Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

Inde (suite)

L’Administration, remarquablement structurée, peut se schématiser ainsi : le roi, assisté d’un vice-roi (uparājā), est détenteur des pouvoirs exécutif, législatif, judiciaire et, bien sûr, militaire. Mais, selon Kauṭilya, si le roi est responsable de la justice, la loi n’en est pas moins au-dessus de lui. Ensuite viennent le prince de la couronne (yuvarāja), véritable dauphin, et le Premier ministre (agrāmātyah).

En descendant d’un cran dans la hiérarchie, on trouve : des princes (kumāra ou āryaputra), servant de vice-rois dans les provinces de Taxila, de Tosali et d’Ujjain ; des gouverneurs de province (prādeśika), assistés de fonctionnaires spécialistes de la justice (rājūka), des finances (yuta), de la moralité publique et de la loi (dharma-māhamātra).

Pour éviter un certain laisser-aller ou de trop grandes velléités- d’indépendance, Aśoka, à ce niveau, avait posé le principe d’une rotation périodique obligatoire (anusamyāna).

Enfin, toute une série de diplomates, d’agents secrets, de membres de la police politique, de responsables des travaux publics complètent cette gamme déjà riche d’administrateurs.

L’armée est l’autre pilier du régime, même, semble-t-il, après la conversion d’Aśoka au bouddhisme. Sa structure est assez bien connue quant aux corps qui la constituent (infanterie, cavalerie et éléphants de combat) et quant aux groupes qui en font partie (soldats indiens de profession [maula], mercenaires étrangers [bala], conscrits à court terme fournis par les corporations et guerriers des tribus aborigènes).

Les effectifs, par contre, posent un problème : les sources de l’époque attribuent à l’armée maurya quelque 700 000 hommes. On reste rêveur. Certes, les armées indiennes étaient réputées pour leur importance. Ne doit-on pas, toutefois, inclure dans ce nombre la masse de tous ceux, commerçants, serviteurs, etc., qui accompagnaient les armées ? Dans ces conditions, le nombre des combattants effectifs serait ramené à de plus justes proportions.

• L’organisation économique. Dès cette époque, elle repose sur les trois piliers qui vont constituer son assise jusqu’à l’implantation britannique : agriculture et élevage, artisanat, commerce.

Riz, blé, orge, légumineuses, canne à sucre et épiées sont les principales productions. L’élevage est, la plupart du temps, associé à l’agriculture, tout en prenant, dès cette époque, sa caractéristique originale — élevage à destination laitière —, l’alimentation carnée se raréfiant peu à peu.

Les revenus du secteur primaire constituent alors l’essentiel des ressources de l’État. Bien que le souverain ait en théorie la propriété émi-nente de tout le sol, celui-ci est, en pratique, divisé en quatre parts : terres royales, terres privées, pâturages et forêts. Sur les ressources procurées par ces terres, le souverain perçoit une taxe de 25 p. 100 sur les propriétés privées, taxe qui, semble-t-il, peut atteindre 50 p. 100 sur les terres royales. En fait, le taux d’imposition est moins rigide : il varie selon la qualité de la terre et les possibilités d’irrigation.

L’artisanat, lui, peut se classer en deux grands groupes : la fabrication des objets (textiles, poteries, etc.) de qualité courante, dont la production peut parfois atteindre un niveau quasi industriel ; les fabrications de luxe (tissus précieux, orfèvrerie, ivoires), qui alimentent un commerce intérieur et extérieur important. Cette dernière activité est puissamment encouragée depuis le vie s. av. J.-C. par l’apparition d’une monnaie en argent et le développement d’une infrastructure de voies de communication (routes et voies navigables).

Plus tard, le commerce maritime connaîtra aussi une grande ampleur (cf. la thalassocratie chola).

Comme l’agriculture, l’artisanat et le commerce sont frappés de taxes diverses, établies par un corps d’inspecteurs et de contrôleurs. Dans ce domaine comme dans celui de la justice, le roi joue le rôle de cour d’appel.

• L’organisation sociale. Elle va prendre une orientation décisive avec l’apparition d’une société composée d’un certain nombre de castes, ou jāti. L’origine de ce phénomène reste assez obscure. Nombre d’auteurs pensent qu’il résulte de la juxtaposition de deux systèmes sociaux : un système ancien correspondant à des sortes de gildes de marchands et d’artisans (śreṇi), et le système des varṇa, mis en place au fur et à mesure de la conquête aryenne. De ce mélange devaient naître ces groupes endogames et strictement hiérarchisés, qui sont encore aujourd’hui la réalité sociologique de l’Inde : les jāti. Certains édits d’Aśoka montrant la façon dont devaient être traités les divers groupes sociaux semblent confirmer ce fait. Seulement ébauché à cette époque, le système des castes tel que nous le connaissons a dû se fixer avec plus de rigueur entre 200 av. et 200 apr. J.-C.

Comme souvent en Inde, à cette remarquable phase de centralisation devait succéder une période de désintégration politique, marquée par les invasions des Grecs, des Scythes et des Kuṣāṇa.

Puṣyamitra, en renversant en 185 av. J.-C. le dernier souverain Maurya, fonde du même coup une nouvelle dynastie, celle des Śuṅga. Bien rétrécie quant à ses bases territoriales, cette dynastie n’exercera en fait son autorité que sur le Magadha. Elle ne durera que jusqu’en 73 av. J.-C., date à laquelle le dixième et dernier Śuṅga sera renversé par un de ses ministres, le brahmane Kāṇvayana, qui, fondateur d’une nouvelle dynastie encore plus éphémère, la dynastie Kāṇva, régnera jusqu’en 25 av. J.-C. seulement.

Politiquement faibles, ces dynasties correspondent cependant à des époques d’exceptionnel développement culturel et artistique.

Cette décadence politique résulte non seulement de faiblesses internes, mais aussi de nombreuses invasions étrangères, qui profitent de l’affaiblissement du pouvoir central.