Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

L’Atharvaveda vient s’ajouter aux trois autres. Il leur est postérieur par la forme et contient des incantations, des prières et des formules magiques qui semblent avoir un caractère populaire. On y trouve, par exemple, des recettes de philtres magiques destinés à des fins profanes (philtres d’amour, entre autres). Selon une habitude qui se perpétue dans la littérature indienne jusqu’aux temps modernes, à ces textes de base se rattachent des commentaires en prose, ou « interprétation du brahmane » : les Brāhmaṇa. Chaque Veda possède ainsi son commentaire. Ils fournissent en outre des explications sur les rites, la langue, la tradition et la philosophie. Le plus important, le Śatapatha Brāhmaṇa, présente quelques mythes intéressants : le mythe des amours de la nymphe Urvasī et du roi Purūrava, qui la recherche jusqu’au paradis cosmogonique ; la légende du déluge ; etc. Ils se mêlent à des spéculations rationnelles puissantes.

Les Āraṇyaka, « textes à lire dans la forêt », sont de nature ésotérique. Supposés dangereux à cause de leur influx magique, on les récite loin des agglomérations, dans l’isolement de la nature.

Les Upaniṣad (ou Upanishad), « traités relatifs aux équivalences », sont l’aboutissement de la śrūti. Leur importance dans la philosophie mondiale justifie cette réflexion de Schopenhauer : « Elles ont été la consolation de ma vie et seront celle de ma mort. » Impossible à dater avec précision, on distingue cependant, d’après certaines particularités de la composition et de la langue, des Upaniṣad anciennes et d’autres plus tardives. Parmi les premières, les deux plus importantes, la Brihadāraṇyaka Upaniṣad et la Cāndogya Upaniṣad, quittent le terrain proprement religieux pour se lancer dans la « voie de la connaissance » (jñānamārga). Dans le cadre de dialogues, de fables, d’aphorismes, d’énigmes, elles traitent de problèmes physiologiques, cosmologiques, ébauchant une véritable dialectique. Les sujets principaux de ces spéculations sont l’origine du monde (mythe de l’œuf cosmique), le non-existant se changeant en existant et la relation entre une puissance créatrice unique, appelée brahmaṇ, et l’ātman, qui représente tout d’abord l’âme universelle, puis le « moi » humain, l’âme opposée au corps. La discussion porte sur l’union de ces deux concepts. La recherche de la réponse métaphysique au problème de la mort aboutit au mysticisme par la cosmologie, la philosophie et l’éthique. C’est dans la Kauśitakī Upaniṣad que s’élabore la doctrine du karman, c’est-à-dire du devenir de l’homme selon ses actes et ses renaissances successives jusqu’à la libération et l’union avec Dieu.

La smriti, tradition confiée à la mémoire, s’exprime dans les Vedānga et comprend des sūtra, aphorismes partiellement fondés sur les Brāhmaṇa traitant des rites (kalpasūtra), du culte domestique (grihyasūtra), naissance, mariage, mort, ou de la loi (dharmasūtra). On y trouve des renseignements très intéressants sur les institutions, les coutumes et les habitudes de l’Inde ancienne qui se perpétuent dans l’Inde contemporaine. Ils sont rédigés pour être mémorisés. D’autres sūtra se rapportent au langage : recueils de synonymes, traités de phonétique, de grammaire, d’étymologie, de prosodie. La célèbre grammaire de Pāṇini, l’Aṣṭādhyāyī (env. ve s. av. J.-C.) y puise son origine et illustre dans ses aphorismes la concision extrême à laquelle peut atteindre la langue sanskrite grâce à la souplesse de sa structure flexionnelle. Le Mahā-Bhāṣya de Pātañjali (iie s. av. J.-C.) en est un commentaire.

Enfin, les textes relatifs à l’astronomie fixent les temps du sacrifice et établissent un véritable calendrier fondé sur l’observation des positions de la lune et du soleil.

À partir de la smriti, les écoles philosophiques se diversifient. Chacune développe tel ou tel aspect des Veda. À travers la variété des spéculations philosophiques pures, des rituels et des représentations mythologiques, elles aboutissent aux croyances qui s’épanouiront dans la littérature classique et moderne.

Principales Upaniṣad védiques

Upaniṣad en prose (vie-ive s. av. J.-C.)

Brihadāraṇyaka Upaniṣad.
Cāndogya Upaniṣad (mystique du sāman — l’ātman-brahmaṇ).
Aitareya Upaniṣad (création du monde par l’ātman).
Kauśitakī Upaniṣad (théorie du souffle et de l’ātman).
Kena Upaniṣad (le brahmaṇ).
Taittirīya Upaniṣad (préceptes pour accéder au brahmaṇ).

Upaniṣad métriques

Kaṭha ou Kaṭhaka Upaniṣad (identité ātman-brahmaṇ).
Śvetāśvatara ou Mantra Upaniṣad (tendance monothéiste).
Mahānārāyaṇa Upaniṣad (formules sur le rituel).
Muṇḍaka Upaniṣad (Upaniṣad des ascètes).
Praśna Upaniṣad (questions et réponses sur des sujets de psychologie et de physiologie).
Māṇḍūkya Upaniṣad, plus tardive (ātman collectif : puruṣa et ātman individuel, loi du karman).


La littérature technique

Elle s’ébauche à cette époque et continuera à se développer dans les siècles à venir. Du point de vue littéraire, les ouvrages les plus importants traitent de la poétique (Alaṃkera Śāstra, sur les ornements du style) et de la dramaturgie comme le Nāṭya Śāstra attribué à Bharata et qui fait l’étude détaillée de l’intrigue, des personnages et de leurs sentiments, des gestes des acteurs, de l’intonation, des costumes, du maquillage approprié à l’atmosphère de la pièce. Il indique aussi le niveau de langue à employer (sanskrit, prākrits) suivant les personnages. On y trouve des indications sur la prosodie, la musique et la danse.


Les épopées

Elles appartiennent au groupe Itihāsa-Purāṇa (env. iie s. av. J.-C.), récitations narratives dont l’origine remonte aux récits du Yajurveda et des Brāhmaṇa. Ces épopées étaient chantées ou plutôt psalmodiées avant les sacrifices par des bardes de caste brahmane. Leur point de départ est vraisemblablement un fait historique, et elles se sont peu à peu chargées de tous les sentiments et de toutes les croyances qui distinguent la loi morale des hindous : le dharma, qui régit le comportement des êtres aussi bien sur le plan religieux que sur le plan moral, social, juridique, voire hygiénique.