Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

impressionnisme (suite)

(Saint-Thomas, Antilles, 1830 - Paris 1903). Il est l’aîné des peintres du groupe impressionniste et défendit inlassablement l’unité de celui-ci. Mis en pension à Paris de 1842 à 1847, il revient, à contrecœur, s’initier au négoce auprès de son père. Son talent de dessinateur est remarqué par le peintre danois Fritz Melbye (1826-1896). Revenu en France sur les conseils de celui-ci, Pissarro s’inscrit dans divers ateliers, dont celui d’Anton Melbye (1818-1875), frère de son ami, consulte Corot, expose au Salon de 1859, fait la connaissance à l’académie Suisse, de Monet (v. 1857), de Cézanne et de Guillaumin (1861), se joint à partir de 1866 au groupe du Guerbois et proclame : « Il faut brûler le Louvre. » Ses opinions anarchistes s’accompagnent d’une immense bonté, appréciée par ses camarades, même les plus susceptibles comme Cézanne et Degas, et d’une générosité intellectuelle qui le poussera à encourager et à aider de son mieux les jeunes artistes : Gauguin, Seurat, Van Gogh. Peintre de la vie rurale, des vergers, des potagers, Pissarro réside la plupart du temps aux environs de Paris : Montmorency en 1858, La Varenne-Saint-Hilaire en 1863, Pontoise en 1867, Louveciennes en 1868, Pontoise de nouveau, de 1872 à 1882, Éragny à partir de 1884.

Jusqu’à la guerre de 1870, ses paysages, où l’influence de Corot est contrebalancée par celle de Courbet, deviennent progressivement plus vibrants et plus clairs.

Réfugié à Londres en 1870-71, comme Claude Monet, Pissarro découvre avec celui-ci les Turner de la National Gallery, mais s’intéresse moins à leurs effets d’évanescence qu’au travail compliqué de leur pâte.

À son retour, il entraîne Cézanne, son voisin d’Auvers-sur-Oise, à peindre en plein air et à éclaircir sa palette ; réciproquement, à l’exemple de celui-ci, il adopte pendant quelque temps une manière très structurée avant de revenir à un style proche de celui de Monet. Cette période, où la technique impressionniste s’appuie sur un sentiment très sincère de la nature, abonde en belles œuvres : la Moisson à Montfoucault (1876, Louvre). Toujours soucieux de nouvelles recherches, Pissarro se passionne de 1885 à 1890 pour le divisionnisme et figure avec des paysages d’Éragny exécutés dans ce style à la dernière exposition impressionniste en 1886.

Le succès longtemps attendu vient à partir de 1892 ; Pissarro voyage (Belgique, Angleterre), passe les hivers à Paris, et sa dernière manière est caractérisée par des séries de vues urbaines : Grands Boulevards, place de la Comédie-Française, Pont-Neuf. De nombreuses gravures complètent le catalogue de cette œuvre et font apparaître un sens du mystère qui n’était guère sensible dans les peintures.


Jean-François Raffaëlli

(Paris 1850 - id. 1924). Élève de Gérome, disciple de Degas, très soutenu par les écrivains naturalistes (Goncourt, Zola, Huysmans), dont il exprime les idées en peinture, Raffaëlli est le peintre de la banlieue ouvrière et de la petite bourgeoisie. Ce misérabilisme un peu littéraire, accepté par le Salon, n’est pas approuvé par la plupart des impressionnistes. Raffaëlli expose cependant avec ceux-ci en 1880 et en 1881, mais sa présence sera l’une des causes de dissension entre Degas et ses amis.


Henri Rouart

(Paris 1833 - id. 1912). Cet industriel avait été le camarade de classe de Degas, avec lequel il renoua des relations pendant le siège de Paris. Il fut à la fois un grand collectionneur recherchant les œuvres de Corot, de Millet, de Manet, etc., et un peintre délicat exposant régulièrement avec le groupe impressionniste.


