Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

imaginaire, symbolique et réel (suite)

Le réel est hors structure, mais il se manifeste, cependant, de deux façons différentes : dans la structure, par l’objet a qui en tient lieu ; tout seul, en de rares instants où le symbolique s’y conjoint, passant outre à l’écran du Moi, qui la plupart du temps fait barrage. C’est alors que le réel submerge de ses éclats un sujet non prévenu. Mais voyons tout d’abord l’objet a, déjà situé comme objet partiel du désir ; qu’il soit objet, à dire vrai, le définit d’emblée comme partie d’un tout, dont il se serait détaché. L’objet a est d’abord un objet chu, un déchet : petit morceau de corps (bout de phallus manquant à la reconstitution d’Osiris dans la quête d’Isis) ; enfant tombé du corps de sa mère, à la naissance ; guenille traînée par l’enfant, remplaçant le sein maternel après le sevrage. L’objet a est du registre de ce qui sort du corps, la sortie, l’émanation étant équivalentes à une chute : le regard, l’excrément, la voix, toutes choses perdues dès qu’elles sont tombées du sujet. La perte est le rapport au réel ; retranché, déjà là, il ne saurait être perçu que sous le rapport de la perte qu’on en éprouve. Cette inaccessibilité de l’objet du désir produit le fantasme, scénario des origines, qui met en scène le sujet dans son rapport impossible avec un objet perdu. C’est pourquoi Lacan, reprenant les termes du schéma ℒ, donne au fantasme la formule : $ ⃟ a ; $ étant le sujet en proie au clivage conscient-inconscient ; a, l’objet perdu ; ⃟, le poinçon où se conjoignent imaginaire et symbolique, marque du sujet singulier, mais aussi jonction dans un même signe du signe < et du signe >, l’un étant l’inclusion et l’autre l’exclusion. Cette jonction insolite désigne l’écran qui sépare radicalement le sujet de ses objets ; c’est pourquoi Lacan dit que le réel est impossible.

La place de l’intervention psychanalytique dans la combinatoire de l’imaginaire et du symbolique, dont la cause est le réel, est malaisée à définir avec précision. L’analyste change-t-il, et que change-t-il ? À coup sûr, il n’a pas d’action sur le réel puisque tout ce qu’il entend est déjà en retard sur l’acte déterminant ; les changements auxquels il peut prétendre sont ceux-là mêmes de l’efficacité symbolique. Cependant, deux points restent à préciser. En toute rigueur, si l’on suit les indications lacaniennes, la cure psychanalytique a une fonction orthopédique : « Un non-agir positif en vue de l’orthodramatisation de la subjectivité du patient. » Il ne s’agit pas là d’une option comparable à celle de la psychanalyse dite « à l’américaine », dont le représentant le plus pur est Heinz Hartmann. Il ne s’agit pas de substituer au Moi défaillant du patient un Moi fort qui lui permettra de surmonter ses impasses ; cette technique passe par l’identification d’analyste à analysant, et se joue sur la seule scène de l’imaginaire. Telle que la conçoit Lacan, la psychanalyse semble au contraire tenter une réduction de l’imaginaire par expérimentation de toutes les figures qu’il entraîne ; ce qui n’est rien d’autre que le repérage de toutes les formes d’impossibilité pour un sujet donné. Plutôt que de masquer, l’intervention analytique alors dévoile les structures symboliques, leur profond rapport à la mort, à l’absence. C’est ce dont témoigne ce texte : « Il ne saurait s’agir de rien de tel [renforcement d’un moi autonome] dans les confins de l’analyse, mais de la seule restitution d’une chaîne symbolique dont les trois dimensions :
— histoire d’une vie vécue comme histoire ;
— de sujétion aux lois du langage, seules capables de surdétermination ;
— de jeu intersubjectif par où la vérité entre dans le réel,
indiquent les directions où l’auteur entend tracer les voies de la formation de l’analyste. »

La première des trois dimensions du symbolique est celle de l’histoire, la seconde indique que l’intervention symbolique n’a pas d’autre moyen que ceux des mots du langage, et la troisième ouvre la possibilité de la vérité : celle que Lacan, dans une prosopopée, hardie (« la Chose freudienne »), fait parler au nom de Freud et qui tient dans le rapport à l’inconscient. Rapport d’excentricité radicale : transformant la traduction traditionnelle du mot d’ordre de Freud « Wo es war, soll Ieh werden » (le Moi doit venir à la place du ça) en une tout autre phrase, Lacan précise la place du sujet dans la relation analytique : Là où c’était, là dois-je advenir. Ce qui, à la limite, disparaîtrait, ce serait la méconnaissance : si du moins la réduction de l’imaginaire était possible jusqu’au bout. Cette réduction, Lacan en dit qu’elle s’effectue dans le processus scientifique : la pensée scientifique n’est rien d’autre que la pensée symbolique dont l’imaginaire serait totalement réduit. C’est ce qui se passe, par exemple, dans l’étape qui conduit du symbolisme alchimique à la formalisation chimique ; c’est cette saisie des pures structures qui s’effectue dans les mathématiques. « Il n’y a jamais eu d’autre pensée que symbolique, et la pensée scientifique est celle qui réduit le symbolisme à y fonder le sujet. » C’est pour cette raison qu’en définitive, au terme du discours lacanien, le sujet de la psychanalyse rejoint le sujet de la science.

C. B.-C.

 M. Klein, Contributions to Psychoanalysis (Londres, 1945 ; trad. fr. Essais de psychanalyse, 1921-1945, Payot, 1967). / C. Lévi-Strauss, Anthropologie structurale (Plon, 1958). / J. Lacan, Écrits (Éd. du Seuil, 1966). / G. Rosolato, Essais sur le symbolique (Gallimard, 1968). / A. Green, Un œil en trop. Le complexe d’Œdipe dans la tragédie (Éd. de Minuit, 1969).

immunité

En médecine, ensemble des mécanismes de protection anti-infectieuse. Cette protection peut être acquise ou au contraire naturelle, non spécifique.



Immunité naturelle


Contre les Bactéries

Il existe à l’état normal dans le sérum et dans les liquides biologiques de l’organisme des substances bactéricides ou bactériostatiques telles que la properdine ou le lysozyme, découvert par Alexander Fleming en 1922 et présent en quantité importante dans les larmes. De telles substances existent également dans les globules blancs (phagocytine), dans les tissus (polypeptides basiques, protamines, histones), dans le sperme (spermine, spermidine). Elles sont naturellement présentes chez tous les sujets et vont ainsi contribuer à détruire la majorité des Bactéries qui pénètrent dans l’organisme. Cette destruction pouvant se faire à l’endroit même de la pénétration ou dans les ganglions lymphatiques.