Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Les élections de 1968

La stabilité gouvernementale est remise en question par les élections générales de mai 1968 : le parti socialiste unifié connaît alors un revers et n’obtint que 91 sièges (14,5 p. 100 des suffrages) ; l’ensemble de la droite recule et l’extrême gauche connaît un succès notable. Le refus des socialistes de participer à une coalition gouvernementale avec les démocrates-chrétiens entraîne la démission du ministère Moro (juin 1968).


Depuis 1968


La crise des partis

Giovanni Leone forme un gouvernement homogène démocrate-chrétien, gouvernement d’attente, car les démocrates-chrétiens espèrent que les socialistes, en leur congrès d’automne, se prononceront de nouveau pour la formule de centre gauche. Cependant, l’agitation sociale et universitaire se développe dans tout le pays.

Au congrès socialiste d’octobre 1968, Pietro Nenni est violemment attaqué par la gauche de son parti. D’autre part, le 14 novembre, 12 millions de travailleurs se mettent en grève en vue d’obtenir des réformes sociales fondamentales qui seraient alignées sur la conjoncture économique. Le climat est tel que Leone démissionne le 19 novembre.

Cependant, le 8 décembre, alors qu’une grève générale vient de paralyser Rome, le secrétaire général de la démocratie chrétienne, Mariano Rumor, annonce qu’un accord de coalition centre gauche est intervenu entre son parti, d’une part, les socialistes et les républicains, d’autre part ; le 12 décembre, il présente un cabinet formé de 16 démocrates-chrétiens, 9 socialistes et 1 républicain. Son gouvernement met en tête de son programme les réformes sociales et régionales, la démocratisation de l’enseignement, l’augmentation des salaires et des pensions, la lutte contre le chômage. Le 19 janvier 1969, M. Rumor est remplacé par Flaminio Piccoli au poste de secrétaire de la démocratie-chrétienne.

L’agitation sociale ne cesse pas. En janvier, les syndicats engagent des pourparlers avec le gouvernement au sujet d’une réforme du régime des retraites et de l’abolition des différences de salaires existant entre les régions. Les grèves se multiplient ; en juin, l’agitation sociale et estudiantine s’étend à l’ensemble de l’Italie.

Au début de juillet 1969, le parti socialiste italien se scinde de nouveau, malgré les efforts de Pietro Nenni, qui démissionne le 4 juillet : à la fraction de gauche, menée par Francesco De Martino et qui préconise la coopération avec le PCI, s’oppose la fraction de droite, qui, avec Mauro Ferri, forme le parti socialiste unitaire (5 juill.).

Cette scission met fin à l’expérience de centre gauche. Le gouvernement Rumor démissionne ; chargé aussitôt de former un nouveau ministère, M. Rumor pense reformer une coalition, mais le PSU et les républicains refusent d’y entrer. Aussi la démocratie chrétienne, elle-même divisée en huit courants, décide-t-elle de former un gouvernement homogène, qui, présidé par M. Rumor, est investi le 11 août.

Très vite, il s’avère que la démocratie chrétienne peut difficilement diriger seule un pays bouleversé par la recherche difficile d’une société adaptée au progrès économique. L’« automne chaud » a montré non seulement la force des syndicats, mais aussi le danger permanent créé pour le régime par l’action violente des groupes révolutionnaires d’extrême gauche.

Dès le 7 février 1970, le second gouvernement Rumor démissionne. Après de longues discussions, M. Rumor peut faire investir un ministère comprenant 17 démocrates-chrétiens, 6 socialistes, 3 socialistes unitaires et 1 républicain (10-17 avr.).

Nouvelle crise ministérielle le 6 juillet 1970 ; Giulio Andreotti, démocrate-chrétien, est alors chargé de la résoudre, mais son programme est jugé trop timide par les socialistes ; et déjà le problème du divorce divise les Italiens. Ce n’est que le 6 août qu’un autre démocrate-chrétien, Emilio Colombo, réussit à former un gouvernement de centre gauche qui se donne comme objectif la lutte contre l’inflation et le redressement économique. Le 1er décembre, après vote approbatif du Sénat et de la Chambre, le président Saragat signe la loi qui introduit le divorce dans la législation italienne. Aussitôt, de nombreuses organisations catholiques signent une demande de référendum abrogatif de cette loi. La droite de la démocratie chrétienne se montre elle aussi hostile au mouvement laïque, dont la force se manifeste par une telle législation.

La crise politique latente que connaît alors l’Italie favorise la montée du néo-fascisme, qui gagne de nombreuses voix lors des élections administratives partielles du 13 juin 1971. L’institution des quinze régions à statut ordinaire, dont les conseils sont élus le 7 juin 1970, fortifie sans doute la démocratie et contribue à équilibrer la vie économique et sociale, mais cette institution décentralisatrice s’établit dans l’ambiguïté, et les structures oligarchiques se reconstituent au niveau régional. Les discussions politiques se retrouvent au plus haut niveau, en décembre 1971, quand il s’agit d’élire un nouveau président de La République : Giovanni Leone est finalement élu au 16e jour de vote et au 23e scrutin, le 24 décembre.

Aussitôt se révèle la difficulté de former un gouvernement, les démocrates-chrétiens restant divisés quant à la reconstitution d’un gouvernement de centre gauche. Après quinze jours de négociations, Emilio Colombo renonce à former un ministère (1er févr. 1972) ; c’est Giulio Andreotti qui le constitue (18 févr.), mais il s’avère que seules des élections générales pourront clarifier la situation. Le Parlement est dissous le 28 février.


Après les élections de 1972

Les élections générales des 7 et 8 mai 1972 ne provoquent pas de changement politique spectaculaire : le corps électoral italien reste fidèle à ses grandes orientations et ignore massivement les groupes marginaux. Le 4 juin, Giulio Andreotti est chargé de former un gouvernement de coalition (démocrates-chrétiens, sociaux-démocrates, libéraux). Ce cabinet démissionne le 12 juin 1973 et est remplacé, dix-sept jours plus tard, par un cabinet de centre gauche présidé par Mariano Rumor. Renversé en mars 1974, celui-ci reconstitue aussitôt une équipe semblable qui doit faire face à une grave crise morale provoquée par une série de scandales dans les milieux officiels.

A. G. et P. P.