Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

industrielle (révolution) (suite)

La pensée scientifique occidentale s’est formée entre 1570 et 1660 : Galilée*, T. Brahe*, J. Kepler*, F. Bacon*, Descartes* en ont marqué les origines. Plus tard, Newton continuera ce mouvement. En Angleterre, dès 1660, une société de savants, la Royal Society of London, est fondée, encouragée par le roi ; elle a des rapports réguliers avec des ouvriers et des fermiers qui lui donnent la base d’expérimentations scientifiques. Une nouvelle philosophie, la philosophie de la nature, se développe et prend son extension au xviiie s. Le Siècle des lumières découvre l’idée de progrès, institue des rapports entre la science et la technologie (Réaumur en France ; R. Boyle, Newton en Angleterre).


Caractéristiques générales

Pour la première fois, la science est alors systématiquement appliquée au processus de production : elle permet la découverte de nouvelles matières premières (fer, acier), de nouvelles sources d’énergie (le charbon et la vapeur, puis l’électricité et le pétrole, enfin l’énergie nucléaire) et de machines automatiques (d’abord mécaniques, puis électriques, enfin électroniques).

L’activité économique se concentre, se spécialise : l’usine constitue la nouvelle organisation du travail ; pour la première fois, la production dépasse le cadre local ou familial pour atteindre systématiquement le cadre national et international.

Les communications se développent et les villes connaissent un essor sans précédent. La production agricole n’est plus la production essentielle : famines et disettes disparaissent, la production industrielle acquiert une part prépondérante. De nouvelles classes apparaissent et se développent : la bourgeoisie industrielle et le prolétariat moderne.

Les conditions nécessaires de la révolution industrielle sont : l’existence d’un capital important, la présence d’une main-d’œuvre disponible et les progrès de la technologie.


Le développement du capital

La base de tout surproduit social et de toute civilisation est le surproduit agricole. Mais tant qu’il conserve la forme d’une rente en nature (corvées féodales, produits agricoles divers), l’argent et le capital n’ont qu’une place restreinte dans la société. Certes, les grands propriétaires accumulent déjà des richesses, mais elles restent sous la forme d’une accumulation de valeur d’usage (blé, vin, métaux précieux). En Occident comme en Orient, cette accumulation est gaspillée en consommation improductive d’une infime minorité de possédants. Mais, avec l’apparition de la monnaie, l’argent que les anciennes classes possédantes utilisaient à acquérir des produits de luxe finit par se concentrer entre les mains des commerçants et des usuriers. La première forme d’existence du capital est le capital usurier, dont le prêt à des taux élevés aux puissants permet la reconstitution et l’élargissement.

Le capital usurier régresse à la fin du Moyen Âge au profit du capital marchand. Celui-ci se constitue d’abord par des razzias sur les pays d’Orient, d’Afrique, puis d’Amérique au xvie s. Ce capital marchand s’étend par la création d’un marché mondial de marchandises de luxe, qui constitue une véritable révolution commerciale. L’augmentation de la quantité de métaux précieux en circulation entraîne une révolution des prix, dont l’augmentation ne compense pas la perte de valeur des monnaies.

La base de la révolution industrielle est l’introduction dans la production du capital accumulé. L’industrie à domicile voit le triomphe progressif du marchand sur l’artisan : les marchands commencent à commanditer des artisans à la campagne qui produisent à domicile, reçoivent des marchands matière première et moyen de production, et finissent ainsi par travailler pour un simple salaire (xvie-xviie s.).

L’industrie à domicile sépare le petit producteur de marchandises d’abord du contrôle de son produit, ensuite du contrôle de ses moyens de production. Mais un développement intensif de la production suppose la réunion sous un seul toit des producteurs dispersés de l’industrie à domicile : c’est le système de la manufacture, dans lequel, en droit et non plus seulement en fait, l’ouvrier ne touche plus qu’un simple salaire sans rapport avec le prix du produit fini. La manufacture permet de subdiviser chaque métier et chaque processus de production, de réduire les opérations de travail à des gestes mécaniques et simplifiés, donc d’accroître le rendement et d’utiliser une main-d’œuvre non qualifiée et sous-payée. Le phénomène se développe notamment dans le textile, par exemple à Leyde (premier centre textile européen au xviie s.).

Dès lors, la concentration du capital et son insertion dans la production n’attendent plus que l’innovation technologique et la libération d’une main-d’œuvre encore essentiellement occupée à la terre pour créer l’industrie moderne.

De nombreuses civilisations ont connu le capital usurier et le capital marchand (société antique, islām, Chine, etc.) ; mais le maintien du paiement de la rente en nature et non en argent y a interdit l’introduction de l’économie monétaire dans l’économie paysanne. En Europe, l’accumulation du capital argent, usurier ou marchand, s’est réalisée du xe au xviiie s. entre les mains de la classe bourgeoise : la constitution de celle-ci en tant que classe consciente de ses intérêts commence dans les communes urbaines libres du Moyen Âge. Son pouvoir s’étendra dans les États centralisés modernes à partir du xve s. Au contraire, dans les autres civilisations, la classe marchande restera toujours soumise au pouvoir d’un État absolu qui la rançonne et confisque ses biens.

Par la suite — et notamment au cours du xixe siècle — l’intervention brutale de l’Occident sous la forme de conquêtes coloniales leur interdira un développement autonome moderne.


La révolution agricole : l’apparition du prolétariat

Le dégagement d’une main-d’œuvre libérée pour les grosses entreprises modernes s’est réalisé par une révolution qui a chassé des campagnes la population jusque-là essentiellement villageoise. L’extension de l’élevage a d’abord réduit la main-d’œuvre nécessaire aux campagnes. Puis le mouvement des enclosures, de la construction de clôtures autour des propriétés, commence en Angleterre (xve s.) : il consiste à partager entre propriétaires (essentiellement grands propriétaires) les terrains communaux, sur lesquels les villageois du Moyen Âge avaient tous libre accès. Le mouvement tend à la constitution de grandes propriétés closes, à l’entretien desquelles suffit une main-d’œuvre réduite.