Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indochine française (suite)

L’escadre française revint devant Tourane le 31 août 1858, et, après l’occupation de la ville, un raid fut lancé sur Saigon, qui fut occupé le 18 février 1859. Mais, à peine installée à Saigon, la petite garnison de marins français manqua d’être enlevée, car l’escadre avait été rappelée dans les eaux chinoises, et, jusqu’au traité de Pékin d’octobre 1860, le maintien français à Saigon resta très aléatoire.

En 1861, toutefois, l’amiral Charner (1797-1869) reprenait en main la situation et faisait occuper les trois provinces orientales de Cochinchine. Tu Duc finit par céder, et les traités de 1862 et de 1863 laissèrent à la France les territoires qui avaient été occupés.

Restait à consolider cette première tête de pont, et l’amiral de La Grandière (1807-1876) poursuivit la conquête de la Cochinchine en 1866-67, en surmontant des résistances décousues. Le Cambodge, menacé par le Siam, avait trouvé sage de se lier à la France par un traité de protectorat qui avait été signé le 11 août 1863.

Peu avant qu’éclate la funeste guerre de 1870, une exploration de l’arrière-pays avait été entamée par Ernest Doudart de Lagrée (1823-1868) et Francis Garnier (1839-1873). Cherchant une voie de pénétration en Chine, ceux-ci avaient remonté le Mékong en reconnaissant les pays riverains, puis ils avaient appris l’existence d’une meilleure voie d’accès par la vallée du fleuve Rouge. C’était là un argument sérieux pour mettre la main sur le Tonkin.


Les conquêtes de la IIIe République

Les oppositions que la France dut vaincre durant cette phase de la conquête ne furent pas le fait d’un nationalisme naissant, car un tel sentiment était encore étranger aux populations annamites et, a fortiori, aux minorités ethniques.

L’hostilité vint tout d’abord de l’empereur Tu Duc, menacé dans son autocratie, puis de certains féodaux menacés dans leurs privilèges, enfin et surtout des bandes qui, sous la dénomination générale de Pavillons noirs, pratiquaient la piraterie. La plupart arrivaient d’ailleurs de Chine à l’appel de Tu Duc.

Quoi qu’il en soit, l’occupation du Tonkin eut pour prélude deux affaires malheureuses. La première eut lieu en 1872-73. Un trafiquant français, Jean Dupuis, accompagné de quelques aventuriers et d’un convoi de marchandises, voulut traverser le Tonkin en venant du Yunnan, où il avait commercé, et il fut retenu à Hanoi. L’amiral Dupré dépêcha donc le lieutenant de vaisseau Francis Garnier pour défendre les intérêts discutables de J. Dupuis. Francis Garnier s’empara d’Hanoi et, avec l’aide d’un évêque français, tenta d’occuper tout le delta tonkinois. Mais il fut tué le 21 décembre 1873, et, faute de pouvoir engager une opération importante, on négocia. Un accord conclu en mars 1874 par le lieutenant de vaisseau Philastre ouvrit cependant à notre commerce Haiphong et Hanoi.

Huit ans plus tard et sous la pression de plusieurs chambres de commerce de la métropole, une nouvelle action fut entreprise. Le commandant Henri Rivière (1827-1883) reprit Hanoi (25 avr. 1882), mais il fut attaqué par les Pavillons noirs et fut tué à son tour le 19 mai 1883. Jules Ferry* était alors au pouvoir, et, sous son impulsion, les moyens nécessaires furent enfin consentis pour occuper le Tonkin. Ce fut l’affaire de six mois, tandis que le bombardement de Huê contraignait l’empereur à céder. Le traité conclu en 1884 plaçait tous les territoires impériaux sous le protectorat français, et il restait seulement à empêcher la Chine de s’opposer à ce règlement.

La Chine sembla s’incliner par le premier traité de Tianjin (T’ien-tsin) en mai 1884, mais elle se ravisa, et il fallut engager des opérations, dont les épisodes marquants furent la prise de l’arsenal de Fuzhou (Fou-Tcheou), près de Canton, par l’amiral Courbet* et la défense de la garnison française de Tuyên Quang au Tonkin.

Les choses semblaient sur le point de se régler, quand survint l’incident de Lang Son en mars 1885. À Lang Son, les troupes françaises n’essuyèrent qu’un échec local, qui ne justifiait pas le télégramme alarmiste envoyé à Paris par le haut-commissaire L. A. Brière de l’Isle (1827-1896). Les adversaires de Jules Ferry — principal promoteur de l’Indochine française — bondirent sur l’occasion et, le 30 mars, le renversèrent par 306 voix contre 149. Or, la Chine signa en juin suivant le second traité de Tianjin, qui consacrait sa renonciation à ses anciennes prétentions sur l’Annam.

Restait à obtenir le rattachement du Laos. Aucune opération ne fut nécessaire, et l’œuvre de pénétration, que l’explorateur Auguste Pavie (1847-1925) mena de 1886 à 1895, fut suffisante.

Quand l’Union indochinoise fut créée en 1887, la conquête était virtuellement achevée, et l’établissement d’un gouvernement général de l’Indochine en 1897 assura une centralisation politique et administrative.

Des difficultés subsistaient toutefois avec le Siam (Thaïlande*), qui occupait depuis 1863 la zone occidentale du Cambodge et une portion du Laos. Une démonstration navale devant Bangkok se révéla nécessaire en 1893, et il fallut attendre 1907 pour obtenir la restitution des territoires en cause.


L’Indochine durant la Seconde Guerre mondiale

L’apparition d’un mouvement nationaliste n’avait pas ébranlé la souveraineté française avant la Seconde Guerre mondiale (v. Indochine [guerres d’]), et cette souveraineté ne se trouva gravement menacée qu’en juin 1940.

Depuis le 7 juillet 1937, en effet, le Japon était en guerre avec la Chine, et, après la perte de Pékin et des provinces septentrionales, la Chine avait reçu divers approvisionnements par le Tonkin. L’effondrement militaire français permit donc au Japon de formuler aussitôt deux exigences : interrompre tout ravitaillement de la Chine par la voie ferrée d’Haiphong au Yun-nan et autoriser des forces japonaises à envahir le territoire chinois par la frontière du haut Tonkin.