Indochine (suite)
Organisation sociale, familiale et religieuse
Toutes ces tribus vivent dans des villages peu peuplés, dont chacun possède un chef indépendant des autres chefs de village.
Les constructions sont généralement sur pilotis ; chaque tribu possède une organisation spécifique de l’espace : tantôt une case abritant toutes les familles (au sud), tantôt une case pour chaque famille (au nord).
Les tribus du Sud sont constituées de clans exogames. Certaines sont matrilocales et à descendance matrilinéaire (Rhadés, Jarais), tandis que, chez les Maas et une partie des Mnongs, le couple vit chez les parents du mari, les enfants étant apparentés au clan de celui-ci. Dans les tribus du Nord (Bahnars, Sédangs), pour lesquelles il n’y a pas de clans, la famille conjugale se trouve sous autorité paternelle.
Les croyances religieuses, de caractère chamanique, postulent un espace habité de nombreux génies, la pluralité des âmes et la possibilité pour celles-ci de quitter le corps ; lorsque l’une d’elles se perd, la maladie surgit (Sédangs).
Le culte des morts ne déborde pas la durée du deuil, allant de quelques mois à plusieurs années après l’inhumation. À l’issue de celui-ci, une cérémonie permet à la famille d’abandonner la tombe et de cesser le culte.
La communauté n’intervient pas dans l’exécution des rites religieux (agraires pour la plupart), qui sont particularisés en fonction d’alliances intervenant entre un individu et certains génies, que celui-ci choisit souvent à la suite de songes ou de visions au cours desquels ces êtres lui sont apparus.
Production
Mis à part quelques tribus nomades, telles que celle des Kha Tong Luongs, l’espace social de la majorité des populations montagnardes est de type écobuant : leur vie est centrée sur le « rây » (appelé mir dans les dialectes môn-khmers). Celui-ci consiste en un défrichement d’un pan de forêt suivi de la calcination des abattis ; le sol est ainsi fertilisé par les cendres. Le champ, après avoir fourni une ou deux récoltes, est de nouveau abandonné à la forêt. C’est un système de jachère forestière qui provoque la réinstallation de la communauté villageoise à proximité de nouveaux emplacements de culture. Cependant, cette migration annuelle ou biannuelle ne dépasse pas les limites du territoire propre à chaque tribu.
Le rây supporte principalement la culture du riz, base de l’alimentation, et parfois celle du maïs pour les plus pauvres. Quelques tribus ont adopté la rizière inondée, type de culture beaucoup plus moderne, sous l’influence de leurs voisins chams. Les montagnards pratiquent aussi, en économie complémentaire, la cueillette, la pêche et la chasse, dont les produits sont consommés en période de disette et en attente de la récolte à venir.
Porcs, volailles, chiens et parfois chèvres forment avec les buffles les différentes catégories de l’élevage. Le buffle est investi d’une haute signification religieuse : élevé pour sa viande, il ne doit être tué qu’à l’occasion d’un sacrifice rituel. Utilisé pour le piétinement de la terre par les quelques tribus qui travaillent en rizière inondée, il fait l’objet d’un des rares échanges intertribaux. Les Mnong-Rlâms, qui en sont les plus gros éleveurs, le troquent contre les vêtements confectionnés par les Mnong-Gars. Hormis cet échange et quelques travaux collectifs, les familles vivent en autarcie.
Le minerai de fer, dont le pays est riche, est extrait par les Sédangs ; mais l’économie reste essentiellement agricole.
N. D.
J. D.
➙ Asie de la mousson.
G. Maspéro (sous la dir. de), Un empire colonial français : l’Indochine (Van Oest, 1929 ; 2 vol.). / C. Robequain, l’Indochine française (Horizons de France, 1930). / G. Condominas, « les Sociétés indochinoises » dans A. Leroi-Gourhan et J. Poirier, Ethnologie de l’Union française, t. II : Asie, Océanie, Amérique (P. U. F., 1952) ; Nous avons mangé la forêt de la Pierre Génie Gôo (Mercure de France, 1957). / G. Cœdès, les Peuples de la péninsule indochinoise (Dunod, 1962).