Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Les xixe et xxe siècles

Toute l’histoire de la musique italienne au xixe s. se joue à peu près entièrement autour de l’opéra, qui accapare les faveurs du public. La première moitié du siècle voit paraître les trois musiciens qui, amorçant le « dégel romantique », ont engagé l’opéra sur une voie nouvelle : G. Rossini*, dont le talent se révèle surtout dans l’opéra bouffe ; Gaetano Donizetti (1797-1848), à qui l’on doit quelques chefs-d’œuvre ; enfin Vincenzo Bellini (1801-1835), auquel on reconnaît encore les plus grands dons de mélodiste. C’est alors que paraît G. Verdi*, dont la carrure porte ombre à ses confrères et dont l’œuvre incarne l’idéal italien du théâtre en musique. Après lui, l’opéra décline, et seul G. Puccini*, dernier représentant de ce qu’on a appelé le vérisme, sait entretenir la vague d’enthousiasme déclenchée par son grand prédécesseur. Cependant, le genre ne disparaît pas, mais il va prendre un autre style et se renouveler suivant les transformations du langage musical, depuis les opéras d’Ildebrando Pizzetti (1880-1968), écrits de 1915 à 1964 et qui rompent délibérément avec le vérisme, jusqu’au dodécaphonisme intégral de L. Dallapiccola* (Ulysse, 1961-1968).

À côté de cette extraordinaire floraison de l’opéra, la musique instrumentale faisait assez pâle figure, même si la tradition du compositeur virtuose a trouvé alors avec N. Paganini* son représentant le plus célèbre. Mais, aussitôt après 1870 et la proclamation de l’unité nationale, commencent à se manifester en Italie les premiers symptômes d’un retour à la musique pure avec Giovanni Sgambati (1841-1914) et Giuseppe Martucci (1856-1909), qui, passionnés par l’art germanique, écrivent des œuvres d’une facture nettement instrumentale. Même si elles sont trop ouvertement influencées par leurs modèles allemands, celles-ci n’en créent pas moins en Italie un courant nouveau, qui, alimenté par les I. Pizzetti, Gian Francesco Malipiero (né en 1882) ou Alfredo Casella (1883-1947), donnera une impulsion décisive à la musique italienne. À la charnière des deux siècles, F. Busoni* joue un rôle important. À la fois pianiste prodigieux et théoricien hardi, il est aussi compositeur, et son opéra Doktor Faust, seul, devrait suffire à le tirer de l’oubli.

Dans la génération plus récente des compositeurs nés au début de ce siècle, le dodécaphonisme, comme dans les autres pays de l’Europe, trouve en Italie des adeptes : certains l’emploient avec quelque réticence, comme Goffredo Petrassi (né en 1904), tandis que d’autres l’adoptent délibérément, comme Riccardo Malipiero (né en 1914) ou Roman Vlad (né en 1919). Après le temps d’arrêt marqué par le fascisme, les compositeurs, dès la guerre terminée, se lancent dans les entreprises hardies, renouant (sans le vouloir sans doute) avec une vieille tradition « futuriste » inaugurée dans ce pays par Luigi Russolo (1885-1947) en 1913 avec sa « musique de bruits » et ses instruments nouveaux. Quoi qu’il en soit, la jeune école italienne est riche en personnalités, certains musiciens s’en tenant au langage tonal, comme Valentino Bucchi (né en 1916) ou Flavio Testi (né en 1923), tandis que d’autres font figure de novateurs, comme B. Maderna*. L. Nono* et L. Berio*, qui forment le grand trio de l’avant-garde italienne. À leur côté, toute une pléiade de plus jeunes talents témoigne à son tour de la vitalité de l’école italienne contemporaine, illustrée par Aldo Clementi (né en 1925), Franco Donatoni (né en 1927), Girolamo Arrigo (né en 1930), Sylvano Bussotti (né en 1931), Niccolo Castiglioni (né en 1932) et bien d’autres, qui viennent d’entrer dans la carrière. On peut donc dire que l’idéal de renouveau lancé par les pionniers du début du siècle, qui ont lutté pour sortir l’Italie de son rôle exclusif de « patrie de l’opéra » afin de la ramener à celui de « pays de la musique » qui fut si longtemps le sien, semble enfin pleinement réalisé.

