Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

Après l’invasion mongole du xiiie s., contrairement à ce qui fut parfois soutenu, les ateliers ne cessent pas leur activité, mais la réduisent : les pièces de Soltāniyè, ornées de faune mythique sur un fond moucheté de fleurs, souffrent des dommages que le temps a causés à leur fine glaçure. L’époque séfévide ramène un renouveau total. Au moment où ils remettent à la mode le lustre métallique, les souverains, épris de céramiques chinoises, favorisent la production de semi-porcelaines inspirées des pièces Ming, avec jardins, scènes de genre, scènes de vie de la cour, dans un esprit proche de celui des miniatures.


Les bronzes, tissus, tapis

Les bronziers de l’Iran oriental (Khorāsān) semblent avoir exercé leur suprématie des origines de l’islām jusqu’au xie s. Peut-être alors, déjà, incrustent-ils les pièces qu’ils fabriquent d’argent et de cuivre rouge pour représenter les fêtes princières, les séances de libation, les scènes de chasse, alternant avec des motifs abstraits. Cette grande école semble s’éteindre lors des invasions mongoles. Des études récentes font pourtant penser qu’une résurgence de l’art du bronze s’est manifestée au xive s. dans l’Iran méridional, dans le Fārs.

La position des Iraniens anciens sur la « route de la soie » suffit à justifier la fécondité des ateliers de tisserands sassanides. Ceux-ci vont continuer pendant plusieurs siècles à inspirer le génie musulman. Peu à peu, les productions médiévales se distinguent des productions antiques, le décor devient plus touffu ; dès le xe s., aux samits s’ajoutent les lampas, qui seront très répandus sous les Seldjoukides. Une évolution continue conduit aux Séfévides, dont les tisserands, aux productions raffinées, aux coloris délicats, collaborent avec les peintres, qui leur fournissent les cartons. C’est sous cette dynastie que les Iraniens donnent leur pleine mesure dans l’art du tapis, dont on discute encore l’origine. Les manufactures d’État sortent alors des pièces au décor figuré et floral, souvent disposé dans un réseau d’arabesques autour d’un médaillon central.


Les miniatures*

Si l’on considère les manuscrits qui ont survécu, la miniature persane paraît avoir pris son essor sous la domination seldjoukide (Varkè et Golchāh, v. 1200). Au xive s., son grand centre est Tabriz, dont l’école se caractérise déjà par l’étude des paysages, par le goût du fabuleux et par un naturalisme élégant et animé. Mais c’est à Chirāz qu’à la fin du même siècle l’art iranien acquiert son originalité et entre en pleine possession de tous ses moyens (couleur et dessin). Ce génie s’épanouit librement à la cour des Tīmūrides dans le courant du xve s. Dans la première phase, à l’école de Harāt (aujourd’hui en Afghānistān*), on peint surtout des paysages avec un sens éveillé de l’élégance, du mouvement, de l’observation et de l’équilibre. Un peu plus tard, l’influence de Behzād (Bihzād) amène un profond renouvellement. C’est elle qui continue à s’exercer après 1510, lorsque les ateliers ont émigré en partie à Tabriz, en partie à Boukhara. Si cette dernière ville est le principal foyer de la peinture au xvie s., Ispahan prend bientôt la relève sous le règne de Chah ‘Abbās. Alors, les peintres (Rezā ‘Abbāsi [Riḍā ‘Abbāsī]) délaissent les grands sujets pour des scènes d’intimité et des portraits, juxtaposent la richesse décorative des détails à la magie des couleurs.

J.-P. R.

➙ Islām / Ispahan.

 A. U. Pope, A Survey of Persian Art from Prehistoric Times to the Present (Oxford, 1938-39 ; 6 vol.). / A. Godard, l’Art de l’Iran (Arthaud, 1962).
On peut également consulter la revue Athâr-é Iran (Téhéran, 1936-1949).

Iraq

En ar. ‘Irāq, État de l’Asie occidentale. Capit. Bagdad.


Géographie physique

V. Moyen-Orient.


La population et l’économie


Les éléments constitutifs de l’État irakien

L’État irakien est une organisation politique réalisée après la Première Guerre mondiale, lors de la dislocation de l’Empire ottoman, autour de la cuvette mésopotamienne et des citadins de Bagdad, principal centre urbain qui avait pu s’y maintenir dans les époques de décadence humaine et de recul de l’agriculture irriguée postérieures à la période prospère du califat médiéval. Il réunit des éléments très hétérogènes, tant sur le plan religieux que sur le plan ethnique.

• En effet, si les minorités chrétiennes (surtout à Bagdad et dans la région de Mossoul ; et les « chrétiens de Saint-Jean », ou Sabéens, en basse Mésopotamie) sont peu nombreuses (3 p. 100 de la population), les deux grandes branches de l’islām, sunnisme et chī‘isme, sont d’importance à peu près équivalente. Le sunnisme est la religion de la bourgeoisie urbaine et était celle de la dynastie. Le chī‘isme (55 p. 100 de la population environ) l’emporte dans les campagnes. Les grands sanctuaires chī‘ites de Karbalā’ et de Nadjaf, à l’ouest de l’Euphrate sur les bords du désert, sont des centres de pèlerinage de rayonnement considérable, comportant d’immenses nécropoles. Dans le djabal Sindjār, petit chaînon isolé dans la Djézireh (Djazīra) en avant du Taurus, s’est conservé un îlot homogène de Yazīdis, secte syncrétiste, qui ont soigneusement mis en valeur leur refuge montagneux par des cultures irriguées (légumes, tabac) au-dessus du désert parcouru par les tribus nomades. En fait, la cohabitation de ces divers éléments religieux n’a pas posé de problèmes sérieux.

• Beaucoup plus délicats sont les problèmes d’unité créés par la diversification ethnique. L’Iraq en effet s’est annexé tout le rebord méridional du Taurus oriental et du Zagros nord-occidental, avec sa population kurde, qui forme environ le quart de celle du pays. Ces populations de langue iranienne, pratiquant dans les montagnes et le piémont un genre de vie fondé sur l’association de la culture irriguée en terrasses des fonds de vallée et de la culture pluviale sur les versants avec un semi-nomadisme pastoral sur les hauts alpages, ont préservé une forte cohésion tribale et une farouche conscience de leur individualité, favorisées par une structure sociale relativement égalitaire à base de petites chefferies. Bien que ces Kurdes soient sunnites comme les dirigeants du pays, et bien que l’émigration temporaire de travail en entraîne un grand nombre vers l’agglomération de Bagdad, il est vrai comme main-d’œuvre non qualifiée et au niveau social le plus bas, leur intégration pose de redoutables problèmes, qui se sont manifestés par de terribles insurrections.