Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

impressionnisme (suite)

Une grande diversité de tendances caractérise la dernière exposition (1886). La présence de Seurat* et de Signac, d’une part, celle de Redon* et Gauguin, d’autre part, marquent l’entrée en scène de mouvements qui réagissent au nom de la structure, le divisionnisme (v. néo-impressionnisme), et, au nom de la spiritualité, le symbolisme, contre l’évanescence impressionniste. Il faut, cependant, noter que le symbolisme littéraire a toujours soutenu l’impressionnisme : Mallarmé*, par son amitié agissante en faveur de l’art de Manet et de Morisot ; Huysmans*, qui se souvient de ses débuts naturalistes, dans des romans et des chroniques ; Laforgue*, non seulement dans le texte célèbre définissant l’« œil impressionniste », mais dans tous les poèmes où il applique cette vision : « C’était un très au vent d’octobre paysage. »

Le succès, puis la gloire viennent grâce à l’enthousiasme des premiers amateurs : Victor Chocquet (un employé des douanes), Eugène Murer (un pâtissier ami de Guillaumin), l’éditeur Georges Charpentier, le docteur de Bellio, qui achète Impression, soleil levant, le comte Armand Doria, acquéreur de la Maison du pendu (Louvre) en 1874...

La vente organisée par Monet, Renoir, Morisot et Sisley à Drouot en 1875 a été un échec, mais les efforts de Paul Durand-Ruel finissent par aboutir au succès : expositions particulières de Monet, de Pissarro, de Renoir et de Sisley en 1883 ; exposition collective : trois cents œuvres à New York en 1886. D’autres marchands, tel Georges Petit à partir de 1882, commencent à rechercher les toiles impressionnistes. Cependant, l’hostilité des milieux officiels se prolonge : 1890, refus de présenter au Louvre l’Olympia, offerte par une souscription des amis de Manet ; 1894, scandale du legs Caillebotte.

L’influence des trouvailles impressionnistes (mélange optique, valeurs claires, vibration de la lumière artificielle ou solaire, souci non plus de la densité, mais de la légèreté des choses) ne cesse de s’étendre. Elle sert de point de départ à des maîtres de génie comme Toulouse-Lautrec, Van Gogh et plus tard Bonnard, mais s’édulcore chez des artistes médiocres qui cherchent à imiter ses thèmes de prédilection : routes fuyant vers l’horizon, miroirs d’eau où tremble le reflet des nuages, exquise fugacité du gel, du givre et du brouillard.

Amplifiant magistralement les théories de leur jeunesse, car, disait Jaurès, « c’est en allant vers la mer qu’un fleuve est fidèle à ses sources », les personnalités majeures de l’impressionnisme poursuivent leur quête : Cézanne « pour faire de l’impressionnisme quelque chose de durable comme l’art des musées », Renoir dans un but de délectation panthéiste, Monet afin d’atteindre l’illusoire, car ce siècle, où le néo-classicisme a instauré la primauté de la ligne, le romantisme celle du sentiment, le réalisme celle de la nature, finit sur la primauté de l’éphémère.

S. M.


Les principaux participants aux expositions impressionnistes

(V. les articles : Boudin, Cézanne, Degas, Gauguin, Manet, Monet, Renoir, Seurat.)


Frédéric Bazille

(Montpellier 1841 - Beaune-la-Rolande 1870). Né dans une vieille famille protestante, Bazille a connu très jeune l’art de Delacroix et celui de Courbet grâce aux chefs-d’œuvre rassemblés par un ami de ses parents, Alfred Bruyas. Tout en commençant sa médecine, il étudie le dessin avec Joseph Baussan (1789-1871), un ancien élève de Loubon, puis gagne Paris (nov. 1862), s’inscrit dans l’atelier de Gleyre et, à partir de 1864, se consacre uniquement à la peinture. Ses œuvres les plus célèbres ont pour cadre la propriété familiale de Méric (la Robe rose, 1864, Louvre ; Réunion de famille, 1867, Louvre ; Vue de village, 1868, musée de Montpellier).

Bazille est un rouage essentiel dans la formation du groupe impressionniste ; grâce à lui, les artistes de l’atelier Suisse, Cézanne, rencontré chez son oncle Lejosne, et ses amis Pissarro et Guillaumin se lient à ceux de l’atelier de Gleyre. Ses camarades moins favorisés, Monet, Renoir, ont souvent partagé ses ateliers (rue de Furstenberg, rue Visconti) et eu recours à sa générosité, qui va jusqu’à payer 2 500 francs en 1867 Femmes au jardin (Louvre) de Monet. En 1865, il avait posé pour ce dernier deux silhouettes du Déjeuner sur l’herbe (Louvre). Leurs talents respectifs se sont mutuellement enrichis dans des recherches simultanées, mais Bazille, tué à la guerre de 1870, n’a pu donner toute sa mesure. Malgré son goût de peindre des « figures au soleil », son art diffère du véritable impressionnisme par une solidité réaliste (Scène d’été, 1869, Fogg Art Museum, Harvard University, Cambridge [Massachusetts]) et la présence, dans ses ébauches, d’une géométrie précézanniène.


Gustave Caillebotte

(Paris 1848 - Gennevilliers 1894). Ingénieur en construction navale et peintre, cet élève de Léon Bonnat et de l’École des beaux arts possédait une propriété à Gennevilliers, face à Argenteuil, où il fit la connaissance de Monet, puis de ses camarades. Se dévouant inlassablement pour louer des salles, organiser des expositions et des ventes, il fut le soutien le plus fidèle du groupe impressionniste, aux expositions duquel il participa de 1876 à 1882. Le style réaliste de ses débuts (les Raboteurs de parquet, 1875, Louvre) fut assez vite influencé par Monet et Degas, mais sans perdre ses vigoureux raccourcis, aussi bien dans des vues urbaines que dans des paysages d’Argenteuil. À sa mort, le don de son admirable collection d’œuvres impressionnistes à l’État par un testament datant de 1876 scandalisa les membres de l’Institut, et Renoir, exécuteur testamentaire, ne put faire admettre la totalité de la donation. Huit Monet sur seize, deux Renoir sur huit, onze Pissarro sur dix-huit, deux Cézanne sur quatre, trois Sisley sur neuf furent refusés. Parmi les chefs-d’œuvre difficilement acceptés se trouvaient le Moulin de la Galette de Renoir, le Golfe de Marseille vu de l’Estaque de Cézanne, l’Étoile de Degas, les Régates à Argenteuil de Monet (Louvre).


Adolphe Félix Cals