Irénée (saint) (suite)
Après ces événements, l’historien perd de vue Irénée de Lyon. Saint Jérôme*, dans son commentaire sur Isaïe (v. 397), et Grégoire de Tours (vie s.) prétendent qu’il est mort martyr en 202. Mais cette tradition est trop tardive pour pouvoir être prise en considération, d’autant plus que l’historien Eusèbe* de Césarée et Tertullien* n’en font aucune mention. Retenons seulement l’année 202 comme date approximative de sa mort.
Le premier théologien
De l’œuvre assez étendue d’Irénée, il ne reste que deux écrits. Et encore, de l’un d’eux on n’a longtemps connu que le titre : Démonstration de la prédication apostolique. Mais, en 1904, dans une église d’Erevan a été découvert un vieux manuscrit du xiiie s. contenant la traduction arménienne de la Démonstration. Cette traduction peut être datée du vie ou du viie s. Cet écrit apparaît comme un exposé catéchétique de la foi chrétienne et de ses preuves, présenté sous la forme d’une histoire du salut. Il a été composé sous le pape Victor.
Mais le livre qui a fait la gloire d’Irénée et lui a mérité le titre de premier théologien de l’Église fut composé quelques années auparavant sous le pontificat d’Éleuthère. On le désigne communément sous le titre de sa traduction latine : Adversus haereses (Contre les hérésies), car de l’original grec nous ne possédons que quelques fragments. Le titre véritable est : Révélation et réfutation de la prétendue gnose. C’est une réfutation des hérésies gnostiques* au sujet desquelles un ami d’Irénée désirait avoir des éclaircissements.
Après une analyse détaillée des divers systèmes gnostiques, Irénée entreprend d’en démontrer la fausseté, d’abord par des arguments rationnels, ensuite par la tradition et la doctrine des apôtres, enfin par les paroles du Seigneur et les prophètes de l’Ancien Testament. L’originalité d’Irénée apparaît dans le fait qu’il attaque les hérétiques sur le terrain historique. Leurs idées ne sont que le produit de leur propre imagination, ils se prêchent eux-mêmes, ils ne prêchent pas le Christ. L’enseignement commun des évêques, dont la source est la tradition des apôtres et les paroles de Jésus, jouit seul, pour s’imposer aux fidèles, de l’autorité que lui confère son origine divine. Le centre de la théologie d’Irénée est l’anakephalaiôsis, c’est-à-dire la doctrine de la récapitulation de toutes choses dans le Christ. Dieu, par Jésus-Christ, reprend au début son œuvre compromise par le péché d’Adam pour la restaurer et la réorganiser en son Fils, qui devient pour nous un second Adam, le point de départ d’une humanité nouvelle.
I. T.
A. Dufourcq, Saint Irénée (Lecoffre, 1904 ; nouv. éd., Gabalda, 1926). / G. N. Bonwetsch, Die Theologie des Irenaeus (Gütersloh, 1925). / A. Benoit, Saint Irénée. Introduction à l’étude de sa théologie (P. U. F., 1960). / P. Nautin, Lettres et écrivains chrétiens des iie et iiie s. (Éd. du Cerf, 1961). / N. Brox, Offenbarung, Gnosis und gnostischer Mythos bei Irenäus von Lyon (Salzbourg et Munich, 1966).