Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

À Gênes, la Renaissance romaine est introduite par Perin del Vaga (v. 1501-1547). Le foyer de Parme a plus d’originalité, grâce au Corrège*, dont la manière fondue, si heureuse dans l’expression de la grâce, peut aussi aider, dans la peinture monumentale, à suggérer l’infini de la profondeur céleste. Mais c’est à Venise et en Vénétie que la Renaissance a connu l’éclat le plus constant tout au long du xvie s., presque toujours à l’écart du maniérisme*, dont la vague déferlait sur le reste de l’Italie. Arrivé de Rome en 1527, Iacopo Sansovino*, également sculpteur, adapte au goût vénitien les conceptions de l’architecture classique, qui triomphent dans un genre plus sévère à Padoue avec Andrea Briosco, dit il Riccio (v. 1470-1532), auteur du projet de l’immense église Santa Giustina, et à Vérone avec Michele Sammicheli (1484-1559). La même tendance se précise avec Palladio*, dont les théories et l’œuvre sont l’expression d’un idéal de pureté géométrique. L’architecture palladienne, dont Vincenzo Scamozzi se fera le continuateur, n’est pas absente de Venise, mais c’est Vicence et les villas de Vénétie qui en témoignent le mieux.

La peinture du cinquecento, à Venise, consacre le triomphe de la couleur. Au début du siècle, Giorgione* trouve dans l’harmonie tonale et dans la libération de la touche les éléments d’un langage inédit, qui met au nombre des valeurs artistiques la poésie, le rêve, le sentiment de la nature. Ses innovations fascineront beaucoup de peintres, tels le vieux Giovanni Bellini, Sebastiano del Piombo (v. 1485-1547), bientôt associé au milieu romain, Giovanni Antonio de Sacchis, dit il Pordenone (v. 1484-1539), pourtant brutal de nature, Palma il Vecchio (v. 1480-1528) et surtout le jeune Titien. Mais il y a chez Titien* une ampleur inconnue du giorgionisme ainsi qu’une diversité qu’illustrent les étapes de sa longue carrière. Lorenzo Lotto exprime par sa palette plus acide un tempérament inquiet ; transfuge de l’école vénitienne, il ira travailler à Bergame, puis dans les Marches. Le Tintoret*, au contraire, fait de Venise le théâtre unique de son activité. Portraitiste réputé, comme Titien et beaucoup de ses compatriotes, il déploie les ressources d’une imagination puissante dans de vastes compositions, où le coloris vénitien prête sa splendeur à un dynamisme inspiré de Michel-Ange. À son mysticisme visionnaire et parfois terrible, Véronèse* oppose un monde fastueux, qu’ordonne la perspective des architectures d’apparat et qu’exalte une symphonie de tons lumineux et changeants. Plus provincial, Jacopo Bassano* découvre les ressources du réalisme rustique et des éclairages nocturnes.

La peinture vénitienne a rayonné sur la « terra ferma », directement ou par l’intermédiaire de petites écoles locales. Bergame doit sa place honorable à Andrea Previtali (v. 1470-1528), excellent élève de Giovanni Bellini, au séjour de Lotto et à Giovanni Busi, dit il Cariani (v. 1485 - v. 1550), dont les portraits ont un accent de sensibilité giorgionesque. Vérone est active également. Mais l’école la plus originale est celle de Brescia, qu’on reconnaît à sa tendance réaliste et à une palette généralement plus froide que celle des Vénitiens. Girolamo Romano, dit le Romanino (v. 1484 - apr. 1562), et Alessandro Bonvicino, dit le Moretto, en sont les principaux représentants avec Gian Girolamo Savoldo (v. 1480-1548), dont le naturalisme est plus familier, et Gian Battista Moroni (v. 1525-1578), auteur de portraits à l’expression très vivante.


Le maniérisme

Prenant pour point de départ l’apogée classique de la Renaissance, et notamment les travaux romains de Michel-Ange et de Raphaël, le maniérisme a fait un usage inattendu des formes qui lui ont été ainsi léguées. Si l’on excepte Gênes et surtout Venise, où précisément le maniérisme n’a pas pris racine, l’Italie de cette époque est essentiellement monarchique. Renonçant à l’idéal que lui avait enseigné l’humanisme, l’art se met plus souvent au service du prince ; il donne un cadre somptueux à la vie de cour, contribue à la splendeur des fêtes. Devant satisfaire à ces besoins nouveaux, il tend à devenir un jeu où le décor importe plus que la signification humaine et qui cultive le goût des effets insolites, des symboles alambiqués, des allégories louangeuses. Ce n’est là que l’aspect le plus frappant d’un art que n’épargnent pas les contradictions. On a quelque peine, par exemple, à retrouver dans l’architecture la définition générale du maniérisme.

Appelé en 1524 à Mantoue par Frédéric II Gonzague, le plus brillant élève de Raphaël, Jules Romain*, modernise le palais ducal et construit le palais du Te — dont il est aussi le décorateur — dans un style mâle et grandiose ; il emploie les bossages, les colonnes torses et, comme Bramante, introduit le rythme dans la distribution des éléments. Une tendance analogue est illustrée à Florence par Bartolomeo Ammannati, qui transforme le palais Pitti en résidence princière. À Rome, un classicisme austère exprime l’idéal de la Contre-Réforme, que marque une réaction contre l’humanisme paganisant. Propagateur rigoureux des préceptes de Vitruve*, Vignole* fixe au Gesù, dont Giacomo Della Porta dessine la façade, un type d’église fonctionnelle, dont l’ample vaisseau unique est conçu pour le culte et la prédication ; le goût de la grandeur et de la simplicité inspire aussi l’architecture de Domenico Fontana (1543-1607), urbaniste du pape Sixte V. A Milan, Pellegrino Tibaldi (1527-1596) se réclame de la même doctrine, alors que Galeazzo Alessi (actif par ailleurs à Gênes) illustre une conception plus fastueuse du classicisme. C’est dans les villas et les édifices de plaisance, dans leurs jardins compliqués, leurs grottes de rocailles et de coquillages, leurs fontaines qu’il faut chercher le témoignage d’une architecture proprement maniériste. À Florence*, Niccolo Pericoli, dit il Tribolo (1500-1550), crée le jardin de la villa de Castello et le jardin Boboli, dont la grotte sera l’œuvre de Bernardo Buontalenti (1536-1608), auteur des villas de la Petraia et de Pratolino. À Rome, Ammannati dessine le nymphée de la Villa Giulia. Dans un style plus fleuri, Pirro Ligorio (v. 1510 -1583) élève le Casino de Pie IV au Vatican et la féerique villa d’Este à Tivoli.