Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

anarchisme (suite)

Cette propagande aurait pu se développer sous des formes pacifiques : constitution d’ateliers communistes, de magasins coopératifs, organisation de mutuelles, etc. La répression dont étaient victimes, en certains pays, Espagne ou Russie par exemple, les militants socialistes ou anarchistes conduisit des théoriciens libertaires à recommander « la révolte permanente par la parole, par l’écrit, par le poignard, le fusil, la dynamite... » (Kropotkine), et « propagande par le fait » devint dès lors synonyme d’action terroriste. Une telle propagande ne s’exerça cependant ni en tous lieux ni à toutes époques, et elle ne fit le plus souvent que répondre à la répression.

Deux opinions anarchistes sur les attentats

« L’attentat individuel procède des mêmes causes et poursuit le même but que la Révolution sociale elle-même. (S. Faure, Encyclopédie anarchiste.)

« Les attentats ne sont pas un remède, il me paraît. Ils ouvrent des portes ouvertes, s’ils concordent avec le sentiment général ; ou ils sont un effort perdu, ou presque, s’ils ne rencontrent pas ce sentiment général.

« Faisons donc autre chose. Étudions et soyons avant tout intelligents. On ne remue pas le monde — et ce monde détraqué de nos jours encore — avec de la force irréfléchie, des impulsions [...]. » (M. Nettlau, Encyclopédie anarchiste.)


L’action éducative

Les anarchistes ont toujours considéré l’éducation et l’instruction comme des facteurs révolutionnaires déterminants. La besogne révolutionnaire, dit J. Grave, consiste avant tout « à fourrer des idées dans la tête des individus » (les Temps nouveaux, 12 déc. 1896). Et les théoriciens anarchistes Bakounine et Kropotkine, après Proudhon, ont préconisé l’instruction intégrale, théorique et pratique, pour « préparer chaque enfant des deux sexes aussi bien à la vie de la pensée qu’à celle du travail, afin que tous puissent également devenir des hommes complets » (Bakounine).

Des essais nombreux furent tentés, que ce soit par Paul Robin à Cempuis de 1880 à 1894, par Francisco Ferrer Guardia (1859-1909) avec son essai d’École moderne à Barcelone, par Sébastien Faure à La Ruche près de Rambouillet, de 1904 à 1917.

L’anarchisme et l’école

• Appel de Francisco Ferrer Guardia, signé « La Escuela Moderna, Barcelone » et publié dans les Temps nouveaux, 26 janvier 1902 :

« ... L’arithmétique est un des plus puissants moyens d’inculquer aux enfants les idées fausses du système capitaliste [...] L’École Moderne de Barcelone fait appel à ceux des amis de l’enseignement rationnel et scientifique qui s’occupent spécialement de mathématiques pour la composition d’un recueil de problèmes faciles, vraiment pratiques, dans lesquels il ne serait absolument pas question d’argent, ni d’épargne, ni de bénéfices. Les exercices devraient porter sur la production agricole et manufacturière, sur la bonne répartition des matières premières et des objets fabriqués, sur les moyens de communication et de transport des marchandises, sur le travail humain comparé au travail mécanique et les avantages des machines, sur les travaux publics, etc. »

• Travaux demandés à des élèves de l’enseignement primaire par l’instituteur Émile Caffin (1858-1936), qui exerça — non sans incidents — dans l’Oise et dans la Seine :

Samedi 25 juin 1921

Copie

Ce n’est pas encore l’heure.

Tant que le peuple ne verra pas clairement, aussi clairement qu’il voit que 2 bâtons posés à côté de 3 bâtons font 5 bâtons, tant qu’il ne verra pas, dis-je, cette vérité que les journaux qu’il lit le plus, Petit Parisien, Petit Journal, n’ont qu’un but : le tromper, l’amuser niaisement pour l’exploiter, le Capital n’aura rien à craindre. Il faut qu’une révolution, c’est-à-dire une transformation, soit mûre dans les esprits pour qu’elle puisse devenir une réalité.

Écriture

La paix ne se fera que par la vérité.

On peut être un héros sans ravager la terre.

L’histoire enseigne qu’autrefois on mettait les voleurs en croix. Aujourd’hui, les temps sont meilleurs : on met les croix sur les voleurs.

Conjugaison

Je débarque le monarque.


L’action antimilitariste : l’Association internationale antimilitariste

Les anarchistes se refusent à la guerre, qui, pour eux, n’a pour objet que de défendre non le patrimoine commun des hommes d’une même nation, mais les privilèges de la minorité qui détient le pouvoir.

Les anarchistes sont donc antimilitaristes, et c’est ainsi que se constitua, à l’issue du congrès anarchiste international d’Amsterdam (août 1907), l’Association internationale antimilitariste. Déposée par Malatesta, signée avec lui par C. Cornelissen, F. Domela Nieuwenhuis, R. de Marmande, Ramus, Thonar, la motion suivante y fut votée le 30 août : « Les anarchistes [...] engagent leurs camarades — et en général tous les hommes aspirant à la liberté — à lutter selon les circonstances et leur tempérament, et par tous les moyens, à la révolte individuelle, au refus du service isolé ou collectif, à la désobéissance passive et active et à la grève militaire — pour la destruction radicale des instruments de domination.

« Ils expriment l’espoir que les peuples intéressés répondront à toute déclaration de guerre par l’insurrection.

« Ils déclarent penser que les anarchistes donneront l’exemple et seront suivis. »

Propagande antimilitariste

Le IVe congrès de la Federación Obrera Régional Argentina (1904) décide la création d’un « Fonds du soldat » destiné à aider les déserteurs et à assurer la défense de ceux qui sont condamnés pour propagande antimilitariste. Le congrès adopte la motion : « Considérant que le militarisme est le fléau de la classe travailleuse et le défenseur du capital et donc la cause de tout l’échec des grèves, les participants décident la formation d’une commission chargée d’entrer en contact et de nouer des accords avec toutes les ligues antimilitaristes du monde. »