Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

impression (suite)

➙ Circuit imprimé / Clicherie / Emballage / Flexographie / Héliogravure / Lithographie / Matière colorante / Offset / Papier / Photogravure / Phototypie / Pigment / Presse / Rotative / Sérigraphie / Teinture et apprêt / Typographie / Xérographie.

 G. Martin, Blanchiment, teinture, impression (A. Colin, 1936). / G. Baudry et R. Marange, Comment on imprime (Dunod, 1956 ; 4e éd., 1971). / E. Kollecker et W. Matuschke (sous la dir. de), Der moderne Druck (Hambourg, 1956 ; 2e éd., 1958). / F. de Laborderie et J. Boisseau, Toute l’imprimerie (Dunod, 1957 ; nouv. éd., 1970). / A. Bargilliat, l’Imprimerie au xxe siècle (P. U. F., 1967) ; Métiers graphiques (Arts et métiers graphiques, 1969). / V. Strauss, The Printing Industry (New York, 1967).

impressionnisme

Mouvement artistique d’origine française, qui, dans la seconde moitié du xixe s., transforma radicalement le concept de peinture en le liant à ceux de durée et de subjectivité, et renouvela entièrement la vision par l’importance majeure donnée à l’action dissolvante de la lumière sur le relief.



Généralités

L’impressionnisme est à la fois le dernier avatar du réalisme, poussant la fidélité à celui-ci jusqu’à la représentation directement exécutée en plein air des phénomènes les plus fugitifs (neige, brouillard), et le point de départ d’un irréalisme qui, libérant les artistes de la sujétion à la forme, ouvre la voie à l’abstraction.

Pour être vraiment révolutionnaire, une théorie plastique doit s’appuyer sur une technique nouvelle : empruntant aux Vénitiens leurs vibrations lumineuses, à Vélasquez* sa facture en virgules, à Delacroix* sa théorie des reflets et le flochetage de sa touche, à Constable* et Turner* leur spontanéité et leur puissance suggestive, aux Japonais leur mise en page et leurs couleurs claires et, plus tard, au physicien Eugène Chevreul (1786-1889) sa découverte des « lois du contraste simultané des couleurs », l’impressionnisme invente une manière étonnamment novatrice, dont l’éclat coloré s’impose au premier coup d’œil.

Il est admirablement défini par ses créateurs eux-mêmes : « Traiter un sujet pour les tons et non pour le sujet lui-même, voilà ce qui distingue les impressionnistes des autres peintres », constate Renoir*, et Pissarro conseille : « Il faut travailler par petites touches et essayer de fixer ses perceptions immédiatement. L’œil ne doit pas se concentrer sur un point particulier, mais tout voir et en même temps observer les reflets de couleur sur ce qui les entoure [...]. »

L’influence de l’impressionnisme s’exercera non seulement sur les arts plastiques, mais aussi sur la musique (dissonances des mélodies de Debussy ou de Fauré) et sur la littérature, à propos de laquelle Mallarmé remarque : « Il faut peindre non la chose, mais l’effet qu’elle produit. » Historiquement défini par les expositions qui, de 1874 à 1886 (première et dernière manifestation collective), rassemblent les créateurs de cette nouvelle peinture (Monet*, Renoir, Cézanne*, etc.), l’impressionnisme dépasse cependant largement ces dates dans le temps, puisque, d’une part, il apparaît déjà dans des œuvres antérieures à 1870 et que, d’autre part, il évolue encore après 1886 dans les œuvres de Monet et de Cézanne, marque celles de Gauguin*, de Toulouse-Lautrec* et de Van Gogh*, se codifie dans le néo-impressionnisme*, s’académise chez une foule de peintres médiocres et trouve d’admirables résurgences dans l’art de Bonnard*, de Marquet* ou de Rik Wouters (1882-1916).

La définition « école des impressionnistes » est employée pour la première fois par Louis Leroy, critique du Charivari, dans son commentaire de l’exposition de 1874, où figure le tableau de Monet Impression, soleil levant (1873, musée Marmottan). La dérision que Leroy attachait au terme impressionniste incitera Monet et ses amis à le reprendre orgueilleusement pour baptiser leur exposition de 1877 et leur revue l’Impressionniste, journal d’art, publiée en 1877 à cette occasion par Georges Rivière. C’est sous cette appellation qu’ils connaîtront la gloire. Courbet*, dans le catalogue de son exposition particulière de 1855, remarquait : « Le titre de réaliste m’a été imposé comme on a imposé aux hommes de 1830 le titre de romantiques. » Vingt ans plus tard, c’est le titre d’impressionnistes qui couvre une nouvelle génération de peintres entérinant à la fois un style déjà en pleine maturité et une virtualité de l’art européen, sensible dans les effets de lumière des Hollandais du xviie s. et de Constable, dans la recherche d’instantanéité de Fragonard*, dans la fidélité au réel des peintres de Barbizon* et dans ce souci de Corot* de « ne jamais perdre la première impression qui nous a émus ».


Préludes à l’impressionnisme

Au Salon de 1847, Théophile Thoré (1807-1869) remarquait : « Si la peinture a pour but de communiquer aux autres l’impression ressentie par l’artiste devant la nature, le paysage de Corot remplit les conditions de l’art. » Ce sentiment implicite a donc déjà trouvé sa dénomination. À propos de Jongkind*, Jules Antoine Castagnary (1830-1888) note dans l’Artiste en 1863 : « Chez lui tout gît dans l’impression », et, en 1865, Daubigny (v. Barbizon [école de]) est qualifié de « chef d’école de l’impression ». Ces deux artistes font d’ailleurs partie des précurseurs directs de l’impressionnisme. En effet, à Fontainebleau, à Honfleur, dans la région lyonnaise, en Provence, en Italie, des groupes géographiquement distincts ont en commun une même admiration pour le réalisme et pour Corot, un même goût pour la peinture de plein air, un même intérêt pour les jeux changeants de la lumière et les charmes de l’esquisse. Antoine Chintreuil (1814-1873) et Daubigny, qui aménage un bateau-atelier pour suivre au fil de l’Oise les modifications de ses paysages favoris, notent délicatement les variations atmosphériques. Louis Carrand (1821-1899), Auguste Ravier (1814-1895), François Vernay (1821-1896) recherchent sur les rivières lyonnaises les jeux de la brume et de l’eau. Aux environs de Honfleur, la ferme Saint-Siméon est fréquentée par de nombreux artistes — romantiques comme Diaz ou Troyon (v. Barbizon [école de]), réalistes comme Courbet, indépendants comme Corot ou Daubigny —, mais elle doit surtout sa gloire à Boudin* et à Jongkind. Pour eux, la peinture en plein air est un parti exclusif, et les observations essentielles s’appliquent au passage insaisissable d’une valeur à l’autre, modulé par l’ombre et la lumière. Le texte célèbre consacré par Baudelaire* à Boudin en 1859 évoque déjà tout l’impressionnisme : « [...] ces étonnantes études si rapidement et si fidèlement croquées d’après ce qu’il y a de plus inconstant, de plus insaisissable dans sa forme et dans sa couleur, d’après des vagues et des nuages, portent toujours, écrits en marge, la date, l’heure et le vent. » Et c’est Boudin qui conseillera au jeune Monet de peindre d’après nature : « Faites du paysage, c’est si beau la mer et les ciels, les bêtes, les gens et les arbres tels que la nature les a faits, avec leur caractère, leur vraie manière d’être dans la lumière, dans l’air, tels qu’ils sont. »