Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Italie (suite)

Le gouvernement appuie la constitution de l’unité européenne sur le plan politique et économique. La naissance de la Communauté européenne du charbon et de l’acier (avr. 1951) impose à l’Italie une rapide adaptation concurrentielle de son industrie sidérurgique, sous l’impulsion de l’IRI (Instituto per la Ricostructione Industriale). La production industrielle augmente, au cours de cette période, avec une moyenne de 10 p. 100 par an. Cette croissance est due également à la découverte et à l’exploitation intensive des gisements de gaz naturel et de pétrole, dont la gestion, à partir de 1953, est regroupée sous l’« Ente Nazionale Idrocarburi » (ENI), importante entreprise publique dirigée par Enrico Mattei.

Puis la libéralisation des importations donne à l’industrie italienne la possibilité de se servir de machines étrangères. Le développement du Sud entre dans une phase dynamique avec la formation de la Caisse du Midi. À l’ancien appétit de terre et au grave sous-développement de l’agriculture dans les grandes propriétés foncières répond une loi de réforme agraire.

Mais, si la politique de la première législature est à l’origine du phénomène qu’on appellera par la suite « boom économique italien », les résultats sont moindres dans la construction du nouvel État.


Les difficultés internes. Les élections de 1953

En effet, la Cour constitutionnelle et le Conseil national de l’économie et du travail ne sont créés qu’en 1956. En ce qui concerne la réalisation des régions, on se limite à la loi Scelba, laborieusement approuvée en janvier 1953, après plusieurs modifications, et qui n’est qu’une prémisse à l’introduction de l’organisation régionale (il faudra attendre 1970). Les divers codes, avec leurs dispositions fascistes et préfascistes, survivent encore. En outre, face aux devoirs croissants d’intervention socio-économique de l’État, se renforcent les structures de la tradition centraliste et les grands appareils para-étatiques.

Le climat de la législature n’est pas propre à favoriser l’œuvre de renouvellement : la guerre froide s’installe à l’intérieur entre le gouvernement et les communistes. En juillet 1948, une grève générale et quelques épisodes de violence liés à l’attentat contre Togliatti marquent la rupture syndicale et portent à trois le nombre des centrales syndicales ouvrières : la Confederazione generale italiana del lavoro (CGIL), communiste ; la Confederazione italiana sindacati lavoratori (CISL), liée au courant syndical chrétien ; l’Unione italiana del lavoro (UIL), formée par les sociaux-démocrates et par les républicains.

Les pressions de la droite ont un effet tout aussi temporisateur. L’Action catholique, base et, par certains aspects, soutien de la démocratie chrétienne, voit s’accentuer à son sommet la tendance de type intégriste. À l’intérieur de la démocratie chrétienne, si la pression polémique des groupes de gauche est à l’origine des gouvernements et des initiatives les plus dynamiques, les interventions politiques les plus importantes, comme la réforme agraire, font apparaître une droite interne (le groupe de la « Vespa » [Guêpe]) et provoquent des pertes électorales graves, en faveur de la droite monarchiste et néo-fasciste, en particulier dans l’Italie méridionale, au cours des élections municipales de 1951 et de 1952.

La participation des sociaux-démocrates au gouvernement subit les alternances des scissions et des aspirations à l’unité des différentes branches socialistes et dépend de l’attitude des socialistes à l’égard du parti communiste.

Quant aux libéraux, ils ne sont pas favorables aux réformes de structures de De Gasperi ; cependant, malgré leur démission du gouvernement en 1950, ils restent membres de la coalition.

La politique étrangère est l’objet de violentes critiques de la part du parti communiste. Au Parlement, le débat le plus dramatique est celui qui concerne l’adhésion de l’Italie au pacte de l’Atlantique (mars 1949), débat au cours duquel l’opposition utilise l’obstruction parlementaire.

L’opposition fait appel de nouveau à l’obstruction lors du débat de clôture de la législature sur l’introduction à la Chambre d’une loi électorale majoritaire qui remplacerait la loi proportionnelle pure. La réforme électorale est approuvée par le Parlement, mais son objectif — renforcer la représentation des partis du centre et créer à l’intérieur du quadripartisme une place pour des solutions politiques d’alternance — n’est pas atteint. Lors des élections générales du 7 juin 1953, en effet, il manque à la coalition 57 000 voix pour obtenir la majorité absolue.


De 1953 à 1958


Un équilibre difficile

Les élections de 1953 marquent la fin de l’ère De Gasperi. En effet, le leader de la démocratie chrétienne, ne pouvant réitérer son expérience centriste, forme un huitième gouvernement nettement conservateur qui tombe dès le 28 juillet : De Gasperi quitte la scène politique ; il mourra un an plus tard.

Se succèdent alors des formations diversement orientées : gouvernement démocrate-chrétien présidé par Giuseppe Pella (août 1953), puis par Amintore Fanfani (janv. 1954) ; retour au centrisme et au quadripartisme avec les gouvernements présidés par les démocrates-chrétiens Mario Scelba (févr. 1954) et Antonio Segni (juill. 1955).

Le 6 mai 1957, le retrait de Saragat du ministère oblige Segni à démissionner. Il est remplacé, le 19 mai, par Adone Zoli, qui présente un cabinet homogène démocrate-chrétien : si ce cabinet est investi par le Sénat, le vote de la Chambre est tellement ambigu (ce sont les voix néo-fascistes du MSI qui ont fait la majorité) que Zoli démissionne. Mais le président de la République refuse la démission de Zoli, et celui-ci se maintient jusqu’aux élections générales de 1958.

Ce fragile équilibre politique traduit les difficultés de la démocratie italienne, menacée à l’extrême droite et à l’extrême gauche. Dans un pays qui amorce son « miracle » économique et adopte une mentalité industrielle, la démocratie chrétienne est le premier parti à approfondir l’examen de ses rapports avec la société : son congrès de Naples (juin 1954) est significatif à cet égard. Si les démocrates-chrétiens considèrent comme contraire aux intérêts de la nation la lutte des classes, ils ne refusent pas d’examiner la participation des socialistes au pouvoir.