 p. 100 de sa population active dans le secteur secondaire.

La situation de la ville peut paraître insuffisante à expliquer cette fortune. Certes, il s’agit d’un carrefour d’où l’on gagne aisément les vallées du Gediz et du Grand Méandre, voies de pénétration essentielles vers l’Anatolie intérieure. D’autres voies, par des cols faciles, desservent l’Anatolie du Nord-Ouest. La position centrale de la cité dans la façade égéenne explique bien son rayonnement. Mais Smyrne n’est pas pourtant directement au débouché d’une grande vallée et bien d’autres ports pouvaient, dans l’Antiquité, prétendre à la même fortune. De fait, Éphèse, au débouché du Petit Méandre, a été le plus grand port de la période hellénistique, et les villes du bas cours du Grand Méandre, Milet et Priène, furent longtemps plus prospères. La ville de Smyrne resta longtemps modeste. Rebâtie au ive s. av. J.-C. par Lysimaque, lieutenant d’Alexandre, sur les flancs de l’acropole du mont Pagos, elle dut essentiellement sa fortune à l’envasement progressif des autres ports et au déclin d’Éphèse, alors que rien ne venait la menacer, précisément parce qu’elle n’était pas au débouché d’une vallée. Dès l’époque romaine. Strabon la considérait comme la plus belle ville de l’Asie. Il s’agit en somme d’une prospérité relative, due aux facteurs morphologiques négatifs qui affectaient les autres cités.