Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Indien (océan) (suite)

La façade allant de la Somalie au Pākistān présente un renversement spectaculaire des courants, vers le sud-ouest en hiver, vers le nord-est en été. Pendant cette dernière saison, le renforcement des vents provoque l’accélération du courant de Somalie, qui baigne la corne nord-est de l’Afrique : avec des pointes supérieures à 12 km/h, c’est alors le courant de vent le plus violent du monde. Il s’accompagne de tourbillons et surtout de remontées d’eau froide responsables de l’aridité littorale, de l’absence locale de coraux et de la fertilité saisonnière des eaux, qui ne sont encore que faiblement exploitées par les crevettiers armés par les compagnies établies dans le golfe Persique.

Ce dernier et la mer Rouge, auxquels on accède par les golfes d’Oman et d’Aden, sont des mers originales, isolées derrière des seuils (d’Ormuz et de Bāb al-Mandab) qui en barrent l’entrée. Leur comportement hydrologique est original. Pénétrant difficilement, l’onde de marée perd en amplitude (marnage inférieur à 1 m) et se déforme (prépondérance de l’onde diurne dans le sud du golfe Persique et établissement d’une onde stationnaire en mer Rouge). Le climat désertique y entretient la formation d’une eau chaude et très salée (plus de 40 p. 1 000 en mer Rouge). Comme il est normal en de tels bassins de concentration, les eaux, alourdies, plongent et occupent le fond des bassins, qu’elles quittent par un courant de détroit passant au-dessus du seuil ; en compensation, les eaux venues du large pénètrent en surface, particulièrement en hiver. Les masses d’eau profondes sont donc homogènes : en mer Rouge, l’eau est à 21,7 °C et titre 40,6 p. 1 000 de salinité jusqu’aux environs de 2 000 m, mais, en plusieurs dépressions, on a découvert de véritables saumures (salinité de 270 p. 1 000, identique à celle de la mer Morte) chaudes (44, puis 56 °C au contact du fond), qui présentent de remarquables enrichissements en précipités métallifères d’origine très vraisemblablement thermale. Les littoraux, très fréquemment ourlés de récifs coralliens, sont habités par des collectivités de pêcheurs se livrant à une activité traditionnelle et ancestrale, associée localement à la pêche des éponges. Une modernisation est en cours sous l’égide des sociétés de pêche du Koweït et de l’Iran. Mais les exportations de pétrole représentent l’essentiel de l’activité maritime, centrée sur le port de l’île de Kharg et celui de Mīnā’ al-Aḥmadī, les deux plus importants ports du monde en tonnage après Rotterdam.

• La région indo-birmane. De novembre à avril, l’alizé venant d’Asie est responsable de la formation de l’équivalent local du courant nord-équatorial connu sous le nom de courant de la mousson du nord-est. Vers 100 m de profondeur, on a découvert un sous-courant compensateur (dirigé vers l’est) rapide (entre 2 et 3 km/h et des pointes vers 4,5 km/h) et abondant (11 millions de mètres cubes par seconde). Le temps est alors sec et lumineux, favorable au réchauffement de l’eau, particulièrement au printemps (28 °C). De mai à octobre, sous l’action des vents attirés par l’Asie apparaît le courant de la mousson de sud-ouest dirigé vers l’est et relativement puissant ; en profondeur, le sous-courant faiblit, devient inconstant et très fréquemment méconnaissable. Le ciel est couvert, le vent violent, parfois tempétueux, et les pluies sont copieuses et brutales. La diminution de l’insolation, l’influence des remontées locales d’eau froide sont alors responsables du léger fléchissement de la température de l’eau. Les houles de sud-ouest sont fortes et interviennent puissamment dans le modelé des littoraux, où les passages cycloniques peuvent engendrer de véritables catastrophes.

L’avancée de la péninsule du Deccan partage l’aire en deux domaines distincts. À l’ouest, la mer d’Oman (centre et est) ne reçoit que des pluies estivales modérées par suite de l’établissement d’une inversion d’altitude produite par l’invasion de l’air africain et arabique, plus chaud. Les variations de la salinité demeurent donc faibles (de 36 à 36,5 p. 1 000). Les archipels des Laquedives et des Maldives constituent de véritables barrières, obligeant les courants à se détourner et à plonger, ce qui donne lieu à de profonds brassages favorables à la construction madréporique et à la fertilité de l’eau (pêche active aux Maldives). Également riches sont les eaux de la côte de Malabār, singulièrement sous l’effet de l’upwelling hivernal. De très nombreuses et anciennes collectivités de pêcheurs vivent en bordure de ces côtes lagunaires et submersibles, où il faut sans cesse se défendre contre les infiltrations de l’eau salée. L’activité halieutique y a cependant bénéficié des très importants efforts de modernisation entrepris par le gouvernement indien (développement des pêcheries de crevettes), principalement dans la région du Konkan (littoral de Bombay) et sur la côte du Kerala, où on se livre encore à une très active exportation de poisson séché. C’est sur cette côte de Malabār que s’est développé Bombay*, le principal port et la plus grande agglomération (avec Calcutta) du sous-continent.

À l’est, le golfe du Bengale et ses annexes orientales (mer Andaman) et méridionales (détroit de Malacca) connaissent de plus amples variations de la nature et du mouvement des eaux. L’onde de marée, devenue stationnaire, subit une importante augmentation d’amplitude au fur et à mesure de sa progression vers les rivages septentrionaux, et elle atteint 4 m sur les plates-formes du Bengale et de la mer Andaman. En été, les grandes crues fluviales font tomber la salinité en dessous de 30 p. 1 000 devant les grands deltas (Gange, Brahmapoutre et Irrawaddy) ; mais cette dessalure se voit cantonnée à la périphérie orientale du golfe sous l’action des vents et du grand transfert d’eau vers l’est, qui se manifeste par une forte pénétration en mer Andaman et la formation d’un mouvement de rotation cyclonique devant le Bengale et la côte de Coromandel. En hiver, le mouvement est anticyclonique et plus vaste : les eaux dessalées au cours de l’été précédent sont alors entraînées vers le sud-ouest, où elles contournent Ceylan et la pointe sud du Deccan, et pénètrent même en mer d’Oman par la mer des Laquedives et les Passages des Huitième et Neuvième Degrés. Un tel transfert est compensé par des remontées d’eau froide, surtout importantes devant les côtes birmanes. C’est en cette région que l’on pratique la pêche la plus active, notamment autour des îles de l’Arakan, des archipels Andaman, Nicobar et Mergui, où opèrent plus de 100 000 pêcheurs. Tous les rivages lagunaires ou deltaïques qui entourent le golfe vivent au péril de la mer, à la merci d’une forte marée ou d’un cyclone qui gonfle le flot et provoque des ondes de tempêtes qui balaient tout sur leur passage, produisant de véritables hécatombes comme au Bengale en 1737 (300 000 victimes) ou en novembre 1970 (0,5 à 1 million de morts).