Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

instruction judiciaire (suite)

Expertises

Le juge d’instruction se trouve parfois placé en face de problèmes d’ordre technique qu’il ne peut résoudre lui-même, soit par manque de moyens matériels, soit parce qu’il ne possède pas la spécialisation nécessaire ; il s’agit, par exemple, de procéder à des analyses chimiques ou à des examens graphologiques, ou bien encore de rechercher les causes d’une explosion. Dans de tels cas, il recourt à une expertise.


Transports, perquisitions et saisies

Les nécessités de l’information obligent, parfois, le juge d’instruction ou, à son défaut, un officier de police judiciaire commis par lui à se rendre en certains lieux pour y effectuer des constatations ou procéder à des perquisitions et éventuellement à la saisie d’objets ou documents, parfois aussi pour entendre certains témoins sur place ou pour « reconstitution » d’un crime ou d’un accident. Le magistrat instructeur décide seul de l’opportunité de cette mesure ; il doit aviser de son transport le procureur de la République, qui peut l’accompagner ; il sera toujours assisté de son secrétaire-greffier.

Le juge d’instruction, ou son délégataire, a le droit de pénétrer, au besoin par la force, dans le domicile des personnes qui paraissent avoir participé aux faits délictueux ou détenir des pièces ou autres objets relatifs à ceux-ci, et même « partout où besoin sera », pour y effectuer les constatations ou les recherches utiles ; la perquisition, si elle ne peut concerner que les faits qui motivent les poursuites, peut avoir lieu non seulement au domicile de l’inculpé ou de la personne soupçonnée, mais aussi au domicile de toute autre personne, même de bonne foi. Elle se fait en présence de témoins, qui sont garants de la régularité des opérations ; lorsqu’elle est effectuée au domicile de personnes tenues au secret professionnel, telles que médecins ou avocats, des précautions particulières doivent être prises pour assurer le respect de ce secret.

Tous les effets, documents, pièces, biens mobiliers ou immobiliers découverts à l’occasion des perquisitions ou venus à la connaissance du juge, dès lors qu’ils sont de nature à présenter un intérêt ou à servir de pièces à conviction dans la procédure en cours, peuvent faire l’objet de « saisies » ; ils sont, dans ce cas, placés « sous scellés » ; les scellés seront dits « scellés ouverts » ou « scellés fermés » selon qu’ils peuvent ou non être examinés sans briser les sceaux destinés à démontrer leur intégrité et leur conformité avec la pièce saisie. Corollaire des saisies pratiquées, la restitution peut être sollicitée du juge, à tout moment au cours de l’information, par l’inculpé, la partie civile ou toute autre personne qui prétend avoir droit sur un objet placé sous la main de la justice ; elle peut même être ordonnée d’office par le juge, qui a un pouvoir souverain d’appréciation quant à l’opportunité d’une restitution et pour en désigner le bénéficiaire, sous le contrôle de la chambre d’accusation.


Les pouvoirs du juge d’instruction sur les personnes : les mandats

Le législateur, pour permettre au juge d’instruction de remplir sa mission, lui confère certains pouvoirs sur la liberté d’autrui : outre la possibilité pour lui de décerner des mandats, c’est-à-dire de formuler par écrit des ordres concernant la personne de l’inculpé, le contrôle judiciaire et la détention provisoire sont des mesures mises à sa disposition pour s’assurer de la personne qui fait l’objet des poursuites, lorsqu’elle encourt une peine d’emprisonnement correctionnel ou une peine plus grave.

Le magistrat instructeur délivre deux sortes de mandats : les uns assurent la comparution, les autres l’arrestation et la détention de l’individu concerné ; les premiers sont dits mandats de comparution et mandats d’amener (ceux-ci impliquant le recours à la force publique), la seconde catégorie comprenant les mandats de dépôt, décernés à l’encontre d’inculpés présents, et les mandats d’arrêt, décernés à l’encontre d’inculpés en fuite ou résidant hors du territoire de la République.

La détention d’un inculpé présente un caractère exceptionnel ; elle ne peut être ordonnée ou maintenue que dans les cas où les obligations du simple contrôle judiciaire sont insuffisantes et si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement. Il faut, en outre, que cette détention soit l’unique moyen de conserver les preuves ou les indices matériels, ou d’empêcher soit une pression sur les témoins, soit une concertation frauduleuse entre inculpés et complices, ou bien qu’elle soit nécessaire pour préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction, ou encore pour protéger l’inculpé, pour mettre fin à l’infraction, prévenir son renouvellement, pour garantir le maintien de l’inculpé à la disposition de la justice, ou encore qu’elle soit justifiée par le fait que l’inculpé se soustrait volontairement aux obligations du contrôle judiciaire.


Les ordonnances du juge d’instruction

Le juge d’instruction doit s’efforcer de faire la lumière sur les faits dont il est saisi ; au cours de l’information qu’il va diligenter, il sera amené à prescrire certaines mesures, puis, celles-ci terminées, à prendre une décision sur la suite à donner à sa procédure ; il rendra des « ordonnances ».

Certaines de ces ordonnances sont dites « juridictionnelles » parce qu’elles tranchent un point de droit, une contestation, une question de fond : il en sera ainsi de celles qui statuent sur la mise en détention d’un inculpé, sur la recevabilité d’une constitution de partie civile, sur la compétence, et de celles qui règlent la procédure, dites « ordonnances de clôture ». D’autres n’ont pas ce caractère, parce qu’elles n’entrent pas dans le cadre de l’exercice normal des fonctions du magistrat instructeur, agissant comme juridiction, telles les ordonnances commettant un officier de police judiciaire pour accomplir une mission définie, les ordonnances prescrivant une mesure d’expertise. Les premières seules, en raison de leur caractère contentieux, pourront faire l’objet d’un appel devant la chambre d’accusation, conformément au principe qui donne le droit à tout justiciable de voir ses prétentions examinées par deux degrés de juridiction.