Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

intégration culturelle et sociale (suite)

L’examen de quelques théories de l’intégration a montré la variété de signification attribuée au terme d’intégration. Cependant, deux orientations prédominent généralement, que nous pouvons désigner de manière assez inadéquate par les termes d’intégration culturelle et d’intégration sociale, sans qu’il soit possible de dresser des cloisons étanches entre les deux formes d’intégration.


L’intégration culturelle

L’intégration culturelle, ou concordance interne entre les normes d’une culture, revêt trois aspects essentiels, éclairés principalement par les recherches de Ruth Benedict, de Robert Redfield et de Ralph Linton.

• L’intégration par unité thématique, mise en évidence par R. Benedict, se réfère à l’identité de sens et à l’orientation convergente des divers éléments d’une culture. Ainsi, tous les traits culturels des Zuñis se relient à des caractères fondamentaux tels que la sobriété, la modération, le goût du cérémonial.

Toute culture dans laquelle les traits ne se subordonnent pas à un principe qui les unit donne l’impression d’une pauvreté culturelle ou d’un acheminement vers la désagrégation totale.

• L’intégration par interconnexion a trait au degré d’interrelation entre les divers éléments qui composent une culture. C’est ce que Redfield nomme connotative interdependence, Alfred Louis Kroeber systemic pattern, D. N. Levine connective integration. Redfield tente de la saisir par l’étude de quatre communautés yucatèques, où il note que les éléments apportés par l’Occident et ceux de la culture ancienne sont mis en relation par exemple dans le patronage de certains saints à l’égard de certains animaux. Comme indice de cette interconnexion, il propose l’efficacité de la culture, qui s’appuie sur une profonde vision du monde, à servir de style de vie, de manière durable. L’agitation, l’incertitude et l’individualisme de la vie urbaine agissent à l’inverse dans le sens de la désintégration, de la ségrégation, de la spécialisation isolatrice.

• L’intégration logique se rapporte à la cohérence, ou du moins à la consistance logique d’une culture, en ce qu’elle concerne la mesure dans laquelle les traits culturels tendent ou non à se contredire l’un l’autre aux yeux d’un observateur compétent. Pour mesure de cette intégration, on choisira par exemple la fréquence des incompatibilités ressenties comme telles entre universaux, au sens d’idées générales des sous-populations que R. Linton donne à ce mot dans The Study of Man. Une même culture peut exiger à la fois une conduite altruiste et une conduite compétitive.

Cette évocation de quelques formes d’intégration culturelle ne prétend pas épuiser la signification du concept. Certains auteurs insistent, en outre (D. N. Levine, par exemple, qui s’inspire de William Graham Sumner et de Malinowski), sur une intégration adaptative, pour souligner l’adaptation d’une institution ou d’un trait culturel à un besoin, ou sur une intégration régulative, tel Marvin K. Opler, qui cherche à montrer l’équilibre que réalise toute culture : ainsi, le thème de la supériorité du mâle chez les Chiricahuas est compensé par des facteurs tels que la résidence uxorilocale et la possibilité d’obtention par une femme d’un pouvoir de chaman. D’autres mettent plutôt l’accent sur le style d’intégration propre à chaque culture et sur le style, propre à chaque personne, d’intégration de sa culture.

Malgré la diversité de ses significations, le concept d’intégration culturelle aide en définitive à la saisie mentale de l’idéal type d’une culture, de même qu’il permet de comprendre la façon dont les membres d’une société acceptent, rejettent ou modifient certains traits diffusés par d’autres cultures.


L’intégration sociale

L’intégration sociale peut à son tour être appréhendée de plusieurs manières, c’est-à-dire comme conformité de la conduite aux normes sociales, comme échange de significations dans un groupe ou comme interdépendance due aux échanges de services, ainsi que l’a souligné Werner S. Landecker.

• L’intégration normative est l’obéissance effective aux normes résultant des valeurs communes vers lesquelles un groupe est orienté. E. Shils et M. Janowitz l’ont analysée dans la Wehrmacht lors de la Seconde Guerre mondiale ; Robert C. Angell l’a étudiée sur des milieux urbains à partir des taux de criminalité (meurtre, homicide volontaire, escroquerie, vol), qui la déterminent négativement, et des souscriptions aux emprunts pour l’amélioration du bien-être de la communauté, qui indiquent une participation positive à la vie collective. De toute évidence, de tels indices demeurent fort fragmentaires parce qu’ils ne saisissent que certains aspects de la délictuosité en omettant par exemple les fraudes et abus de confiance dans les classes moyennes, et parce que inapplicables à d’autres groupes particuliers tels que famille, syndicat, Église.

• L’intégration communicative peut se mesurer au pourcentage de personnes présentant des symptômes d’isolement social (suicide « égoïste » selon Durkheim, désordre mental de type paranoïaque étudié par Charles Horton Cooley), si l’on admet le postulat selon lequel ce pourcentage varie en raison inverse de la densité du réseau des communications interpersonnelles. Selon K. Deutsch, la formation d’une communauté entre les citoyens d’une même nation dépend à la fois de leur assimilation par un langage, une culture, des moyens de communication communs, de leur mobilisation, par les mass media entre autres, pour une participation à la vie nationale. Dans les villes modernes, un bas niveau d’intégration communicative est associé à un bas niveau d’intégration normative et conduit à l’anomie, à la déviance et au suicide.

• Entre les éléments d’un système de division du travail, l’interdépendance, appelée aussi intégration fonctionnelle, doit être saisie par une approche multidimensionnelle à la fois qualitative et quantitative, intéressée à la fois au degré de spécialisation des fonctions et au volume des échanges fonctionnels.