Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

intelligence (suite)

L’attitude historique concerne le devenir des êtres et des choses. C’est une attitude temporelle qui se manifeste dans l’intérêt que l’adolescent porte aux questions des origines et de l’évolution du monde et de la société ainsi que de diverses activités physique, biologique et humaine. Elle est la source des systèmes opératoires qu’on peut appeler dialectiques et qui consistent en une double démarche de remontée vers le passé, pour une compréhension des origines et de la genèse des phénomènes, et de projection dans l’avenir pour une prévision de leur évolution ultérieure. Les aspirations des jeunes pour le changement et pour les réformes résultent de ce dernier aspect.

Ces attitudes intellectuelles spécifiques à l’adolescent, comme celles des stades antérieurs, ont des conditions initiales dans la maturation nerveuse et endocrinienne. Mais elles ne peuvent se développer que dans le cadre d’une éducation appropriée et grâce à des circonstances favorables.


L’intelligence et la personnalité

On considère généralement l’intelligence et l’affectivité comme deux composantes fondamentales de la personnalité*, mais dont les rapports ont soulevé des difficultés de compréhension et d’interprétation d’autant plus grandes que leur étude scientifique a été pour la plupart du temps menée séparément.

On peut cependant définir plus objectivement la structure psychique comme faite d’attitudes et de comportements. L’attitude prépare et soutient le comportement, en réalise l’unité, la cohérence et la signification. L’attitude est une mise en forme et en relation du sujet soit avec lui-même, soit avec le monde extérieur. Dans la première orientation, il s’agit des attitudes affectives, source de la conscience de soi, et dans la seconde, des attitudes intellectuelles, source de la conscience du monde. Mais toutes les attitudes sont issues de la fonction posturale et de ses métamorphoses successives au fur et à mesure que s’élèvent les centres d’intégration qui les produisent.

Aussi peut-on dire qu’à tous les niveaux et d’une façon permanente, par l’intermédiaire de l’attitude, l’intelligence est sous-tendue d’affectivité, et celle-ci, pénétrée d’intelligence. C’est leur réduction mutuelle et leur subordination tantôt à l’une et tantôt à l’autre qui leur permettent de se développer et d’assurer l’équilibre de la vie psychique.

La structure de l’intelligence est faite d’attitudes et d’opérations. Ce sont des attitudes qui semblent répondre à ce que la méthode des tests et l’analyse factorielle définissent comme l’intelligence générale, ou facteurs généraux. Ceux-ci comportent un facteur baptisé de volonté, d’intérêt, de persévérance, etc., qui manifestement est lié à l’affectivité par l’intermédiaire de l’attitude, et le facteur g défini par Spearman comme une énergie et comme une capacité de mise en relation, ce qui constitue la nature même de l’attitude. Les opérations sont de façon évidente liées à ce qu’on appelle des aptitudes, qu’on oppose souvent à l’intelligence générale.

Mais, comme on l’a vu au cours du développement intellectuel de l’enfant, les opérations sont liées aux attitudes ; elles en sont des réalisations, qui présentent des degrés variables avec les individus en fonction des possibilités d’exercice et des occasions d’apprentissage. Il y en a de très fondamentales, directement liées aux attitudes intellectuelles de base, comme la sériation, le classement, etc., que l’enfant exerce spontanément dans ses jeux de rangement, de collection, etc. Elles sont de l’intelligence générale. La maturation constitue leur condition indispensable. D’autres sont plus facultatives, celles notamment qui relèvent d’une organisation plus ou moins complexe d’attitudes, et dépendent dans une plus grande mesure de l’apprentissage et de l’éducation.

Les types d’intelligence, qu’on peut constater empiriquement dans la grande diversité de ses productions artistiques, scientifiques, littéraires, philosophiques, etc., résultent des combinaisons diverses et originales d’attitudes et d’opérations, qui se réalisent progressivement au cours de l’enfance et de l’adolescence, sous l’influence de facteurs certainement très complexes.

La grande insuffisance de l’analyse factorielle est d’avoir méconnu la dimension génétique et conçu la structure de l’intelligence comme une juxtaposition de facteurs dont les origines et les rôles ne sont pas précisés. De même, certaines définitions génétiques de l’intelligence, qui tendent à ramener toutes ses manifestations à un élément primitif commun, ont abouti à confondre les formes et les niveaux de l’intelligence et leur spécificité. En définissant l’intelligence comme une adaptation biologique, l’originalité et les possibilités fonctionnelles de la représentation qui se trouve au fondement de l’intelligence humaine ont été sous-estimées. C’est elle cependant qui se trouve à l’origine de toutes les civilisations.

C’est, semble-t-il, l’étude de la genèse et de l’organisation progressive des attitudes qui est susceptible de mettre en évidence les orientations et les possibilités de l’intelligence, sur lesquelles l’action éducative peut se fonder pour un meilleur développement de ses potentialités chez l’enfant.

T. T.

➙ Adolescence / Affectivité / Analyse factorielle / Apprentissage / Aptitude / Attitude / Binet (Alfred) / Comportement / Dessin / Enfant / Évolutionnisme / Langage / Personnalité / Piaget (Jean) / Psychologie / Test / Wallon (Henri).

 A. Binet, les Idées modernes sur les enfants (Flammarion, 1909). / J. Piaget, Études sur la logique de l’enfant, t. I : le Langage et la pensée chez l’enfant (Delachaux et Niestlé, 1924) ; la Naissance de l’intelligence (Delachaux et Niestlé, 1936) ; la Construction du réel chez l’enfant (Delachaux et Niestlé, 1937 ; 3e éd., 1960) ; la Formation du symbole chez l’enfant (Delachaux et Niestlé, 1945) ; la Psychologie de l’intelligence (A. Colin, 1947 ; nouv. éd., coll. « U 2 », 1967). / H. Wallon, les Origines du caractère chez l’enfant (Boivin, 1934) ; De l’acte à la pensée. Essai de psychologie comparée (Flammarion, 1942) ; les Origines de la pensée chez l’enfant (P. U. F., 1945 ; 2 vol.). / J. Piaget et B. Inhelder, le Développement des quantités chez l’enfant (Delachaux et Niestlé, 1942) ; De la logique de l’enfant à la logique de l’adolescent (P. U. F., 1955) ; la Genèse des structures logiques élémentaires (Delachaux et Niestlé, 1959). / G. Viaud, l’Intelligence (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1946 ; 14e éd., 1971). / R. Zazzo, le Devenir de l’intelligence (P. U. F., 1946).