Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Parallèlement à l’opéra se développait la cantate, aboutissement naturel des Nuove musiche de Giulio Caccini (1550-1618) et qui allait jouer dans la société du xviie s. le rôle assumé jusque-là par le madrigal. Alessandro Grandi († 1630) en avait inauguré le nom dans ses Cantade et arie a voce sola, et, après lui, tous les compositeurs d’opéras s’essayeront dans ce genre nouveau.

Dans le domaine de la musique religieuse, la polyphonie a cappella avait encore ses adeptes, comme Orazio Benevoli (1605-1672), qui la gonfle jusqu’aux vertigineuses architectures d’une écriture polychorale dans ses messes et ses motets à 16 voix. Les instruments s’introduisent à l’église, et, à Venise, Giovanni Gabrieli* fait alterner chœurs vocaux et instrumentaux dans ses Sacrae Symphoniae. À côté de ces ensembles imposants, les Cento Concerti ecclesiastici (Venise, 1602) de Ludovico Grossi da Viadana (1564-1627), pour voix et orgue, marquent l’introduction du stile recitativo dans la musique religieuse, et Monteverdi, après sa messe à 6 voix a cappella, adopte souvent dans son Vespro le style monodique de ses opéras. Cependant, à l’Oratoire de saint Philippe Neri à Rome, le vieux genre de la lauda, s’imprégnant peu à peu d’éléments dramatiques, s’achemine vers l’oratorio, que Giacomo Carissimi* va porter à sa perfection dans les trente-cinq oratorios pour 1 à 8 voix et b. c. qui nous sont parvenus.

Dans le domaine de la musique instrumentale, le luth tombant en désuétude, les instruments à clavier conquièrent à leur tour la vedette avec les organistes Giovanni Maria Trabaci (v. 1575-1647) et surtout G. Frescobaldi*, qui est le premier à donner pour son instrument des œuvres accomplies. Le claveciniste Bernardo Pasquini (1637-1710) imprègne ses compositions d’un style animé et brillant adapté à son instrument, et, après lui, ses élèves Francesco Durante (1684-1755) et Domenico Zipoli (1688-1726) ouvrent définitivement l’ère du clavecin, qui se poursuivra durant tout le siècle suivant. Cependant, grâce à l’habileté inégalée des luthiers de Crémone, le violon avait, dès le début du xviie s., atteint une telle perfection que les compositeurs lui confient désormais le rôle qui avait été jusque-là réservé aux chanteurs. On écrit alors des sonate et des sinfonie pour instruments à cordes, comme les Sonate a 2 violini e violone de Giovanni Legrenzi (1626-1690). À côté de la sonate à 3 se développe la sonate à violon seul, avec Gian Paolo Cima, Marco Uccellini (v. 1603-1680) et Giuseppe Torelli (1658-1709), dont les Concerti grossi sont, en réalité, de véritables concertos de solistes. Une place à part doit être réservée à Arcangelo Corelli*, qui a su donner au concerto grosso sa perfection formelle.


Le xviiie siècle

L’opéra prend au xviiie s. un développement extraordinaire en Italie, embrassant tous les sujets, profanes ou religieux, tous les genres, opera seria ou buffa. C’est Naples qui tient désormais la première place, et c’est à Alessandro Scarlatti* que l’on attribue généralement le mérite d’avoir, l’un des premiers, adopté le style napolitain, portant rapidement ce genre à son apogée. Après lui, toute une génération de compositeurs s’adonne à l’opéra, qui soulève à Naples un engouement extraordinaire, d’autant plus que dans cette ville, où fonctionnent quatre conservatoires, on n’a aucun mal à recruter chanteurs et instrumentistes. Sous l’influence de Métastase, dont les livrets dépassent de beaucoup ceux de ses prédécesseurs et qui affectionne les sujets héroïques, l’opera seria se constitue, avec alternance de longs récitatifs terminés par un aria destiné à mettre en valeur le talent des chanteurs dont la virtuosité est prodigieuse (en particulier celle des castrats comme le célèbre Carlo Broschi, dit Farinelli), mais dont les exigences contribuent à ruiner le genre. Cependant, la veine comique du peuple napolitain ayant peu à peu envahi la scène et les personnages historiques cédant le pas aux hommes de la rue, l’opera buffa triomphe désormais avec Jean-Baptiste Pergolèse (Giovan Battista Pergolesi, 1710-1736), Baldassare Galuppi (1706-1785), Giovanni Paisiello (1740-1816) et Domenico Cimarosa (1749-1801), qui sont les quatre maîtres du genre et dont le succès s’étend à toute l’Europe. Dans le domaine de la musique religieuse, si la production est intense dans toutes les chapelles des grandes églises, les compositeurs font preuve de peu d’originalité, soit qu’ils s’en tiennent à l’ancien style a cappella (Stabat mater de Domenico Scarlatti*), soit qu’ils adoptent le style de l’opéra (Stabat mater de Pergolèse).

L’Italie garde au xviiie s. la place de premier rang qu’elle avait tenue au siècle précédent dans le domaine de la musique instrumentale, les cordes venant toujours en tête. La technique du violon ne cesse de se perfectionner, et l’on publie de nombreuses méthodes, celle de F. Geminiani étant la plus célèbre en ce qu’il y transmet l’héritage de Corelli. Dans le domaine du concerto se distinguent Tomaso Albinoni (1671-1750), Benedetto Marcello (1686-1739), Francesco Antonio Bonporti (1672-1749), Francesco Geminiani (1687-1762), qui tous seront dépassés par A. Vivaldi*. Après celui-ci, Giovanni Battista Viotti (1755-1824) développera encore la virtuosité dans ses concertos de soliste. D’autre part, Giovanni Battista Sammartini (v. 1698-1775) ajoute à la sinfonia une instrumentation plus variée, tandis que Pietro Antonio Locatelli (1695-1764) peut être considéré comme le père de la virtuosité moderne dans ses Capricci et que Giuseppe Tartini (1692-1770), en dehors de ses œuvres qui ne sont pas sans valeur, a de plus le mérite d’avoir fondé à Padoue, en 1728, la Scuola delle Nazioni, où se formèrent bien des talents. C’est alors que se fait jour la notion de quatuor dans des compositions où les quatre instruments, dégagés de la basse continue, forment un véritable ensemble à cordes, tel que les conçoivent Giovanni Giuseppe Cambini (1746-1825) ou F. Geminiani et surtout L. Boccherini*. Cependant, le clavier garde aussi ses adeptes, le clavecin l’emportant désormais sur l’orgue, avec Giovanni Benedetto Platti (v. 1690-1763), B. Galuppi et surtout Domenico Scarlatti*, qui atteint le sommet du genre dans ses cinq cent cinquante sonates. Après sa mort, le pianoforte, inventé dès le début du siècle par Bartolomeo Cristofori, va gagner de la faveur et détrônera bientôt le clavecin. Il appartiendra à Muzio Clementi* d’en pressentir l’un des premiers les multiples possibilités.