Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indochine (suite)

Organisation sociale, familiale et religieuse

Toutes ces tribus vivent dans des villages peu peuplés, dont chacun possède un chef indépendant des autres chefs de village.

Les constructions sont généralement sur pilotis ; chaque tribu possède une organisation spécifique de l’espace : tantôt une case abritant toutes les familles (au sud), tantôt une case pour chaque famille (au nord).

Les tribus du Sud sont constituées de clans exogames. Certaines sont matrilocales et à descendance matrilinéaire (Rhadés, Jarais), tandis que, chez les Maas et une partie des Mnongs, le couple vit chez les parents du mari, les enfants étant apparentés au clan de celui-ci. Dans les tribus du Nord (Bahnars, Sédangs), pour lesquelles il n’y a pas de clans, la famille conjugale se trouve sous autorité paternelle.

Les croyances religieuses, de caractère chamanique, postulent un espace habité de nombreux génies, la pluralité des âmes et la possibilité pour celles-ci de quitter le corps ; lorsque l’une d’elles se perd, la maladie surgit (Sédangs).

Le culte des morts ne déborde pas la durée du deuil, allant de quelques mois à plusieurs années après l’inhumation. À l’issue de celui-ci, une cérémonie permet à la famille d’abandonner la tombe et de cesser le culte.

La communauté n’intervient pas dans l’exécution des rites religieux (agraires pour la plupart), qui sont particularisés en fonction d’alliances intervenant entre un individu et certains génies, que celui-ci choisit souvent à la suite de songes ou de visions au cours desquels ces êtres lui sont apparus.

Production

Mis à part quelques tribus nomades, telles que celle des Kha Tong Luongs, l’espace social de la majorité des populations montagnardes est de type écobuant : leur vie est centrée sur le « rây » (appelé mir dans les dialectes môn-khmers). Celui-ci consiste en un défrichement d’un pan de forêt suivi de la calcination des abattis ; le sol est ainsi fertilisé par les cendres. Le champ, après avoir fourni une ou deux récoltes, est de nouveau abandonné à la forêt. C’est un système de jachère forestière qui provoque la réinstallation de la communauté villageoise à proximité de nouveaux emplacements de culture. Cependant, cette migration annuelle ou biannuelle ne dépasse pas les limites du territoire propre à chaque tribu.

Le rây supporte principalement la culture du riz, base de l’alimentation, et parfois celle du maïs pour les plus pauvres. Quelques tribus ont adopté la rizière inondée, type de culture beaucoup plus moderne, sous l’influence de leurs voisins chams. Les montagnards pratiquent aussi, en économie complémentaire, la cueillette, la pêche et la chasse, dont les produits sont consommés en période de disette et en attente de la récolte à venir.

Porcs, volailles, chiens et parfois chèvres forment avec les buffles les différentes catégories de l’élevage. Le buffle est investi d’une haute signification religieuse : élevé pour sa viande, il ne doit être tué qu’à l’occasion d’un sacrifice rituel. Utilisé pour le piétinement de la terre par les quelques tribus qui travaillent en rizière inondée, il fait l’objet d’un des rares échanges intertribaux. Les Mnong-Rlâms, qui en sont les plus gros éleveurs, le troquent contre les vêtements confectionnés par les Mnong-Gars. Hormis cet échange et quelques travaux collectifs, les familles vivent en autarcie.

Le minerai de fer, dont le pays est riche, est extrait par les Sédangs ; mais l’économie reste essentiellement agricole.

N. D.

J. D.

➙ Asie de la mousson.

 G. Maspéro (sous la dir. de), Un empire colonial français : l’Indochine (Van Oest, 1929 ; 2 vol.). / C. Robequain, l’Indochine française (Horizons de France, 1930). / G. Condominas, « les Sociétés indochinoises » dans A. Leroi-Gourhan et J. Poirier, Ethnologie de l’Union française, t. II : Asie, Océanie, Amérique (P. U. F., 1952) ; Nous avons mangé la forêt de la Pierre Génie Gôo (Mercure de France, 1957). / G. Cœdès, les Peuples de la péninsule indochinoise (Dunod, 1962).

Indochine (guerres d’)

Ensemble des conflits qui se sont déroulés dans la péninsule indochinoise depuis 1946.


La première guerre d’Indochine eut essentiellement pour théâtre les anciens territoires du Tonkin, de l’Annam et de la Cochinchine. C’est, de fait, en milieu annamite qu’est né et que s’est développé un nationalisme d’imprégnation communiste, dont l’épanouissement détermina le conflit ; mais ce mouvement trouva bientôt son prolongement au Cambodge* (Issaraks) et au Laos* (Pathet Lao). Il subsistait toutefois en dehors de la masse annamite des minorités ethniques (Méos, Thaïs, Muongs, etc.) localisées dans les régions montagneuses, qui restèrent longtemps allergiques au nationalisme révolutionnaire. De plus, il se trouvait en Cochinchine des sectes pour afficher leur indépendance à l’égard du pouvoir établi, quel qu’il soit.

S’il est donc permis d’exposer l’histoire de la première guerre d’Indochine en fonction essentiellement des Vietnamiens, il est nécessaire d’évoquer la position des autres populations au cours du conflit.


Causes et origine de la première guerre (1940-1946)

Beaucoup d’historiens placent en 1930 le tournant de l’histoire indochinoise, puisque Nguyên Ai Quôc (le futur Hô Chi Minh*) créa cette année-là un parti communiste indochinois, qui devint la fraction la plus dynamique du nationalisme en Indochine. De fait, 1930 vit la rébellion des tirailleurs annamites en garnison à Yên Bay (10 févr.) ainsi qu’une révolte paysanne en Annam. Toutefois, les manifestations nationalistes n’avaient pas pris avant 1939 un caractère plus aigu qu’en Afrique du Nord : l’aspiration à l’autonomie était indiscutable chez les Annamites les plus évolués, et le communisme avait tissé des réseaux clandestins dans différents milieux, mais l’administration coloniale française avait endigué les tentatives de subversion.

L’occupation japonaise de l’été 1940 porta un coup d’autant plus sévère à la souveraineté française que les mesures prises par l’amiral Decoux (1884-1963), gouverneur général de 1940 à 1945, soulignèrent les déchirements internes de la France. La propagande panasiatique des Japonais suscita une aspiration à l’indépendance, qui se développa chez tous les peuples colonisés d’Asie.