Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Le secteur industriel public a une grande originalité. Il y a, comme en France, un secteur nationalisé. C’est le cas des chemins de fer ; plus récemment, en 1962, toutes les sociétés de production, de transport et de distribution d’électricité ont fait passer, contre indemnités, leurs installations à un organisme public nouveau, l’ENEL (Ente Nazionale per l’Energia Elettrica) [à l’exception de quelques autoproducteurs]. Mais, où l’intervention de l’État est vraiment originale, c’est par le biais du ministère des Participations de l’État, qui contrôle notamment l’IRI et l’ENI.

L’Istituto per la ricostruzione industriale (IRI) a été fondé en 1933. Il s’agissait alors d’assainir la situation des banques de dépôts, qui avaient alourdi leur portefeuille de titres industriels difficiles à réaliser, et d’aider les entreprises touchées par la crise économique. L’État remarqua bien vite quel utile instrument de politique économique représentait l’IRI. De provisoire, il devint permanent. L’IRI fonctionne comme une société financière, régnant sur plus de 100 sociétés industrielles, bancaires ou prestataires de services. Les entreprises d’un même secteur sont réunies sous l’autorité de sociétés financières intermédiaires et sont gérées comme des sociétés privées. Il y a ainsi une pyramide dont l’IRI est le sommet. En dessous se trouvent les sociétés financières de secteur : Finsider pour la métallurgie, Finmeccanica pour la mécanique, Fincantieri pour les chantiers navals, STET pour le téléphone... Par ailleurs, l’IRI est majoritaire (quelquefois avec la quasi-totalité des actions) de quatre banques, de la société Alitalia, de la radiotélévision RAI, de sociétés de travaux publics comme « Autostrade », d’entreprises textiles, éditoriales ou immobilières. Son chiffre d’affaires dépasse 3 400 milliards de lires, et le nombre de ses salariés approche de 350 000. L’Ente Nazionale Idrocarburi (ENI) est née en 1953. Son essor est attaché à la personne d’Enrico Mattei (1906-1962). Le but premier est la recherche, l’extraction et le transport des hydrocarbures, mais son action a été étendue à la chimie et à l’énergie nucléaire. Ses ramifications industrielles en Italie et à l’étranger sont nombreuses. Son organisation est analogue à celle de l’IRI. Au-dessous de la société mère se trouvent trois sociétés principales, l’AGIP pour l’extraction, la distribution d’hydrocarbures et la recherche nucléaire, l’ANIC pour le raffinage et la pétrochimie, la SNAM pour le transport et la distribution du gaz naturel. Directement ou par l’entremise de ces sociétés, l’ENI possède des entreprises mécaniques (Nuovo Pignone), textiles (Lanerossi), éditoriales (Il Giorno), hôtelières, immobilières... Le chiffre d’affaires du groupe (qui emploie plus de 60 000 personnes) dépasse 1 600 milliards de lires. Grâce à lui, l’approvisionnement en hydrocarbures de l’Italie est assuré. IRI et ENI ont récemment conquis de nouveaux secteurs d’influence par le contrôle de la Montedison, qui était un des piliers du capitalisme privé.

Le capitalisme privé italien est vigoureux. Le caractère récent et rapide de l’industrialisation a suscité des vocations d’entrepreneurs, et des « capitaines d’industrie » ont surgi, tels la famille Pirelli, Giorgio Valerio, Giovanni Agnèlli, poursuivant l’œuvre de son oncle, les trois frères Falck... De véritables empires industriels ont été créés en quelques années. La première société privée est la puissante société turinoise FIAT, véritable trust italien de l’automobile, mais qui a des intérêts dans tous les secteurs de la mécanique et les productions complémentaires de l’automobile, dans les sociétés de transport, dans les entreprises de travaux publics, dans les assurances... La société milanaise Pirelli produit des articles de caoutchouc, des câbles électriques, des matières plastiques. C’est un groupe solide que l’on retrouve dans tous les actes essentiels de la vie économique nationale. Olivetti, entreprise fondée à Ivrée par un homme hardi et généreux, Camillo Olivetti (1868-1943), a imposé ses machines de bureau dans le monde entier et passe à la construction de matériel électronique. La Snia Viscosa se consacre à la production de textiles artificiels et synthétiques. Il faudrait encore citer l’Italcementi pour le ciment, la Motta pour la pâtisserie industrielle, la Carlo Erba pour les produits pharmaceutiques, sans oublier nombre d’entreprises étrangères. Ces sociétés, par l’intermédiaire des groupes financiers, se relient entre elles. De plus, ce capitalisme, soumis à la loi de la concentration, déborde les frontières. C’est le sens de l’accord Fiat-Citroën, des accords internationaux de la Pirelli, de ceux de l’Olivetti.

Reste le cas de la Montedison. L’histoire récente de ce groupe, dont le chiffre d’affaires global est supérieur à 2 000 milliards de lires et qui emploie plus de 100 000 salariés, est peut-être l’exemple le plus significatif de la compénétration des intérêts privés, publics, nationaux et étrangers qui s’effectue dans le capitalisme italien. Au départ, il y a le trust italien de l’électricité, l’Edison, et celui de la chimie, la Montecatini. L’Edison, pressentant le caractère inéluctable de la nationalisation de l’électricité, crée un secteur chimique. Lorsqu’elle perçoit les indemnités relatives à la nationalisation, elle fusionne avec la Montecatini, qui a grand besoin de financer des établissements pétrochimiques (elle a pour cela fondé durant un temps une société avec la Shell, la Monteshell). Le nouveau groupe est multiforme, car il possède des quantités de sociétés diverses (par exemple la chaîne de commerces multiples « Magazzini Standa », 254 milliards de lires de chiffre d’affaires). Mais ce colosse industriel inquiète l’ENI. En 1968, par l’intermédiaire d’une banque d’affaires du groupe IRI, la Mediobanca, les sociétés IRI et ENI achètent assez d’actions pour s’assurer le contrôle de la Montedison. Le processus de concentration se poursuit donc, sans que l’on discerne bien ses limites. Et cela montre bien le caractère oligopolistique de l’industrie.