Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

islām (suite)

Architecture militaire

L architecture militaire de l’islām ne présente pas autant d’originalité — parce qu’elle est pendant longtemps liée à la tradition byzantine et occidentale —, mais elle n’en produit pas moins des monuments de haute qualité, dont certains prennent place parmi les chefs-d’œuvre universels (citadelle d’Alep, xie s. et suivants). Moins tôt affectée par les découvertes modernes, elle manifeste encore sa vigueur au xviie s. Elle comprend murailles qui entourent les villes (enceintes de Diyarbakir), citadelles urbaines, couvents fortifiés (ribāṭ de Sousse et de Monastir, viiie-ixe s.), châteaux forts des campagnes ou défenses extérieures des palais royaux. Chargées en Orient, bien avant l’islām, d’une valeur symbolique, première annonce pour l’étranger de l’hospitalité promise, point faible des systèmes défensifs, les portes, dans toutes ces constructions, revêtent une importance essentielle ; aussi sont-elles soigneusement étudiées et somptueusement décorées (porte de la casbah des Oudaïa à Rabat, porte de Damas à Jérusalem, 1537). Celles du Caire (Bāb al-Fūtūḥ, Bāb al-Naṣr) prennent place parmi les créations les plus remarquables de l’Égypte médiévale.


Architecture civile

Derrière ses murailles, la ville affecte des formes variées, souvent géométriques : sous les ‘Abbāssides, Bagdad reprenait le plan circulaire de l’ancien Iran. Elle porte souvent, en son centre ou sur un de ses flancs, la citadelle. Parfois, elle manifeste un souci évident d’urbanisme (Fatḥpūr-Sīkrī, Ahmadābād, Ispahan) ou tire parti de son cadre naturel (Istanbul, Grenade*). De grands bazars, presque tous disparus ou refaits, centralisent le commerce. Chaque quartier possède sa mosquée, ses fontaines, ses bains (ḥammām), hérités techniquement et esthétiquement de l’Antiquité. Les demeures privées se ferment au monde extérieur (grilles en bois des fenêtres, les moucharabieh), distribuent les pièces autour d’une cour en quartiers : salles de réception, salles domestiques, appartements privés (harem). Animés d’un même goût pour l’intimité et peu soucieux de dominer le monde par la perspective, les paysagistes isolent les jardins dans de hauts murs et les organisent de telle sorte que les regards convergent de la périphérie vers le centre. Parfois, cependant, des kiosques surplombent les enceintes, ou des ouvertures laissent apparaître l’horizon (Généralité de Grenade, xve s.). Systématiquement, en Inde, les jardins, bien qu’enfermés aussi dans des murailles, s’étagent sur des terrasses successives et s’ouvrent sur de grandes échappées (jardins de Srinagar). Partout, les espèces florales sont peu nombreuses, mais il y a débauche d’eau (bassins, canaux, fontaines).


Palais

Moins protégés que les édifices cultuels et expressions des caprices et des goûts princiers, essentiellement changeants, les palais ont plus souffert que les autres monuments. C’est pourtant eux qui nous apportent, avec des objets de luxe, des peintures et des sculptures, les images les plus neuves, les plus variées et les moins conventionnelles. Innombrables à toute époque, ils relèvent, pour les périodes les plus anciennes, des travaux archéologiques. Ceux des Omeyyades et des ‘Abbāssides ont été étudiés, et les fouilles ont commencé à faire connaître Madīnat al-Zahrā’ (Espagne), la Qal’a des Banū Hammād (Algérie*), Kubadabad (Turquie*), Lachkari Bāzār et Rhaznī (Afghānistān), aux révélations essentielles. Mais nous ignorons encore tout des palais fāṭimides, pour ne citer qu’un exemple. Le seul ensemble médiéval d’importance est l’Alhambra de Grenade* ; témoin d’un art charmant, mais quelque peu décadent, il présente, comme bien d’autres châteaux ultérieurs, le double aspect d’une puissante forteresse et d’une somptueuse résidence. Plus récents, les palais moghols de Delhi, d’Āgrā, de Lahore, de Fatḥpūr-Sīkri les palais séfévides d’Ispahan, les palais ottomans d’Istanbul ou de Damas, ceux du Maroc* montrent en général une succession de pavillons disposés sur des jardins ou des terrasses.

La civilisation musulmane, essentiellement commerçante, n’a pas utilisé la voiture comme l’Antiquité, mais la caravane : elle n’a donc pas construit de routes, et les ponts ne furent jetés sur les fleuves que là où ils n’étaient pas guéables ; encore les passages étant parfois connus depuis toujours, le pont islamique utilise-t-il des infrastructures antérieures. Quand il est construit a fundamentis, il dévoile la science de l’architecte (pont du Tensift près de Marrakech, xiie s. ; pont de San Martín de Tolède, xiiie s.), son goût pour la beauté de la ligne et la majesté (pont Allāhverdi Khān d’Ispahan, xvie s.). C’est par une série de remarquables caravansérails, dont les plus beaux appartiennent à la Turquie seldjoukide (xiiie s.), que l’art est redevable aux activités marchandes de l’islām. Situés en ville et plus souvent le long des pistes, ceux d’Anatolie se présentent comme de majestueuses constructions, à longues nefs sous voûte brisée, auxquelles on accède par des porches imposants au décor sobre (Sultan Hanı, Karatay Hanı, etc.).


Le décor

Le principe essentiel de la décoration islamique est la subordination de chaque élément à l’unité de l’ensemble. Cela ne veut pas dire que ces éléments doivent être sacrifiés, qu’ils souffrent d’un manque d’imagination ou de pauvreté. Bien au contraire, soumis à une loi contraignante, l’artiste se plaît à les faire varier à l’infini : de panneau à panneau, les changements sont d’une extrême subtilité, et une partie du plaisir esthétique de celui qui les regarde naît de leur observation minutieuse. Mais, si le détail compte, le motif n’est pourtant pas traité pour lui-même. Il ne cherche pas à s’affirmer : en sculpture, le haut relief sera rare, plus encore la ronde-bosse ; au contraire, le méplat règne en maître. Dans le bois, dans le métal, dans le marbre, les incrustations, dont on fait large usage, n’ont pas pour objet de pénétrer la matière, mais de rendre plus discret le travail.

Dans le domaine de la couleur, les mosaïques aux époques primitives, les peintures murales, les revêtements de céramiques, de plus en plus importants à partir du xiiie s., présentent peu ou pas de saillie, permettent les grandes surfaces uniformes et éclatent de splendeur, mais d’une splendeur qui n’est, encore une fois, qu’une sorte de reflet.