Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Iran (suite)

• Le roman en vers. Le roman d’amour était déjà très cultivé dans la Perse antique. Dès le début de la littérature iranienne moderne, il devint un genre favori des poètes. Dans le Livre des Rois, Ferdowsi (Firdūsī) développa de nombreux épisodes amoureux. À la cour de Rhazna (ou Rhaznī), des poètes comme Onsori mirent en vers plusieurs romans malheureusement perdus. Au cours du xie s. fut composée par Gorgāni l’une des plus célèbres légendes de la Perse au temps des Parthes : Wis et Rāmin. Mais c’est avec Nezāmi (Niẓāmī*) [v. 1140-1209] que ce genre prit son essor. Son Khamsè (série de cinq masnavi) fut à l’origine d’un genre très en faveur.

• L’épopée mystique. Elément fondamental de la poésie persane, le mysticisme apparut sous forme de masnavi à la fin du xie s. avec Sanā’i. Auparavant, comme les poètes moraux, les mystiques s’exprimaient dans des qet‘e (courtes pièces de quelques vers), robā‘i (quatrains) ou ghazals. Devenu doctrine, le soufisme devait être enseigné à un public aussi large que possible. Tout naturellement, c’est le masnavi qui fut choisi par Sanā‘i comme point de départ de l’épopée mystique. ‘Aṭṭār* poursuivit l’œuvre, puis Rumi dans son monumental masnavi où le poète se pose tous les grands problèmes philosophiques et religieux susceptibles d’intéresser l’esprit humain.


Le robā‘i

Le robā‘i est semble-t-il un genre non emprunté à l’arabe. On a voulu faire de Rudaki l’inventeur du quatrain ; peut-être faut-il en rechercher l’origine dans la poésie populaire d’avant l’islām. Composé de deux distiques qui riment ensemble, le quatrain fut utilisé par la majorité des poètes déjà cités. Il fut parfois l’unique moyen d’expression de certains d’entre eux : Abū Saïd (v. 967-1049), mystique du Khurāsān, et Omar (ou ‘Umar) Khayyām* († 1122).


La prose

À ses débuts, la prose persane (outre des ouvrages scientifiques) se limitait à l’histoire (traduction de la chronique de Tabari par Bal‘ami ; préface du Chāh nāmè d’Abu Mansur, 957) et à des ouvrages religieux (traduction du Commentaire du Coran de Tabari, v. 960 ; le Dévoilement des choses sacrées par Abu Yaqub Sadjestani [970], auteur ismaélien).

Au xie s., bien qu’un peu plus travaillé, le style resta simple, coulant, plein de vie. Abul Fazil Beyhaqi (v. 995-1077) écrivit une longue Histoire des Rhaznévides, dont il n’est conservé qu’un passage relatant la majeure partie du règne de Mas‘ūd (1030-1041). Cet ouvrage demeure le plus bel exemple de la prose de cette période. Un peu plus tardifs sont les ouvrages de morale et de politique composés à l’intention des souverains : le Livre de politique, écrit par le ministre des Seldjoukides Niẓām al-Mulk (1018-1095), et le Livre de Qābus (1082), écrit par un prince de la dynastie des Ziyārides (nord de l’Iran). C’est aussi dans un persan limpide que Nāsser-e Khisrow (1003-1088) composa son Journal de voyage. Il faut encore citer les ouvrages philosophiques d’Avicenne et d’al-Rhazāli.

À partir du xiie s., une nette transformation se produisit dans la prose persane. En devenant plus élaborée, elle perdit de sa limpidité. Sur le modèle arabe, les mystiques furent les premiers à employer une prose rythmée (apparition d’une rime dans la phrase, et citation de vers arabes et persans). Peu à peu, ce style s’adapta à la prose profane. De cette époque datent le Kalila et Demna (v. 1144), traduction de l’arabe d’un recueil de fables d’origine indienne par Nasrollāh ben Abdol Hamid, et les Séances (Maqāmāt) par Hamidoddin († 1164).

C’est Saadi (Sa‘dī*) qui, au xiiie s., utilisa avec succès toutes les ressources de la prose ayant existé avant lui dans son chef-d’œuvre le Jardin des roses, recueil d’anecdotes à caractère moral. Cet ouvrage inspira plusieurs auteurs, tel Djāmi dans son Jardin de printemps, écrit en 1487.

À partir du xiiie s., les invasions mongoles et l’installation des dynasties qui en découlèrent suscitèrent un grand développement de la prose historique. Le style ferme et parfois pompeux de l’Histoire du conquérant de l’univers de Djoweyni atteignit sa perfection dans la Somme des chroniques de Rachī al-Dīn († 1318), Premier ministre des Ilkhāns. D’autres pèchent par excès de préciosité, telle l’histoire écrite par Vassāf (1312). On retient encore l’Epitomé de Mostowfi, le Livre de la victoire de Chāmi, la Chronique des rois mongols de Hāfez-e Abru († 1430), le Jardin de la pureté de Mir Khānd († 1498).


La littérature « indienne », le néo-classicisme : xvie-xixe siècle

L’arrivée au pouvoir de la dynastie séfévide (1502-1722), sa politique centralisatrice, autoritaire et l’instauration du chī‘isme comme religion d’État provoquèrent de tels bouleversements dans la société que l’expression littéraire s’en vit modifiée. Bon nombre de poètes, sentant le climat peu favorable, préférèrent se tourner vers une cour plus libérale et hospitalière, celle des Moghols de Delhi. Certains d’entre eux s’y installèrent, d’autres n’y firent que quelques séjours. Il en résulte la création d’un nouveau style poétique, couramment appelé style indien. Mais, si l’influence de l’Inde a été déterminante pour le développement de ce style, il faut aussi en chercher la cause dans la direction qu’avait prise la poésie au siècle précédent, dans la Perse tīmūride. On avait déjà senti chez les poètes persans du xve s. une volonté d’enrichir les thèmes et le vocabulaire. Au xvie s., les auteurs continuèrent dans ce sens, mais ils tentèrent de donner un tour plus intellectuel à leur poésie, en substituant, par exemple, aux symboles traditionnels des concepts à demi personnifiés, ainsi Orfi († v. 1590), Feyzi († 1595), le mystique Bidel († 1720) et, le plus « simple », Sā’eb, originaire de Tabriz, qui vécut quelques années à Delhi, puis devint le « prince des poètes » du souverain séfévide Chah ‘Abbās II (1642-1666).