N. B.

 F. Abbiati, Storia della musica (Milan, 1939-1946 ; 5 vol.). / G. Confalonieri, Storia della musica (Milan, 1958, 2 vol. ; 2e éd. en 1 vol., 1968). / F. Testi, La Musica italiana nel Medioevo e nel Rinascimento (Milan, 1969) ; la Musica italiana nel Seicento (Milan, 1970 ; 2 vol.).


Le cinéma italien

Filoteo Alberini fait breveter le 11 novembre 1895 un appareil dénommé kinetografo. Mais les véritables débuts du cinéma italien n’ont lieu que quelques années plus tard, quand l’opérateur Roberto Omegna tourne les toutes premières bandes d’actualités. En 1905, le même Alberini, en dirigeant la Prise de Rome, inaugure brillamment une longue série de films historiques à grande figuration. En trois ans, de 1906 à 1909, l’industrie cinématographique va connaître un essor fiévreux. La firme Alberini-Santoni prend le nom de Cines et arrache à Pathé certains techniciens, dont Gaston Velle. En effet, ne bénéficiant d’aucune tradition cinématographique — si récente soit-elle —, les producteurs italiens iront ravir en France, chez Pathé ou Gaumont, les techniciens dont ils ont besoin en les attirant par des contrats tentateurs (le metteur en scène Lépine, l’acteur comique André Deed répondent ainsi favorablement aux offres qui leur sont faites). En 1908, le marché est ainsi dominé par trois sociétés : la Cines (réorganisée par Carlo Rossi), l’Ambrosio et l’Itala. À la suite de succès publics déterminants (les Derniers Jours de Pompéi de Luigi Maggi chez Ambrosio, le Comte Ugolin de G. Pastrone chez Itala), la production s’oriente de plus en plus vers les fastueuses reconstitutions historiques, qui ressuscitent d’une manière plus ou moins nostalgique un passé de grandeur dont les spectateurs sont particulièrement friands. On ne se contente pas d’évoquer l’ancienne Rome ou l’antiquité grecque ; on adapte aussi bien Homère que Shakespeare, Dante qu’Alexandre Dumas, le Tasse que Sienkiewicz, la Bible que Ponson du Terrail, Victor Hugo que Manzoni. Les catalogues des firmes de l’époque ressemblent à un tumultueux répertoire historique. Le mouvement s’amplifie quand Pathé, pour lutter contre une concurrence inquiétante, crée une filiale, le F. A. I. (Film d’Arte Italiano). Giuseppe De Liguoro (l’Enfer [Inferno, 1909]), Enrico Guazzoni (la Jérusalem délivrée [La Gerusalemme liberata, 1911), Luigi Maggi (les Noces d’or [Nozze d’oro, 1911], Satan [Satana, 1912]) sont les chefs de file d’un groupe de réalisateurs qui comptent également dans leurs rangs Ernesto Pasquali, Luca Comerio, Emilio Ghione, Mario Caserini, Nino Oxilia, Giovanni Pastrone. Détail intéressant : le phénomène du « cinéma forain », si vivant en France, n’existe pratiquement pas en Italie. Les intellectuels (Gabriele D’Annunzio notamment) s’intéressent vivement au cinéma et ne répugnent pas à prêter leur concours comme scénaristes. Parallèlement à la vogue du film historique, il faut signaler de nombreuses tentatives de films comiques très inspirés par leurs homologues français. André Deed, qui avait créé le personnage de Boireau, s’illustrera dans son pays d’adoption sous le nom de Cretinetti et remportera de francs succès populaires.