Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

hystérie (suite)

Quels qu’ils soient, les symptômes de conversion somatique représentent pour le malade un bénéfice inconscient. Ils procurent un refuge dans la maladie à des sujets insatisfaits, incapables de résoudre leurs conflits ou leurs difficultés. Les troubles corporels ont pour résultat évident d’attirer la sollicitude de l’entourage. La conversion se déclenche à l’occasion d’un petit traumatisme affectif, d’un accident du travail, d’une brève maladie organique, d’un échec sentimental ou professionnel.

Devant ses troubles, l’hystérique n’a jamais une attitude normale. Ou bien il exagère ses souffrances par un comportement théâtral ou pitoyable, ou bien il se montre indifférent, voire souriant. La présence de spectateurs attendris ou complaisants, les prévenances d’un entourage affolé aggravent et surtout pérennisent les troubles.

En fait, la plupart des accidents de conversion, surtout s’ils sont aigus, peuvent disparaître par suggestion, isolement strict en milieu hospitalier, faradisation, ou chocs électriques, narco-analyse. Mais ils réapparaissent un peu plus tard sous la même forme ou sous une autre en raison de la personnalité pathologique qui les sous-tend. Parfois, ce sont des états dépressifs qui leur succèdent.

Dans l’ensemble, l’évolution est très variable. Parfois, l’hystérie se stabilise. Les accidents de conversion s’atténuent ou disparaissent dans les meilleurs cas. Néanmoins, la stabilisation reste rare dans la grande hystérie de conversion. L’évolution se révèle tenace en raison des bénéfices secondaires auxquels le malade ne peut pas renoncer, en raison aussi de l’ancienneté des symptômes ou de l’existence d’un fond névrotique important.


Diagnostic

Il faut distinguer l’hystérie de la simulation, dans laquelle il y a intention délibérée de tromper avec une conscience parfaite de la fausseté du trouble allégué.

Il est difficile de distinguer certaines crises hystériques de crises épileptiques (v. épilepsie) ou de crises tétaniques, d’autant plus que ces affections peuvent s’associer.

Chez la femme, le déséquilibre caractériel peut prendre un aspect hystéroïde qui peut égarer le diagnostic. Enfin, il faut se méfier des symptômes hystériques qui marquent le début de certaines schizophrénies*.

En fait, la grande difficulté pratique du diagnostic réside dans le dépistage des symptômes somatiques de l’hystérie. Les malades consultent d’innombrables médecins, sollicitent de multiples examens complémentaires avant d’être reconnus comme hystériques et adressés à un spécialiste.


Psychopathologie

Sur le plan biologique, biochimique ou neurophysiologique, on ne sait rien de l’hystérie. Comme dans toutes les névroses, il n’y a aucune lésion histologique du système nerveux. D’autre part, l’hystérie semble la moins héréditaire des névroses, du moins sous sa forme clinique d’hystérie caractérisée. La névrose obsessionnelle comporte beaucoup plus souvent une origine génétique. En fait, cela ne suffit pas à réfuter l’idée d’un terrain nerveux spécial et fragile, génétiquement transmis, qui serait le soubassement de la névrose hystérique.

D’intéressantes études sur le conditionnement et le déconditionnement sont en cours depuis des années sous l’impulsion d’auteurs anglais notamment. Elles visent à montrer que, dans les névroses en général, se développent des réactions conditionnées anormales expliquant les symptômes. Il en découle des applications thérapeutiques encore au stade expérimental. En réalité, il faut se tourner encore vers la psychanalyse dans l’espoir d’une certaine compréhension de la psychopathologie de l’hystérie.

L’hystérique témoigne toujours d’une intense activité fantasmatique ou imaginaire : rêves très nombreux et très riches, rêveries diverses dont les contenus ont toujours une signification sexuelle se dissimulant dans des images, des désirs, des peurs, des aspirations ou des sentiments apparemment anodins, banals ou idéalisés.

L’hystérique s’accorde souvent dans l’imaginaire ce qu’il ne peut réaliser dans le concret en raison de ses inhibitions, de ses angoisses et de ses symptômes.

Les manifestations de conversion somatique sont des compromis entre le désir et la réalité. L’hystérique transforme ses fantasmes inconscients en symptômes qui ont une valeur symbolique, que la psychanalyse permet d’interpréter. Les racines de la névrose sont à rechercher dans la petite enfance du malade.

Chez tous les hystériques, on retrouve un complexe d’Œdipe non résolu, donc une vie sexuelle perturbée. L’hystérique n’a pas dépassé le stade œdipien. Il n’est pas un adulte sur le plan affectif. Son identification au parent du même sexe s’est mal faite, ses relations avec le parent du sexe opposé sont toujours troublées. Il en découle un mélange de sentiments contradictoires, des conflits inconscients et une angoisse que le sujet combat par des mécanismes de défense divers. C’est cette angoisse qui s’exprime soit sous forme de traits de caractère pathologiques, soit sous forme de conversion somatique. Dès que l’hystérique rencontre une difficulté à vivre, il convertit son angoisse exacerbée en symptôme corporel : la « somatisation » soulage momentanément le patient, mais l’introduit dans l’univers de la maladie-refuge. Tous ces mécanismes sont inconscients et ne transparaissent guère que dans les rêves ou les associations d’idées au cours d’entretiens psychothérapiques nombreux.


Le traitement

• Devant les grandes manifestations de conversion, l’isolement complet en service spécialisé est indispensable (clinique ou hôpital). Au début, les contacts avec la famille sont interdits afin de supprimer une grande partie des bénéfices secondaires inconscients que tire le malade de son état. L’attitude médicale doit être sobre, compréhensive mais ferme, sans compassion excessive. On peut utiliser l’hypnose, la suggestion, la rééducation kinésithérapique, la physiothérapie électrique (faradisation), la narco-analyse. Toutes ces méthodes, associées à l’isolement, donnent dans la plupart des cas des résultats immédiats spectaculaires. En fait, les récidives ou les rechutes sous une autre forme sont la règle. En effet, la personnalité reste la même, avec ses failles, sa fragilité, son impuissance à vivre dans un monde adulte. Si bien que la psychothérapie est théoriquement indispensable, associée à une chimiothérapie à long terme.