Alfred Sisley

(Paris 1839 - Moret-sur-Loing 1899). Cet artiste d’une sensibilité frémissante, dont l’art discret et raffiné refuse les excès, est le seul parmi les impressionnistes à ne pas avoir connu le succès de son vivant. Fils d’un négociant anglais résidant à Paris, que ruine la guerre de 70, Sisley a d’abord considéré la peinture comme un divertissement privilégié. Il accompagne en forêt de Fontainebleau (Chailly-en-Bière, 1863 ; Marlotte, 1865) ses camarades de l’atelier de Gleyre : Monet, Bazille et Renoir, avec lequel il cohabitera souvent. Il expose au Salon (1868, 1869, 1870) des paysages marqués par Rousseau (v. Barbizon [école de]) et Corot ; vers 1871-72, il se dégage de ces influences ; sa manière est alors très proche de celle de Monet : il peint avec les mêmes modulations colorées le pont d’Argenteuil, les rives de la Seine, les coteaux de Louveciennes. Un rayonnement paisible se dégage de ces paysages, où revivent dans des harmonies de gris et de lilas les lieux qu’il habite : Voisins, Marly, Sèvres.

Installé au bord du Loing, à Veneux-Nadon (1879), puis à Moret (1882), il exécute des séries : « Église de Moret », « Peupliers au bord du Loing ». Son style devient de plus en plus dépouillé, et, sur les grands ciels nuageux qu’il affectionne, les arbres dénudés ont l’air d’une écriture.

Malgré l’aide du chanteur Faure (qui l’emmène en Angleterre en 1874) et du pâtissier et peintre Eugène Murer (1845-1906), malgré les efforts de Durand-Ruel (exposition particulière en 1883) et le succès relatif de ses envois aux Salons de la Société nationale des beaux-arts (1894-1898), Sisley est dédaigné par le public. Il se débat jusqu’à sa mort dans d’inextricables difficultés financières ; un an plus tard, ses œuvres, dont personne ne voulait, s’arrachent à prix d’or, et Camondo achète l’Inondation à Port-Marly (Louvre) 43 000 francs.

➙ Néo-impressionnisme.

 T. Duret, les Peintres impressionnistes (Heymann et Perois, 1878). / G. Geffroy, Histoire de l’impressionnisme, t. III de la Vie artistique (Dentu, 1894). / P. Francastel, l’Impressionnisme. Les origines de la peinture de Manet à Gauguin (Les Belles Lettres, 1937). / L. Venturi, les Archives de l’impressionnisme (Durand-Ruel, 1939 ; 2 vol.). / L. R. Pissarro et L. Venturi, Camille Pissarro, son art, son œuvre (Rosenberg, 1940 ; 2 vol.). / J. Rewald, The History of Impressionnism (New York, 1946 ; nouv. éd., 1962 ; trad. fr. Histoire de l’impressionnisme, A. Michel, 1955 ; nouv. éd., Livre de poche, 1965, 2 vol.) ; Pissarro (New York, 1963 ; trad. fr., Nouvelles Éd. fr., 1964). / G. Bazin, l’Époque impressionniste (Tisné, 1947). / F. Daulte, Bazille (Cailler, 1952) ; Alfred Sisley, catalogue raisonné de l’œuvre peint (Bibliothèque des arts, Lausanne, 1959). / J. Cassou, les Impressionnistes et leur époque (Cercle d’art, 1953). / J. Leymarie, l’Impressionnisme (Skira, Genève, 1955 ; 2 vol.). / J. Lethève, Impressionnistes et symbolistes devant la presse (A. Colin, coll. « Kiosque », 1959). / M. Serullaz, les Peintres impressionnistes (Tisné, 1959) ; l’Impressionnisme (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1961 ; 4e éd., 1971). / M.-L. Bataille et G. Wildenstein, Berthe Morisot. Catalogue des peintures, pastels et aquarelles (Les Beaux-Arts, 1962). / M. Berhaut, Caillebotte l’impressionniste (Bibliothèque des arts, Lausanne, 1969). / M. et G. Blunden, Journal de l’impressionnisme (trad. de l’angl., Skira, Genève, 1970). / J. Leymarie et M. Melot, les Gravures des impressionnistes (Arts et métiers graphiques, 1971). / L’Impressionnisme (Réalités-Hachette, 1971).