Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Isauriens (dynastie des) (suite)

Nullement rebuté par cette effervescence populaire et par l’opposition catégorique des plus hautes instances ecclésiastiques, le basileus décide d’imposer son iconomachie par la force : le 17 janvier 730, il contraint le patriarche de Constantinople Germain à démissionner et proscrit le culte des images des saints. L’opposition est muselée avec fermeté, mais sans recours à une rigueur excessive. Pour se venger de l’hostilité de la papauté, que des mesures coercitives ne peuvent atteindre, Léon III soustrait à la juridiction pontificale une grande partie du territoire impérial : Calabre, Sicile et Illyricum oriental. Cette séparation aura à long terme une répercussion énorme : agrandi dorénavant aux dimensions mêmes de l’Empire byzantin, le patriarcat de Constantinople, jouissant d’un prestige considérable, ne tolérera plus les empiétements du Saint-Siège dans sa sphère d’influence et osera lui disputer ses prétentions à l’universalisme.

À la mort de Léon III, l’héritier légitime Constantin V (741-775) trouve aussitôt un compétiteur en la personne de son beau-frère Artavasde. L’usurpateur rallie à sa cause tous les partisans de l’orthodoxie et se fait couronner empereur à Constantinople en 742. Le souverain dépossédé se retranche en Asie Mineure, dont la plupart des « thèmes » soutiennent sa candidature. En 743, il bat les armées de son adversaire et prend possession de la capitale (2 nov.), où il se livre à un féroce règlement de comptes.

Maître du trône, il reprend l’offensive contre les Arabes, affaiblis par la lutte intestine entre Omeyyades et ‘Abbāssides ; de 746 à 752, il leur inflige de grandes défaites en Syrie, en Arménie et en Mésopotamie. Des prisonniers sont, en qualité de colons, transférés en Thrace pour protéger les régions occidentales contre les Bulgares. Inquiets des ouvrages fortifiés dont le basileus a garni la frontière, ceux-ci ouvrent les hostilités (755). La guerre durera jusqu’à la fin du règne : elle connaîtra des fortunes diverses, mais sera finalement favorable à Byzance. L’Italie est abandonnée à son sort, et l’exarchat de Ravenne succombe en 751. Dans son combat contre les Lombards, la papauté, ne pouvant plus compter sur les Grecs « hérétiques », se tourne vers les Francs : en janvier 754, à Ponthion, le pape Étienne II rencontre le roi Pépin le Bref, qui lui reconnaît le droit de gouverner en son nom propre les territoires de Rome et de Ravenne, premier pas vers la création des États pontificaux.

Constantin V se montre beaucoup plus fervent iconoclaste que son père : la doctrine officielle fait l’objet d’une propagande active, et l’édit de 730 est confirmé par le concile de Hieria (754), dont les membres sont tous de dévoués courtisans. Les images des saints sont interdites, et leur vénération est condamnée. Mais l’application des décisions conciliaires, confiée au bras séculier, se heurte à l’opposition fanatique des iconodoules. L’empereur procède d’abord par la négociation et la persuasion, mais l’intransigeance des adversaires lasse sa patience, et, à partir de novembre 765, la persécution se déchaîne dans l’Empire : aux images proscrites sont substituées des décorations à sujet végétal ou animal et surtout des représentations à la gloire de l’empereur. Contre les personnes, les rigueurs ne sont pas moindres : de hauts dignitaires sont mutilés, d’autres exécutés ; un patriarche est décapité, mais l’empereur s’en prend surtout aux moines, dont beaucoup émigrent en Italie méridionale. Dans son zèle iconomaque, Constantin V va jusqu’à interdire le culte des saints et de la Vierge.


Le recul du mouvement iconoclaste

Bien qu’il eût promis à son père agonisant de continuer sa politique, Léon IV (775-780) se montre moins hostile aux images et aux moines. Toutefois, vers la fin de son règne, la persécution recommence et frappe plusieurs personnes de l’entourage impérial. L’avènement de son fils Constantin VI (780-797) sonne le glas de l’iconoclasme. L’héritier du trône n’ayant que dix ans, l’impératrice Irène, sa mère, assure la régence.

Fervente iconodoule, elle entreprend avec prudence de restaurer le culte des images ; son secrétaire Tarasios est nommé patriarche en 784, et le concile œcuménique réuni par ses soins à Nicée en 787 condamne l’iconoclasme comme hérésie, ordonne la destruction des écrits iconomaques et rétablit la vénération des images. Une révolte des militaires, qui attribuent tous leurs échecs devant les Arabes et les Bulgares au gouvernement de l’Empire par une femme, écarte Irène et rétablit Constantin VI dans ses droits de souverain (790). Sept ans plus tard, l’empereur, qui s’est complètement discrédité par un divorce fâcheux et des cruautés contre ses meilleurs partisans, est déposé et aveuglé par ordre de sa mère, qui régnera désormais seule de 797 à 802. Le gouvernement de cette dernière ne sera pas heureux : les allégements fiscaux qu’elle consent par démagogie assèchent le Trésor public, que grèvent déjà lourdement les tributs qu’il faut verser aux Arabes et aux Bulgares pour obtenir la paix. En Occident, il faut compter avec Charlemagne*, le puissant roi franc, qui, par des annexions successives, avait assemblé un immense royaume. À la Noël 800, il est couronné empereur à Rome : le basileus, furieux, refuse d’entériner le geste historique du pape Léon III qui consomme sur le plan politique la séparation entre l’Orient et l’Occident ; la chrétienté se scinde en deux parties, qui prétendront chacune représenter l’unique Empire romain. Charlemagne s’emploie aussitôt à se faire reconnaître empereur par Byzance, mais l’arrivée de ses légats à Constantinople coïncide avec la chute d’Irène. La vieille souveraine est en effet victime de ses favoris : tous convoitaient un trône que ne revendiquait aucun héritier légitime. Le ministre des Finances, Nicéphore, l’emporte : Irène est déposée en octobre 802 et exilée dans l’île de Lesbos, où elle meurt un an plus tard.