Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

La littérature religieuse contemporaine est aussi riche qu’originale et contribue largement au raffinement de la langue vulgaire. En particulier : les Fioretti di san Francesco, écrits par un anonyme florentin, les Vite dei Santi Padri, du Pisan Domenico Cavalca (v. 1270-1342), et le recueil de sermons (Specchio di vera penitenza) du dominicain florentin Iacopo Passavanti (v. 1302-1357). Il Dialogo della Divina Provvidenza et les 381 Lettere (Lettres) [dont la plus justement célèbre relate à Raimond de Capoue la décollation de Niccolo da Toledo] de sainte Catherine* de Sienne méritent une place à part, la plus haute, pour l’énergie du style et la ferveur mystique qui les enflamme.


L’humanisme (xve s.)

La mort de Boccace (1375) fut ressentie par ses contemporains comme la fin d’une époque. Si les historiens de la civilisation choisissent volontiers la date de 1492 (découverte de l’Amérique, mort de Laurent le Magnifique) comme terme du premier âge humaniste qui s’ouvre alors, une véritable révolution s’effectue dans l’histoire de la langue et de la littérature italiennes dès 1470, avec l’impression des premiers textes en langue vulgaire ; 1470, édition vénitienne du Canzoniere de Pétrarque ; 1471, édition vénitienne du Décaméron de Boccace ; 1472, trois éditions de la Divine Comédie de Dante (Foligno, Mantoue, Venise). La naissante industrie éditoriale d’une part contribue à l’élaboration d’une norme aussi bien grammaticale que lexicale, d’autre part rend tout son lustre à la tradition littéraire italienne, que dans un premier temps paraissait avoir compromise la passion humaniste pour les œuvres de l’Antiquité gréco-romaine. En fait, c’est moins contre la langue vulgaire que contre la latinité médiévale que s’exerçait l’action des humanistes. Et, après une incontestable période de crise que subit la culture vulgaire à la fin du xive s. et au début du xve s., au moment de plus grande ferveur archéologique des premiers philologues classiques (découverte par Pétrarque des Lettres à Atticus de Cicéron ; par Coluccio Salutati de son recueil Ad familiares ; par Poggio Bracciolini de l’Institutio oratoria de Quintilien, des Silves de Stace et du De natura rerum de Lucrèce), il était dans la logique de l’humanisme de restituer indirectement la littérature de langue vulgaire à une nouvelle dignité, par la critique du concept médiéval d’autorité, par l’identification de l’homme à sa liberté, et à travers une expérience rhétorique enrichie au contact direct des chefs-d’œuvre de l’Antiquité. Malgré la médiocrité des concurrents qui y participent, le concours poétique en langue vulgaire qu’organise à Florence Leon Battista Alberti* (Certame coronario) témoigne d’une nouvelle autonomie des lettres italiennes, préludant au triomphe, avec Laurent de Médicis et le Politien, de ce qu’on a appelé l’humanisme vulgaire.

Le grand centre de la philologie et de l’érudition humanistes fut Florence, avec Coluccio Salutati (1331-1406), Poggio Bracciolini (1380-1459), Marsile Ficin (Marsilio Ficino, 1433-1499), traducteur (en latin) et exégète de Platon et de Plotin, auteur de la Theologia platonica (1482), et le génial Pic de La Mirandole (Giovanni Pico della Mirandola, 1463-1494 ; Heptaplus, 1489 ; De ente et uno, 1492), qui réussit en moins de trente ans à assimiler la science la plus vaste de son temps, y compris la connaissance de l’arabe et de l’hébreu. À Rome se distinguent Giulio Pomponio Leto (1428-1498) et Flavio Biondo (1392-1463 ; Roma instaurata ; Roma triumphans ; Décades), et à Naples Giovanni Pontano (1429-1503 ; Lepidina ; De amore coniugali). L’Hypnerotomachia Poliphili (1499) enfin, de Francesco Colonna (1433-1523), est l’exemple le plus saisissant de parodie linguistico-stylistique de la latinité en prose vulgaire.

D’autre part, si Leon Battista Alberti écrit en latin son De re aedificatoria, il rédige en italien le traité Della pittura (1436) et les trois livres Della famiglia (1443) ; de même, le Napolitain Iacopo Sannazzaro (1455-1530) doit sa gloire moins à sa rare virtuosité de versificateur latin (Eclogae piscatoriae, 1486 ; Elegiarum libri tres, v. 1500 ; De partu Virginis, 1526) qu’à son roman pastoral italien Arcadia (1504), inspiré de Boccace, comme le Novellino, édité après la mort de son auteur, Masuccio Salernitano (v. 1415-1475). Quant à Léonard* de Vinci, qui proclamait volontiers son ignorance des « lettres », il ne recourut jamais qu’au vulgaire, aussi bien pour son Trattato della pittura que pour ses Pensieri. Saint Bernardin de Sienne (1380-1444) et Jérôme Savonarole* comptent également parmi les plus grands prosateurs du siècle.

De qualité inégale, la production poétique de langue vulgaire est au xve s. fort abondante et puise largement dans le répertoire populaire (Sacre rappresentazioni : chansonnettes giustiniane du Vénitien Leonardo Giustinian [v. 1388-1446] ; genre burchiellesco, dérivé du surnom — Burchiello — de son fondateur, le barbier florentin Domenico di Giovanni [1404-1449]). Ces traditions populaires étaient vivement appréciées dans l’entourage de Laurent de Médicis*, et l’œuvre éclectique de celui-ci en conserve mainte trace à côté d’éléments empruntés à la culture néo-platonicienne contemporaine (Altercazione ; Selve d’amore ; Rappresentazione di San Giovanni e Paolo ; Caccia col falcone, peinture de la cour médicéenne ; Beoni, catalogue des plus grands buveurs du temps ; Nencia da Barberino, idylle rustique d’une grâce bouffonne ; Canti carnascialeschi ; Ambra ; Corinto), alors que dans les Stanze du Politien cette même cour médicéenne est idéalisée avec un art d’une extrême subtilité. C’est également en Toscane que renaît la vogue populaire des poèmes chevaleresques français, qui, de transposition en transposition, aboutiront au chef-d’œuvre de l’Arioste : d’Antonio Pucci (v. 1310-1388) à Andrea da Barberino (v. 1370 - v. 1431 ; I Reali di Francia, en prose) et Luigi Pulci (1432-1484 ; Il Morgante) ; jusqu’à l’Orlando innamorato de l’aristocrate émilien Matteo Boiardo (1441-1494), dernier relais avant le Roland furieux.