Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

invariance

Propriété de certaines grandeurs physiques qui s’exprime par des lois de conservation. Elle traduit des principes de symétrie qui jouent un rôle essentiel en physique.



Introduction

Notre compréhension de la nature peut être en grande partie formulée sous l’aspect de considérations de symétrie. C’est à Pierre Curie* que revient le mérite d’avoir généralisé à toute la physique les « notions de symétrie familières aux cristallographes » en énonçant un principe universel dont le début est célèbre : « Lorsque certaines causes produisent certains effets, les éléments de symétrie des causes doivent se retrouver dans les effets produits. » Comme l’explique Marie Curie à ce propos, on peut, à partir de ce principe, mettre « en évidence les groupes de symétrie principaux. La masse, la charge électrique, la température ont la même symétrie du type nommé scalaire, celle de la sphère. Un courant d’eau ou un courant électrique rectiligne ont la symétrie d’une flèche, du type vecteur polaire. La symétrie du cylindre circulaire est du type tenseur... » À chacun de ces types de symétrie est associée une invariance caractéristique. L’approfondissement de ces notions a joué un grand rôle dans les progrès récents de la physique des particules* élémentaires, qui les illustre spécialement bien, fournissant des exemples d’invariances absolues, correspondant à des symétries exactes, mais aussi d’invariances partielles, définies seulement pour certaines familles d’interactions, les symétries correspondantes étant violées par les autres interactions.

La liaison entre les principes de symétrie et les lois de conservation est expliquée par l’existence de quantités inobservables. Par exemple, l’hypothèse physique de l’homogénéité de l’espace se traduit par l’impossibilité de mesurer une position absolue et conduit à la conclusion que l’énergie d’interaction V entre deux particules dont les positions sont repérées par les vecteurs et reste invariante dans une translation de l’espace. Ainsi V est une fonction seulement de la distance relative des deux particules : Donc, la quantité de mouvement totale du système des deux particules, modifiée, par la translation, de la quantité

qui est nulle, se trouve conservée. De la même façon, la théorie de la relativité* générale repose sur l’hypothèse qu’il est impossible de déceler la différence entre une accélération et un champ gravitationnel convenablement choisi. On remarque aussi que les lois de la mécanique statistique quantique de Bose-Einstein ou de Fermi-Dirac découlent de l’affirmation qu’on ne peut pas établir de distinction entre des particules identiques.

Lorsque l’invariance n’est pas absolue, les grandeurs ne sont inobservables que dans certaines conditions et sont observables dans d’autres où la symétrie correspondante est violée. Tel est le cas de l’invariance galiléenne, selon laquelle un mouvement rectiligne uniforme du système de référence n’est pas observable, ce qui n’est valable qu’aux vitesses faibles devant la vitesse de la lumière. De même, jusqu’à la découverte, en 1957, de la non-conservation de la parité (v. particules fondamentales), on supposait que les lois de la nature étaient invariantes dans une transformation échangeant la droite et la gauche. Cette symétrie droite-gauche, ou parité P, n’est en fait conservée que dans les interactions fortes ou électromagnétiques, mais pas dans les interactions faibles, telles les transformations radio-actives.

La méthode d’étude est générale : pour trouver la symétrie d’un système physique, on effectue des transformations qui changent certains paramètres du système et l’on recherche les propriétés qui sont invariantes ; ainsi apparaît une loi de conservation. Si le comportement d’un système est inchangé, l’expression mathématique peut en être que l’hamiltonien du système est invariant ; il y correspond alors un opérateur dont les valeurs propres sont conservées dans la transformation considérée. Pour prédire les effets de séries d’opérations, on utilise souvent le formalisme mathématique de la théorie des groupes*. Un des principes fondamentaux de la mécanique quantique est que les probabilités sont conservées ; d’où l’importance, notamment pour l’étude des symétries des particules élémentaires, des groupes de symétrie unitaire SU (n), dont la représentation est donnée par des matrices unitaires, unimodulaires (de déterminant unité) n × n ; le caractère unitaire traduit la conservation des probabilités. Ainsi, au moment angulaire est associé le groupe SU(2), dont la représentation est donnée par des spineurs.

Les principales transformations considérées peuvent se classer en quatre familles :
1o les transpositions de permutations ;
2o les transformations continues de l’espace-temps ;
3o les transformations discrètes ;
4o les transformations unitaires.

Les symétries associées aux deux premières familles sont considérées comme exactes. La plupart des symétries associées aux deux autres familles ne sont qu’approchées ; seul le groupe SU(1) dans la quatrième famille correspond à des invariances absolues.

Les quatre interactions

• Interactions fortes, responsables des forces nucléaires, de portée de l’ordre de 10–13 cm, mais très intenses ; elles s’exercent par l’échange de mésons.

• Interactions électromagnétiques, faisant intervenir des photons réels ou virtuels (c’est-à-dire émis et réabsorbés au cours du processus lui-même) ; elles sont 100 à 1 000 fois moins intenses que les interactions fortes, mais ont une portée infinie.

• Interactions faibles, responsables des désintégrations des particules à vie relativement longue et de la radio-activité β ; de portée très courte, inférieure à 10–13 cm, elles sont de l’ordre de dizaines de milliards de fois moins intenses que les interactions électromagnétiques.

• Interactions gravifiques, de portée infinie, encore beaucoup moins intenses que les interactions faibles (de l’ordre de 10–28 fois moins), mais dont l’importance vient des masses énormes sur lesquelles elles s’exercent.