Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

infraction

Atteinte à l’ordre, à la paix, à la tranquillité sociale, que la loi sanctionne par une peine.



Introduction

À l’origine des sociétés, l’infraction marque une rupture avec le comportement général du clan. Aussi s’explique-t-on qu’il y ait d’abord eu confusion entre la morale et le droit. Celui-ci se sécularisant ensuite, seuls sont devenus dès lors répréhensibles les faits ou les attitudes interdits par un texte solennellement promulgué. Toutefois, un même acte dans un même pays peut être poursuivi ici et ne pas l’être là.

Il revient en France au procureur de la République et au juge de qualifier l’infraction. Leur décision négative est dite « classement sans suite », le nombre de telles décisions variant selon les tribunaux (de 34 à 92 p. 100). En fait, on assiste aujourd’hui à une augmentation considérable du nombre d’incriminations, due à la prolifération de la réglementation, elle-même consécutive à l’apparition de nouvelles techniques.

En règle générale, en droit positif, les infractions sont des actes interdits par la loi et sanctionnés de ce fait par une peine édictée à l’avance. Plus rarement sont réprimées soit une abstention (privation d’aliments infligée à un mineur de quinze ans), soit une omission : non-révélation à l’autorité compétente d’un crime dont il est possible de prévenir ou de limiter les effets, non-opposition à la commission d’un crime ou d’un délit portant atteinte à l’intégrité corporelle d’une personne, abstention de porter secours à une personne en péril sans risque pour soi-même ou pour les tiers. En France, en Allemagne, en Belgique, en Grèce et en Pologne, la qualification de l’infraction est en relation avec la sévérité de la peine. On distingue ainsi : le crime puni de mort ou de réclusion ; le délit et la contravention, sanctionnés d’emprisonnement ou d’amende. Cette division emporte l’application de règles et d’une procédure* différenciées.


Les éléments de l’infraction

Pour qu’il y ait infraction, le droit exige la réunion de trois éléments : un élément matériel, un élément légal et un élément moral. La constatation de l’absence de l’un d’eux ne permet pas la poursuite : on peut voir subsister cependant le recours en responsabilité civile* ou les restitutions.


Élément matériel

L’infraction doit se révéler par un acte extérieur : faire ou, exceptionnellement, ne pas faire. La loi ne punit pas la simple résolution. Elle réclame un acte consommé ou, tout au moins, suffisamment accompli pour qu’il n’y ait plus de doute sur le passage du projet à sa réalisation.

C’est poser le problème de la tentative. La loi exige, pour la punir, qu’il y ait un commencement d’exécution. Ainsi sera puni le malfaiteur en embuscade avec sa matraque dans un couloir où doit passer un encaisseur, mais non pas l’acheteur de la matraque tant que celle-ci n’entre pas en usage. Si le délinquant s’est seulement trouvé arrêté dans l’exécution de son acte par des circonstances indépendantes de sa volonté, il est puni comme si l’acte avait été entièrement réalisé (on parle alors de délit manqué ou impossible). La tentative, qui est toujours punissable au cas de crime, ne l’est pour les délits que dans les seuls cas formellement exprimés par la loi : ainsi, la tentative d’escroquerie est sanctionnée lors même qu’il n’y a pas eu remise effective des fonds.

L’infraction, consommée ou tentée, peut être le fait de plusieurs individus. On distinguera : 1o le coauteur, c’est-à-dire celui qui a accompli personnellement tous les actes matériels constitutifs du délit (une équipe de cambrioleurs parcourant un appartement) ; 2o le complice, un individu qui agit par provocation, par moyens fournis en connaissance de cause ou sur instruction ou avec l’assistance d’un tiers. La loi fixe pour le complice la même peine que celle qui est encourue par l’auteur principal.

Le délinquant peut aussi avoir commis plusieurs délits non séparés par un jugement : on parle alors de cumul d’infractions. Dans ce cas, seule la peine la plus forte est prononcée. On doit distinguer encore l’infraction d’habitude, qui exige au moins deux actes délictueux de même nature pour être matériellement constituée (hôtelier tolérant habituellement l’exercice de la prostitution dans son établissement) et l’infraction continue (recel de choses, port illégal d’une décoration), qui recule l’échéance de la prescription*.

Le délit politique constitue un acte dirigé contre l’autorité publique en tant que telle : complot, trahison, attaque par voie de presse*. Le délit militaire est spécifique à l’armée (insoumission, refus d’obéissance, mutilation) et n’obéit pas aux règles de la récidive comme les autres délits. Le délit international — création jurisprudentielle à la suite du procès de Nuremberg (1945) — englobe les crimes dits « contre la paix », les crimes de guerre (conventions de La Haye) et les crimes contre l’humanité (génocide*, déportation), mais la codification en a été ajournée sine die par l’O. N. U. en 1957.


Élément légal

Ne peut être puni que l’acte défini, interdit et sanctionné par la loi antérieurement à la commission. C’est le principe de la légalité des incriminations et des peines. Ainsi est évité l’arbitraire du juge, qui ne peut ni interpréter par analogie les interdictions, ni prononcer une peine autre que celle qui est prévue par la loi dans sa nature et dans sa durée. Autre application de l’élément légal : la non-rétroactivité des lois.

L’infraction, pour être punissable, doit avoir été définie antérieurement à sa commission. Seules les lois de forme modifiant la compétence et la procédure s’appliquent aux procès en cours, et les lois nouvelles prononçant des peines plus douces.

La territorialité de la loi pénale, quant à elle, amène à décider que toutes les infractions commises sur le sol français, y compris celles qui sont commises par des étrangers, relèvent de la compétence du juge français, sauf si l’auteur étranger bénéficie de l’immunité diplomatique ; sous certaines conditions, l’étranger qui s’est rendu coupable d’une infraction peut être livré à l’État le requérant par la procédure de l’extradition ; le Français auteur d’infractions commises à l’étranger est poursuivi devant le tribunal de sa résidence ou du lieu d’arrestation si le fait est puni par la loi française et s’il n’a pas été déjà jugé définitivement à l’étranger.

Passé un certain délai — dix ans pour les crimes, trois ans pour les délits, un an pour les contraventions —, il y a prescription* de l’action publique, et l’auteur, ou le complice, ne peut plus être poursuivi. Exceptionnellement, pour la désertion et l’insoumission, le délai ne court que du jour où le coupable a atteint ses cinquante ans.