Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

imprimerie (suite)

Le développement de l’imprimerie en Occident

Dans les pays d’Occident, c’est à Johannes Gensfleisch, dit Gutenberg (entre 1394 et 1399-1468), que revient l’honneur de l’invention de l’impression avec des caractères mobiles en relief, c’est-à-dire de la typographie, nom qui a été synonyme d’imprimerie pendant trois siècles et demi. Le génie de sa trouvaille est la conception d’ensemble d’un processus de travail que l’on appellerait aujourd’hui un système : confection de moules, coulée de caractères en alliage de plomb, assemblage de ces caractères, fabrication d’une encre, impression sur papier. Vers 1450, Gutenberg s’associa, à Mayence, avec Johann Fust (v. 1400-1466) et Peter Schöffer (v. 1425-1502). L’invention se propagea en Europe, rapidement pour l’époque. En France, trois disciples de Gutenberg, Ulrich Gering (v. 1440-1510), Michael Friburger et Martin Crantz, appelés par Guillaume Fichet et Johann Heynlin, recteurs de l’Université de Paris, furent installés à la Sorbonne, où la première presse fonctionna au commencement de 1470. D’assez nombreux ateliers se montèrent dans la vallée du Rhin, à Strasbourg, à Mayence, à Cologne et ses environs, à Bamberg et à Augsbourg. L’Italie, à l’époque patrie des lettres et des arts, attira des imprimeurs allemands. Venise eut ses imprimeurs, entre autres le Français Nicolas Jenson (1420-1480 ou 1481) et le célèbre Tebaldo Manuzio, dit Aide Manuce (v. 1449-1515), et ses descendants. Johannes Froben (v. 1460-1527), le découvreur de Holbein*, était imprimeur à Bâle. William Caxton (1422-1491) introduisit le nouvel art en Angleterre, à Oxford en 1479, puis à Londres. Le Tourangeau Christophe Plantin (1520-1589) alla s’établir à Anvers, puis à Leyde. C’est aussi à Leyde, puis à Amsterdam qu’imprimèrent pendant plus d’un siècle Lodewijk Elzevir (v. 1540-1617), puis ses descendants. Parmi les célèbres familles d’imprimeurs français figurent les Estienne (Henri [v. 1470-1520], son fils Robert [1503-1559], son petit-fils Henri [1531-1598] et les Didot (François [1689-1757], son fils François Ambroise [1730-1804], ses petits-fils Pierre [1761-1853] et Firmin [1764-1836], puis les deux fils de ce dernier, Ambroise Firmin [1790-1876] et Hyacinthe Firmin [1794-1880]).

G. B.

➙ Composition / Impression / Livre / Reprographie.

 J. C. Oswald, A History of Printing, its Development through 500 Years (Londres, 1928). / R. Lechêne, l’Imprimerie de Gutenberg à l’électron (la Farandole, 1966). / A. Bargilliat, l’Imprimerie au xxe siècle (P. U. F., 1967). / P. Chauvet, les Ouvriers du livre et du journal (Éd. ouvrières, 1971). / M. Audin, Histoire de l’imprimerie. Radioscopie d’une ère, de Gutenberg à l’informatique (Picard, 1972).

improvisation

Exécution musicale spontanée, ni préparée ni notée.


La composition et l’improvisation représentent deux formes d’expression musicale fondamentales. Mais elles sont diamétralement opposées. La première est le plus souvent l’aboutissement d’une longue réflexion, d’éliminations successives dans de continuelles recherches, alors que la seconde, dans l’acceptation de ses richesses, mais aussi de ses faiblesses, est une communication immédiate avec soi-même ou avec un auditoire. Si la structure est moins charpentée, moins équilibrée ou moins harmonieuse, elle peut être compensée par une valeur émotionnelle certaine, qui manque parfois à quelque parfaite architecture. Jusqu’à l’apparition de la graphie musicale, qui allait permettre l’élaboration d’œuvres durables et, donc, réfléchies, l’improvisation constitue le seul mode de création en musique. Conjointement, une puissante tradition orale se développe. Bien qu’en distorsion permanente par sa nature même, elle nous a conservé un riche patrimoine de mélodies populaires et de danses folkloriques.


Un besoin impérieux

Pour le musicien d’hier ou d’aujourd’hui, qui éprouve — et c’est la condition fondamentale — la nécessité de s’exprimer, l’improvisation concrétise un besoin impérieux et irremplaçable. Elle est alors une éclatante manifestation de personnalité dans le cadre d’une structure fascinante qui s’invente et se renouvelle de façon permanente, et qui synthétise l’avant, le pendant et l’après dans le temps unique de la conception, de l’élaboration et de l’audition, ainsi que dans l’union, rarement ailleurs réalisée, du créateur, de l’exécutant et de l’auditeur. Manifestation innée et intuitive — ainsi que le prouve l’enfant qui, sans connaissances musicales, fait par exemple au piano des recherches mélodiques, harmoniques et rythmiques ou des recherches de timbres, d’intensités et de contrastes —, elle évolue de pair avec la prise de conscience d’une technique du langage musical, de phénomènes acoustiques et de certaines possibilités digitales qui s’accroissent.


Une genèse de nombreuses compositions

Mais, surtout, l’improvisation représente, partant d’un matériau sonore immédiatement disponible, une expression des sentiments, ces « mouvements de l’âme ». Elle est une force libératrice de l’inspiration, un exutoire qui, en tant que tel, est la genèse de quantités d’œuvres écrites par la suite. Ce sont, par exemple, les Fiori musicali de G. Frescobaldi, les « espèces de portraits » brossés par François Couperin, les toccatas ou les fantaisies de Bach, ses « étranges variations ou ses soudains caprices d’accompagnement » de chorals (A. Pirro) et, mieux, ce ricercare à trois voix qui ouvre l’Offrande musicale. Ce sont aussi les concertos pour orgue et orchestre de Händel, certaines cadences de concertos de Mozart, de Beethoven ou de Schumann, davantage peut-être les préludes et les nocturnes de Chopin, puis ceux de Fauré. Ce sont encore les immenses variations sur quelque air d’opéra à la mode, dont Liszt, après les avoir par amusement improvisées, s’est plu à conserver le souvenir. C’est enfin, pour conclure — car cette liste ne voudrait prétendre être exhaustive —, Marcel Dupré élaborant, au cours d’un récital, sa future Symphonie-Passion pour orgue.