Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

inca (Empire) (suite)

Dans les derniers siècles précédant notre ère, cette unité culturelle disparaît peu à peu, faisant place à une diversité de petits États guerriers, dont la personnalité se manifeste surtout à travers les styles de céramique (cultures de Paracas et de Nazca* sur la côte sud ; culture de Lima sur la côte centrale ; cultures de Salinar, de Vicus, et Mochica* sur la côte nord).

Ce développement régional est interrompu vers le xe s. de notre ère par l’expansion d’un pouvoir politique et religieux né quelques siècles plus tôt à Tiahuanaco* (région du lac Titicaca) et dont l’influence s’étend à tout le Pérou à partir du centre de Huari (bassin d’Ayacucho). La conquête de Huari s’accompagne d’importantes transformations économiques, sociales et culturelles. La naissance des villes et du militarisme va profondément transformer les cultures locales, qui renaissent à partir du xiie s.

Du xiie au xve s., les groupes locaux, dont les plus puissants sont les Chimús au nord, les Chinchas sur la côte sud, les Huancas et les Chancas dans les Andes, s’organisent en États puissants. Parmi ces groupes qui luttent pour l’hégémonie se détache alors celui des Incas, dans la région du Cuzco (Andes du Sud).


Naissance d’un empire


La légende

Lorsque les Espagnols demandèrent aux indigènes à quand remontait la puissance de l’Inca, ceux-ci répondirent par des légendes qui leur avaient été transmises oralement, de génération en génération. Selon l’une d’elles sortirent un jour de quatre cavernes à Pacari-tampu quatre frères, Ayar Uchu, Ayar Cachi, Ayar Auca, Ayar Manco, et leurs épouses. S’étant débarrassé de ses frères, Ayar Manco parvint avec son épouse, Marna Ocllo, dans la vallée du Cuzco. À cet endroit, la baguette d’or qu’ils plantaient de temps en temps dans le sol s’enfonça et disparut. Ils s’arrêtèrent et édifièrent une hutte à l’endroit qui allait devenir la capitale du futur empire. Commença alors pour les habitants de la vallée le règne de l’ordre et de la civilisation. Quelle part de vérité historique renferme ce mythe, qui fait des Incas les fondateurs de toute civilisation ? La légende des quatre frères Ayar fait sans doute allusion à d’antiques migrations, à des luttes entre tribus, dont une seule, personnifiée par Ayar Manco, serait sortie victorieuse. Ayar Manco, ou Manco Cápac, est considéré comme le premier des douze ou treize souverains de la dynastie inca et aurait régné vers le xiie s. de notre ère. Cependant, des découvertes archéologiques attestent l’existence de cultures déjà avancées dans la région du Cuzco dès 1500 av. J.-C. (Chanapata, Huari, Killke). Il est probable qu’au moment où se place le règne légendaire de Manco Cápac les Incas ne sont encore qu’une petite tribu dominant la vallée du Vilcanota et gouvernée par des chefs militaires élus, ou sinchis. Peut-être réussirent-ils à se confédérer avec les peuples voisins, étendant ainsi leur domination aux vallées proches. Puis la coutume s’établit de donner le pouvoir au fils du chef, créant ainsi la dynastie inca. Les souverains se succédèrent jusqu’à ce que Yáhuar Huácac, 7e Inca, réussît à imposer sa domination à tous les peuples du bassin du Cuzco.


L’histoire

La période historique de l’Empire inca commence par une guerre entre les gens du Cuzco et les Chancas. Ceux-ci, qui veulent s’emparer des régions déjà annexées par les Incas, profitent de la faiblesse de Viracocha, 8e Inca, pour assiéger le Cuzco. Ils seraient sans doute parvenus à vaincre si Inca Yupanqui, fils du souverain, n’avait dirigé la défense. La bataille décisive a heu non loin de la capitale, dans une plaine à laquelle restera attaché le nom de Yahuarpampa (« plaine de sang »). Cela se passait, selon les chroniques rapportées par les Espagnols, entre 1430 et 1440.

Le fils de l’Inca, triomphant, est reconnu comme nouvel empereur sous le nom de Pachacútec, le « réformateur du monde ». Aidé de son frère et de son fils, il entreprend immédiatement une série de conquêtes destinées à consolider son pouvoir. Sont annexés le territoire des Collas, au sud, puis toute la région actuelle d’Arequipa jusqu’à la côte. Vers le nord, Roca, frère de l’Inca, s’avance jusqu’à Cajamarca.

Túpac Yupanqui, 10e Inca, succède à son père vers 1471. Sous son règne, les armées s’avancent au nord jusqu’à Quito et descendent le long de la côte jusqu’à l’actuelle Lima. Au sud, l’Inca conquiert une partie de la Bolivie et du Nord-Ouest argentin, puis du Chili et fixe la frontière de l’Empire sur le río Maule.

Huayna Cápac, qui lui succède en 1493, termine la conquête de l’extrême Nord. Peu avant de mourir, il reçoit l’annonce de l’arrivée d’étrangers blancs et barbus au nord de l’Empire. Pizarro* et ses compagnons venaient, en effet, d’effectuer un des courts voyages qui précédèrent l’expédition de conquête.

Huayna Cápac meurt en 1527, cinq ans avant l’entrée des conquérants. Son fils aîné, Huáscar, lui succède au Cuzco, tandis que son second fils, Atahualpa, qui l’avait accompagné à Quito, lui succède à la tête des armées. De là surgit une guerre civile à laquelle seule l’arrivée de Pizarro mettra fin. Atahualpa est capturé à Cajamarca, le jour même où il vient d’apprendre sa victoire au Cuzco et la mort de son frère Huáscar. Le dernier Inca n’aura vraiment régné qu’un seul jour sur son immense empire.


L’empire des Quatre Directions

Au milieu du xve s., à l’apogée de sa puissance, l’Empire inca s’étend depuis le sud de la Colombie jusqu’au Chili central. Vers l’est, il est limité par la barrière de la forêt amazonienne, mais des contacts commerciaux ont lieu avec les tribus forestières. L’Empire — Tahuantinsuyu — a pour centre symbolique la capitale, Cuzco. Chinchasuyu, vers le nord, comprend la partie centrale et septentrionale de la côte et des Andes ; Collasuyu, vers le sud, correspond aux plateaux bolivien, argentin et chilien actuels ; Antisuyu, à l’est, s’étend jusqu’à la forêt amazonienne ; Contisuyu, vers l’ouest, recouvre toutes les régions depuis Cuzco jusqu’au Pacifique.