Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Internationales (les) (suite)

La IIe Internationale

La Ire Internationale avait essayé de créer, de haut en bas, des fédérations et des sections. La IIe Internationale va naître, au contraire, de bas en haut, de l’effort concerté de partis socialistes nationaux déjà constitués, notamment en Allemagne (1875), aux États-Unis (1877), en France (1879), en Russie (1883), en Grande-Bretagne (1884), en Belgique (1885).

Parallèlement se constituent, dans le monde industrialisé, des syndicats groupés en fédérations ; les fédérations d’industrie l’emportent de plus en plus sur les fédérations de métier.

Après nombre de tentatives infructueuses pour reconstituer l’Association internationale des travailleurs, deux efforts parallèles et rivaux sont entrepris à l’occasion de l’Exposition universelle de Paris en 1889, l’un par le parti ouvrier (guesdiste), l’autre par la Fédération des travailleurs socialistes de France (possibiliste), appuyée par les trade-unions anglaises. Finalement, le congrès de Bruxelles (18-23 août 1891) réussit l’unification internationale.

Un congrès est prévu tous les trois ans. Les sections nationales doivent conserver toute leur liberté pour fixer la tactique à l’intérieur de chaque État. Les socialistes sont alors convaincus que l’heure de la prise du pouvoir est proche. Le rôle de l’Internationale doit être seulement de coordonner leur action. En 1900 est créé à cette fin le Bureau socialiste international. Le siège en est fixé à Bruxelles. Ce sont des Belges qui l’animent, avec à la présidence Emile Vandervelde et au secrétariat Camille Huysmans (à partir de 1905), tous les deux membres du parti ouvrier belge.

Entre-temps, les anarchistes, qui niaient la nécessité de l’action politique, ont été exclus (1896).

La période qui suit est féconde ; les débats des congrès sont illustrés par la participation de Guesde*, Jaurès*, Edouard Vaillant pour la France, et Bebel*, Hugo Haase, Wilhelm Liebknecht, Rosa Luxemburg* (Allemagne), Victor Adler (Autriche), Filippo Turati (Italie), Thorwald Stauning (Danemark), Branting* (Suède), Keir-Hardie (Grande-Bretagne), P. J. Troelstra (Pays-Bas), Lénine* et G. V. Plekhanov (Russie), Katayama (Japon). Un Bureau international des femmes socialistes est constitué en 1907 avec Clara Zetkin, puis une Fédération internationale de la jeunesse socialiste (avec Henri de Man et Karl Liebknecht*), qui demeure autonome.

Engels avait joui dans l’Internationale d’une autorité incontestée. Après sa mort, en 1895, des divergences apparaissent ; à Eduard Bernstein, qui préconise le révisionnisme, s’opposent Karl Kautsky, puis les théoriciens de l’« austromarxisme ». Au congrès d’Amsterdam (14-20 août 1904), les partisans de Bernstein sont battus.

Bientôt, les menaces de guerre absorbent l’attention des congrès, où l’autorité de Jaurès, un moment affaiblie par la résolution d’Amsterdam, s’affirme de plus en plus. Au congrès de Stuttgart, en 1907, il est décidé que, devant une menace de guerre, les socialistes doivent agir « par tous les moyens qui leur paraissent les mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale ». Mais la minorité d’extrême gauche (Lénine, Rosa Luxemburg) fait adopter un amendement déclarant qu’« au cas où la guerre éclaterait néanmoins » les socialistes doivent « agir pour la faire cesser promptement et utiliser la situation pour hâter la chute de la domination capitaliste ». Au congrès de Copenhague (1910), Keir Hardie et Vaillant proposent en ce cas la grève générale, notamment dans les industries de guerre. Un congrès extraordinaire, réuni à Bâle, essaie de faire face à la situation créée par la guerre balkanique. Le congrès prévu à Vienne pour 1914 ne pourra se tenir.

Devant la guerre, à la fin de juillet 1914, la plupart des groupes parlementaires socialistes votent les crédits qui les associent à la défense nationale, et certains participent même aux gouvernements de guerre dans un esprit d’union sacrée (Jules Guesde et Marcel Sembat en France). La IIe Internationale est ainsi pratiquement disloquée.

Parmi ceux qui constatent son échec et que réunit la conférence de Zimmerwald dans l’Oberland bernois (5-8 sept. 1915), deux courants se manifestent. Les uns veulent que le mouvement socialiste s’affirme comme une force de paix poussant à une fin aussi rapide que possible du conflit, sans annexions ni indemnités. Les autres, avec Lénine, pensent qu’il faut utiliser la guerre pour qu’il en sorte la révolution. Les premiers l’emportent et prolongent leur effort par la conférence de Kienthal (24-30 avr. 1916) ; les socialistes scandinaves et néerlandais tentent d’organiser à Stockholm une conférence socialiste internationale, combattue à la fois par les socialistes partisans de la défense nationale des pays d’Occident et par les partisans de la révolution immédiate, et dépassée par l’entrée en guerre des États-Unis, qui assure les Alliés de la victoire. Les gouvernements de Grande-Bretagne, de France et d’Italie refusent leurs passeports aux délégués. La conférence ne peut se tenir.

La révolution d’octobre 1917 constitue un autre fait nouveau qui rendra impossible la reconstitution de la IIe Internationale.


La IIIe Internationale

Dès 1917 ont éclaté en Europe centrale des grèves et des mutineries qui paraissent annoncer une révolution. Elles ont surgi en octobre-novembre 1918 en Bulgarie, en Hongrie, en Allemagne, en Autriche.

Lénine, qui a pris le pouvoir en octobre 1917, est convaincu que la révolution socialiste ne se maintiendra et ne triomphera en Russie que si elle s’étend à l’Europe. Au moment même où les armées blanches croient pouvoir venir à bout du bolchevisme, il fonde à Moscou en mars 1919 une nouvelle Internationale, l’Internationale communiste (ou Komintern) : dix-neuf pays sont représentés au congrès constitutif. Un Comité exécutif provisoire est formé avec Zinoviev comme président et Angelica Balabanoff comme secrétaire. La nouvelle Internationale s’oppose non seulement aux « socialistes patriotes », mais aussi aux « socialistes pacifistes ».

Les semaines qui suivent paraissent d’abord donner raison à Lénine : en mars 1919 surgit la République hongroise des Conseils (Béla Kun*) ; en avril, la république des Conseils de Munich ; tandis que se forme en Chine le « Mouvement du 4 mai ». Des partis communistes se constituent partout.

Mais, au début de 1920, la conjoncture change. Une dictature militaire s’installe en Hongrie. Le putsch Kapp-Lüttwitz menace la République allemande. Une insurrection communiste est écrasée dans la Ruhr. La révolution européenne paraît désormais impossible dans l’immédiat.