Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
I

iconographie ou iconologie (suite)

La méthode iconologique ne saurait être appliquée avec la rigueur d’une discipline scientifique. On peut dire, cependant, que Panofsky a exprimé certaines « lois » de l’évolution de l’image : ainsi, dans l’art du Moyen Âge, il est parvenu à déceler si tel thème a été transmis par des textes ou par d’autres images. Il faisait, d’autre part, confiance à des découvertes techniques comme l’analyse radiologique — et il est arrivé que celle-ci confirme ses analyses théoriques antérieures.

On a opposé la lecture des images selon Panofsky à celle des psychologues, tentés de voir surtout dans une œuvre l’expression de fantasmes personnels : les deux interprétations ne paraissent pas s’exclure. Sans méconnaître le rôle des analyses historique, esthétique et technique, l’iconologie selon Panofsky étudie l’image dans toutes ses dimensions, ouvrant la voie aux recherches de la sémantique.

La « Mélancolie » de Dürer expliquée par Panofsky

Il faut d’abord replacer cette figure dans la caractérologie héritée de l’Antiquité et du Moyen Âge, qui répartissait les humains en quatre groupes de tempéraments : colérique, flegmatique, sanguin et mélancolique. Ce dernier fut comme les autres sculpté aux portails des grandes cathédrales gothiques, et représenté sur les calendriers populaires. Panofsky remarqua une confluence entre les images des tempéraments et celles des Arts libéraux, en particulier de la Géométrie, incarnée comme les autres par une femme. Dans un traité philosophique du xve s., ce personnage possède déjà les attributs de la Mélancolie de Dürer : livre, encrier, compas, emblèmes de la géométrie pure ; carré magique, cloche et sablier, qui mesurent l’espace et le temps ; d’autres instruments nécessaires à l’étude de la géométrie appliquée et de la perspective. Mais le désordre des objets, l’expression d’abattement du personnage de Dürer ? Il s’agit là d’une forme d’expression tout à fait neuve, celle d’un sentiment d’impuissance de l’artiste lorsqu’il a atteint les limites de la perfection technique et de la puissance de réflexion logique. La Mélancolie est l’inséparable compagne de cette exigence suprême qui est celle du génie.

De l’humble sagesse des nations aux spéculations les plus élevées des grands esprits de la Renaissance, un lien existe qui passe par l’image, et que l’iconologie se propose de rendre visible.

E. P.

➙ Art / Espace plastique / Esthétique / Sémiologie de l’art.

 A. Warburg, Gesammelte Schriften (Leipzig et Berlin, 1932-33 ; 2 vol.). / E. Mandowsky, Untersuchungen zur Ikonologie des Cesare Ripa (Hambourg, 1934). / E. Panofsky, Studies in Iconology (New York, 1939 ; trad. fr. Essais d’iconologie, introduction de B. Teyssèdre, Gallimard, 1967).

ictère

Coloration jaune de la peau et des muqueuses. (On dit aussi familièrement jaunisse.)


L’ictère est déterminé par une augmentation du taux de la bilirubine (pigment biliaire) dans le sang. La conséquence en est une teinte jaune diffuse des téguments et des muqueuses. L’intensité de cette jaunisse est variable. Si le taux de bilirubine est modérément élevé, l’ictère est léger, à peine visible, et il faut inspecter soigneusement la conjonctive pour le déceler : c’est un subictère. Quand le taux de bilirubine est très élevé, l’ictère est intense, avec parfois des reflets verdâtres : c’est l’ictère franc. Bien que le foie soit souvent en cause dans le mécanisme des ictères, cet organe est loin de supporter à lui seul la responsabilité de toutes les jaunisses. En réalité, l’ictère est lié au métabolisme de la bilirubine, c’est-à-dire au métabolisme de l’hémoglobine et de la bile.


Physiopathologie globale

L’hémoglobine, synthétisée dans les érythroblastes de la moelle osseuse (précurseurs des globules rouges), est formée d’une partie protidique, la globine, et d’une partie pigmentaire contenant du fer. Cette hémoglobine est ainsi incorporée aux globules rouges et a donc la même durée de vie qu’eux. Quand le globule rouge est détruit, le pigment est séparé de la globine et sa formule chimique se modifie : il devient la bilirubine, qui est une chaîne tétrapyrrolique ; le fer est récupéré par l’organisme. Cette bilirubine libre, normalement peu abondante dans le sérum (moins de 10 mg par litre), est captée par les cellules du foie, où une glycuro-conjugaison la transforme en bilirubine conjuguée, soluble dans les milieux aqueux et excrétée par la bile. Ce schéma métabolique explique les principaux mécanismes responsables d’ictères : d’un côté, l’excès de production de bilirubine ; à l’opposé, les obstacles à l’écoulement de la bile ; entre les deux, un grand nombre d’affections hépatiques, où plusieurs facteurs métaboliques sont souvent associés.


Les différentes causes d’ictère


Excès de bilirubine

L’excès de bilirubine par destruction accrue d’hémoglobine se voit dans plusieurs circonstances. La plus spectaculaire est l’hémolyse aiguë des accidents de transfusion par injection d’un sang de groupe incompatible : les globules rouges injectés sont immédiatement détruits, et la bilirubinémie augmente ; l’ictère apparaît alors. Pourtant, le foie peut être parfaitement sain. Dans ce cas, le pronostic n’est pas lié à la jaunisse, mais à l’état de choc et à l’insuffisance rénale qui en résulte.

D’autres hémolyses (destructions de globules rouges) s’accompagnent d’ictères : celles des maladies érythrocytaires congénitales (maladies de Minkowski-Chauffard, thalassémies, hémoglobinopathies). Il y a aussi une hémolyse au cours de l’hémoglobinurie nocturne paroxystique, dans les hémolyses toxiques (aniline, nitrates, nitrites, chlorates) ou infectieuses (notamment au cours de la septicémie à Clostridium perfringens ou au cours de la fièvre bilieuse hémoglobinurique) ; enfin des hémolyses par auto-anticorps (v. immunologie) peuvent s’observer au cours d’affections chroniques très diverses. Dans tous ces cas, l’ictère est lié à une élévation sanguine de la bilirubine libre, qui n’a pas eu le temps d’être conjuguée par le foie ou dont l’excès a dépassé les possibilités hépatiques de conjugaison.