Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

L’accroissement de population

Il est mesuré, mais continu. Les estimations relatives au nombre d’habitants avant l’Unité sont très incertaines. Le territoire actuel du pays aurait compté 7 millions de personnes en 28 av. J.-C., 11 millions dans la première moitié du xive s., 13 millions en 1600, 17 millions en 1750, 26 millions en 1861 (premier recensement officiel), 55 millions aujourd’hui.

Ce sont les excédents naturels qui sont la cause de ces gains de population. De 1860 à 1880, le taux annuel d’accroissement est de 8 à 9 p. 1 000 ; puis, jusque vers 1930, il dépasse 10 à 11 p. 1 000 pour retomber ensuite autour de 9 p. 1 000, et aux environs de 7 p. 1 000 seulement en 1970. Cela est le résultat des variations de la natalité et de la mortalité.

La mortalité a baissé de manière régulière en un siècle. Le taux annuel était de 30 p. 1 000 environ au moment de l’unité, il est en 1970 de 9,5 p. 1 000. C’est un taux analogue à celui de la Suisse, légèrement inférieur à celui de la France. Cette forte baisse de la mortalité est due d’abord à la jeunesse de la population, mais aussi à la diffusion des soins médicaux et de l’hygiène, que le progrès économique et l’urbanisation ont rendus plus faciles. La principale bataille a été gagnée sur le front de la mortalité infantile. Le taux de mortalité infantile, de 230 p. 1 000 il y a un siècle, s’est effondré à 29,2 p. 1 000.

Pendant ce temps, la natalité baissait également, mais à un rythme moins marqué. Le maintien de taux de natalité élevés jusqu’à une date récente a été un deuxième facteur de dynamisme démographique. En 1861, ce taux s’élevait à 39,4 p. 1 000, et il est resté égal ou supérieur à 30 p. 1 000 jusqu’en 1923. Puis la natalité s’est rapprochée de celle des pays fortement industrialisés. Elle est en 1970 de 16,5 p. 1 000. Ce sont là des conditions analogues à celles de la France

Mais l’évolution n’est pas terminée, car il demeure de fortes disparités régionales. Une fois de plus, le Nord et le Sud s’opposent. Dans les provinces septentrionales et centrales, les taux de natalité sont toujours inférieurs à 20 p. 1 000, avec des valeurs souvent au-dessous de 12 p. 1 000. Jusqu’à une date très récente, le Sud était une zone de forte natalité, mais les changements sont rapides, bien que la plupart des provinces méridionales aient encore des taux supérieurs à 20 p. 1 000 (Naples, 24 p. 1 000). Les taux de mortalité tendent, eux, à s’égaliser avec même une inversion paradoxale. Le Sud a des taux de mortalité inférieurs à ceux du Nord (8 à 9 p. 1 000 contre 10 à 12 p. 1 000). Les régions les plus pauvres ont des taux moins élevés que les régions riches, et cela est dû à la plus grande jeunesse de la population. Malgré tout, pour quelque temps encore, c’est le Midi qui apporte les plus notables excédents de population.

Mais la diminution de la natalité et de la mortalité, jointe aux effets de l’émigration, a pour conséquence le vieillissement de la population italienne. En 1861, la part des « moins de 20 ans » était de 43,3 p. 100, et celle des « plus de 60 ans » de 6 p. 100. En 1961, ces pourcentages sont respectivement devenus 31 et 13,2 p. 100. L’Italie n’est donc plus ce grand réservoir de main-d’œuvre dans lequel nombre de pays ont puisé, d’autant plus que les migrations ont changé de sens.


Le renversement des courants migratoires

L’amenuisement des migrations internationales est un premier fait. Au moment de son décollage économique, l’Italie avait des centaines de milliers d’habitants sans espoir de travail régulier et qui n’avaient d’autre solution que l’émigration. À partir des années 1880, le grand flux d’émigration se renforce. Jusque-là limité à 100 000 personnes par an environ, se dirigeant surtout vers les autres pays européens, la moitié prennent alors la route de l’Amérique. En 1902, le nombre des Italiens qui s’expatrient est de 530 000, dont 285 000 outre-Atlantique. L’apogée de ce mouvement se situe en 1913, année durant laquelle 560 000 Italiens quittent l’Europe, tandis que 313 000 s’en vont vers les pays voisins. Ce furent les habitants des provinces méridionales qui s’en allèrent en plus grand nombre vers l’Amérique du Sud, puis, au début du xxe s., vers les États-Unis et le Canada, les habitants de l’Italie du Nord ayant de larges facilités d’implantation dans les pays voisins, la France en tout premier lieu. Après la Première Guerre mondiale, ces mouvements vont se ralentir, car les pays d’accueil vont se fermer ou devenir plus exigeants en matière d’immigration. D’autre part, le fascisme va empêcher les départs. Après la Seconde Guerre mondiale, le mouvement a repris, mais avec une vigueur moindre. Son rayon d’action a diminué, et les pays européens ont repris une plus grande place. Voici, à titre d’exemple, la situation en 1969 : il est parti 182 199 personnes, mais en contrepartie 153 298 sont revenues au pays. Le solde net de l’émigration n’est plus que de 28 901 personnes (90 000 en 1966). Le continent américain a absorbé 55 p. 100 de ce solde, contre moins de 30 p. 100 à l’Europe. Mais, si l’on considère les chiffres bruts, l’Europe absorbe 76 p. 100 des effectifs émigrés.

L’importance économique de cette émigration est difficile à chiffrer. Elle a permis à beaucoup d’Italiens d’acquérir une formation professionnelle ; les envois d’argent des émigrés, les rimesse, portent sur des millions de dollars. Dans le monde, il existe des colonies d’Italiens, et leurs possibilités d’intégration sont très larges. En France, dans le Sud-Est, par exemple, on trouve des colonies de bûcherons en Haute-Provence, de maraîchers dans le comtat Venaissin, de travailleurs sur les chantiers dans les Alpes, etc. L’émigration vers les pays européens s’est nettement « méridionalisée » ces dernières années, ce qui pose des problèmes d’intégration plus délicats ; toutefois, la main-d’œuvre italienne est toujours extrêmement prisée.