Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

Le poète aveugle Sūradāsa vécut de 1483 à 1563 à Āgrā et composa de très nombreux chants (bhajana) en l’honneur de Kriṣṇa et de Rādhā. Sa popularité fut immense, et il fut considéré comme le meilleur du groupe des huit poètes, les « huit sceaux » (aṣṭcāpa), qui ont consacré leur talent à ce culte au xvie s. L’un d’eux, Nanda Dāsa, sans doute frère du précédent, mérite d’être nommé.

Dans la ligne de Kabīr, mais peut-être encore plus proche du soufisme, un poète musulman, Malik Muḥammad Jāyasi, écrit un long poème épique allégorique, Padmāvata (1540 env.), qui, dans le cadre historique de la prise de Cittor (1303) par l’empereur musulman ‘Alā’ al-Dīn, expose sa conception de la recherche du divin et de la vérité universelle. Ce poème n’est pas sans rappeler sur bien des points notre Roman de la Rose. Il est écrit en avadhī (hindī de l’est), et les premiers manuscrits sont en caractères persans, fournissant ainsi de précieuses indications phonétiques sur la langue parlée à l’époque.

L’incarnation de Viṣṇu sous les traits de Rāma donne naissance à un culte plus raffiné et plus retenu que celui de Kriṣṇa. Tulsī Dās (v. 1532 - v. 1623) se réclame de Rāmānanda et devient par son talent le chantre du culte rāmaïte. Ses données biographiques sont incertaines, mais on pense qu’il naquit vers 1532 près d’Ayodhyā, dans une famille de brahmanes. Pauvre, il dut mendier de porte en porte, mais la pauvreté en Inde n’entraîne pas nécessairement l’aculturation, et Tulsī Dās était instruit dans les Veda, la philosophie, l’histoire et les Purāṇa. Comme Jāyasi, il écrit en avadhī, bénéficiant d’une langue déjà riche en mètres variés. Il emploie principalement le dohā, distique, et le caupaī, quatrain popularisé par la récitation. Son œuvre maîtresse, le Rāmcaritmānasa (le Lac de la vie de Rāma), fondé sur le Rāmāyaṇa de Vālmīki, n’en est pas moins une œuvre parfaitement originale. La philosophie qui s’en dégage est celle de neuf modes de la bhakti (navadhā bhakti), qui se ramènent à la foi en Dieu, à la récitation de son nom et de ses qualités, à la pureté de cœur et au détachement des objets des sens. L’influence de Tulsī Dās sur la vie indienne fut immense. On cite quotidiennement maints proverbes et dictons tirés de ses œuvres, et les écrivains contemporains s’y réfèrent encore abondamment.

À la cour de l’empereur Akbar, quelques poètes se distinguent. Certains d’entre eux occupent même de hauts postes. Parmi les meilleurs, on trouve Abdul Rahim Khānkhānā (1556-1627), son ami Ganga, le musicien Tān Sen de Gwalior et le père du grand poète braj Sūr Dās, Rām Dās.

L’influence de la poésie persane se fait déjà sentir dans le choix des thèmes profanes, dans la recherche de l’ornement et des procédés de style, qui rappellent aussi les kāvya en sanskrit. Keśav Dās est l’auteur d’un art poétique qui fait autorité.

• En assamais, la littérature débute véritablement dans la seconde moitié du xve s., avec un réformateur viṣṇuite, Śankaradeva, fondateur de la secte des mahāpuruṣiya. Celui-ci est un disciple de Caitanya. Il adapte en assamais la Bhagavad-Gītā et compose des kīrtana (récitations dansées et chantées) et des pièces de théâtre accompagnées de musique et de danses. Son disciple Mādhava Deva compose aussi ce genre de comédies musicales, une kāvya (Rājasūra) et une traduction du sanskrit, Bhaktī ratnāvali.

• En bengali, une forme poétique très populaire est celle des mangala, chants faisant partie du rituel domestique et généralement interprétés par les femmes. Mālādhar Basu (xve s.) traduit le Bhāgavata-Purāṇa et crée un Kriṣṇa mangala. Vijaya Gupta dédie son Manasā mangala à la déesse des Serpents vénérée au Bengale, et, à la fin du xve s., Caṇdidās célèbre les louanges de Kriṣṇa dans des chansons encore très souvent interprétées de nos jours.

• Le gujarātī est employé en littérature depuis le xive s. environ. Au xve s., le kriṣṇaïsme produit un grand poète en la personne de Narasimha Mehta, adepte de la bhakti. Vivant de charité, bien que chargé de famille, le poète passait la plus grande partie de son temps à chanter des bhajan en l’honneur de son dieu au son des karakāla (sorte de petites cymbales), entouré de pauvres de toutes castes, y compris des intouchables. Ses pada (vers), au nombre de sept cent quarante environ, ont été rassemblés dans le Śringāramāla (le Rosaire de l’amour). On y retrouve l’imagination et la sensualité des poèmes bengalis du même genre.

• En marāṭhī, Eknātha (xvie s.) est l’auteur d’un commentaire du Bhāgavata-Purāṇa (chap. xi), du mariage de Rukmiṇi et d’un résumé du Rāmāyaṇa.

• La littérature telugu est l’une des plus riches durant cette période. B. Patana (1400-1475) est le traducteur du Bhāgavata-Purāṇa en cette langue. Vemana (seconde moitié du xve s.), śivaïte advaïta, compose des Centon, strophes de cent vers d’un réalisme assez cru. Sa langue est moins sanskritisée que celle du précédent. Allasanipeddana (xvie s.) donne une nouvelle impulsion à la poésie de style kāvya. Son épopée, Svarochiṣṭa-Manucarita, en est un exemple. Pingla Surana (xvie s.) est aussi l’auteur de kāvya célèbres, notamment Rāghava-Pāṇḍavīya, écrite en vers à double sens, l’un se rattachant à l’histoire de Rāma et l’autre à celle du Mahābhārata. Son disciple Rāmarāja-Bhuṣaṇa est surtout remarquable par ses descriptions recherchées.

Œuvres de Tulsī Dās

Œuvres mineures

Rāmlāl Nahcu

Vairāgya Sandīppinī

Baravai Rāmāyana

Pārvatī Mangala

Jānākī Mangala

Ramājñā Praśna

Œuvres majeures

Dohāvalī

Kavitāvalī

Gītāvalī

Kriṣṇa Gītāvalī

Vinayapatrikā

Rāmacaritamānas ou Rāmāyaṇa (sept livres, dont le plus long est le premier, celui de l’enfance. Dix mille vers environ)