Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anesthésie (suite)

Quelles que soient ses modalités, l’anesthésie locale ou régionale fournit une analgésie parfaite, en conservant la conscience ainsi que le réflexe laryngé, qui protège les poumons contre l’envahissement par des liquides en cas de vomissement ; elle permet une surveillance facile de l’opéré, qui peut parler, et son insensibilité se prolonge dans la période postopératoire. Malheureusement, les inconvénients ne sont pas négligeables (hypotension, infection locale, etc.) ; ils sont proportionnels à l’étendue du territoire à traiter.

La majorité des anesthésiques locaux actuellement utilisés sont des amides ; ils ont relégué au second plan les alcaloïdes (cocaïne), et ils ne donnent qu’exceptionnellement des réactions d’intolérance. Les principaux sont la lignocaïne, d’une durée d’action d’une à deux heures, la carbocaïne, plus active et s’éliminant plus lentement, et la bupivacaïne, d’action très prolongée (cinq heures).

J. V.


L’anesthésie en odonto-stomatologie

L’anesthésie est une des parties les plus importantes en odonto-stomatologie, car le praticien de cette spécialité opère sur la région buccale et dentaire, qui est fortement innervée par deux des trois branches du nerf trijumeau : le nerf maxillaire supérieur et le nerf maxillaire inférieur. Une bonne anesthésie est indispensable pour la détente et l’équilibre nerveux du patient ; elle est nécessaire à la bonne qualité de l’acte opératoire.

L’odonto-stomatologie comporte toute une série d’actes de technique opératoire qui demandent des méthodes d’anesthésie appropriées et proportionnelles à l’intervention effectuée.

L’anesthésie générale, l’anesthésie régionale, l’anesthésie locale doivent non pas se concurrencer, mais être utilisées respectivement par le spécialiste suivant des indications précises.


Anesthésie générale

L’anesthésie générale est utilisée en odonto-stomatologie chaque fois qu’il est difficile d’obtenir une bonne anesthésie loco-régionale ou locale chez des malades très émotifs, ou présentant des lésions inflammatoires très étendues, ou bien encore ayant une constriction intense des maxillaires (trismus).

Les appareils d’anesthésie utilisés comportent soit des systèmes dits « à circuits ouverts », soit des systèmes dits « à circuits fermés, ou clos ».


Anesthésie régionale et anesthésie locale

L’anesthésie régionale, ou tronculaire, peut s’effectuer sur le tronc nerveux maxillaire supérieur ou le tronc nerveux maxillaire inférieur, et également sur les branches de ces deux nerfs. L’anesthésie loco-régionale le plus utilisée en odonto-stomatologie porte sur le nerf dentaire inférieur pour les interventions effectuées sur le maxillaire inférieur.

L’anesthésie locale est obtenue par une injection de solution anesthésique aux points d’émergence du nerf, à l’endroit même où doit se pratiquer l’intervention.

L’anesthésie locale par badigeonnage avec des solutions à forte concentration anesthésique (à 10 p. 100 et 15 p. 100) s’emploie pour obtenir une anesthésie superficielle des muqueuses buccales avant une piqûre, une pointe de feu, ou en vue de l’ajustage d’une bague de couronne. L’anesthésie locale par injection s’obtient par l’infiltration avec une solution anesthésique de la zone même où doit se pratiquer l’intervention, ou de son voisinage immédiat.

On utilise enfin des anesthésies portant directement sur la pulpe dentaire appelées anesthésies intrapulpaires, dont un nouveau procédé très efficace a été mis au point, utilisant des solutions anesthésiques de très basse tension superficielle et de diffusion rapide.

Les incidents de l’anesthésie locale sont rares, du fait de la faible toxicité des solutions anesthésiques utilisées actuellement. La lipothymie, ou perte de connaissance avec conservation de la respiration et de la circulation, n’est pas rare ; il suffit dans ce cas de mettre le patient en position allongée, tête basse, pour voir cette manifestation disparaître rapidement. Les syncopes vraies sont exceptionnelles, et demandent le secours des tonicardiaques et parfois de l’oxygénothérapie.

C. M. S.


Les agents anesthésiques généraux


Les gaz

• Le protoxyde d’azote (N2O) fut le premier employé ; abandonné, puis repris très timidement entre les deux guerres mondiales, il est revenu en force beaucoup plus tard.

Il est facile à produire et à stocker. Son point critique assez élevé permet de le conserver en tubes d’acier sous une pression relativement faible, 51 atmosphères, et à l’état liquide.

Comme pour tous les gaz comprimés, la détente préalable à leur issue doit se faire dans un appareil spécial, le manodétendeur, qui comporte un manomètre donnant la pression à l’intérieur du cylindre.

Ce gaz, d’odeur doucereuse, non irritant, incolore, est plus lourd que l’air (une fois et demie). Il est quinze fois plus soluble dans le plasma sanguin que l’azote, et cent fois plus que l’oxygène.

Il est éliminé sans avoir subi aucun changement, par les poumons, et en moins de deux minutes si la ventilation est correcte.

• L’éther, liquide volatil, relativement inerte, chimiquement léger (d = 0,719), dégage des vapeurs lourdes (d = 2,6, soit deux fois et demie la densité de l’air) beaucoup plus solubles dans les graisses que dans l’eau, inflammables et explosives. Son point d’ébullition est relativement bas : 35 °C. Excellent anesthésique à partir d’une concentration dans l’air alvéolaire de 3 p. 100, il passe dans l’organisme sans s’altérer, et il est éliminé par la voie respiratoire. L’hyperventilation peut donc en accélérer le retrait.

L’inhalation d’éther produit une accélération du rythme cardiaque au début, une vaso-constriction ou une vaso-dilatation provisoires suivant la profondeur de l’imprégnation ; la tension artérielle commence à s’abaisser après la première demi-heure ; la pression du liquide céphalo-rachidien augmente ; en somme, l’éther produit une hyperactivité du système sympathique adrénergique, avec quelques effets de rebond.

Irritant pour les muqueuses, il les fait sécréter abondamment et, au début de l’inhalation, il provoque la toux, des spasmes du larynx, des bronches, et même l’apnée réflexe. Ces phénomènes n’apparaissent pas si l’administration est prudente, et ils disparaissent quand l’éthérisation s’approfondit.

D’autres éthers que l’éther sulfurique ont été éprouvés en anesthésie. Leurs avantages sur l’éther n’ont pas été suffisamment remarquables, sauf pour le méthoxyflurane, qui jouit de la faveur de nombreux praticiens. Parmi ces éthers, citons l’éther divinylique, l’éthyl-vinyl-éther, le trifluoro-éthyl-vinyl-éther.

• Le chlorure d’éthyle, employé comme réfrigérant, en projection sur la région destinée à être incisée, est aussi un anesthésique général d’action rapide et fugace, qui a connu un grand succès entre les deux guerres.

Son utilisation la plus rationnelle était liée à sa grande puissance et au fait que, comme le chloroforme, il n’est pas irritant pour les voies aériennes supérieures. On s’en est donc servi pour commencer une anesthésie qui devait être prolongée à l’éther.

Au reste, ses propriétés, ses avantages et ses inconvénients sont proches de ceux du chloroforme.