Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Hyménoptères (suite)

L’approvisionnement du nid

Les Abeilles, les Bourdons et autres Hyménoptères butineurs récoltent sur les fleurs le nectar et le pollen ; liquide sucré produit par les corolles, le nectar est aspiré par la langue et progressivement transformé en miel, nourriture de base des « Mellifères » ; le pollen est ramassé sur les étamines par les pattes et transporté dans une dépression, la « corbeille » des pattes postérieures. Miel et pollen représentent les aliments habituels de toute la société, adultes et larves ; dans les sociétés pluriannuelles d’Apis mellifica, ils servent de réserves pour l’hiver.

Les Fourmis et les Guêpes sociales sont beaucoup plus éclectiques et rapportent au nid des aliments d’origine variée. Attirés par la viande aussi bien que par les jus sucrés, capables d’attraper d’autres Insectes, les Guêpes et Frelons de nos pays nourrissent au fur et à mesure leurs larves d’une pâtée qu’ils ont mâchée et ne font pas de réserves. Certaines Fourmis accumulent des réserves d’origine essentiellement végétale, comme les Fourmis moissonneuses et les Fourmis à miel.

Chez les Hyménoptères dont les larves se nourrissent de proies engourdies, une grande partie de l’activité est consacrée à la chasse des proies et à leur acheminement vers le nid. Elle représente l’un des aspects les plus curieux de comportement instinctif des Insectes, que J. H. Fabre a si bien su décrire chez plusieurs espèces. L’approvisionnement du nid peut être progressif : les Bembex chassent des Mouches et les apportent les unes après les autres à leurs larves, en ayant soin de proportionner la taille des proies à l’âge du jeune et en se montrant capables de ravitailler des larves d’âge différent ; une espèce, Bembex oculata, n’apporte la première Mouche qu’après l’éclosion de la larve. Le plus souvent, l’approvisionnement est effectué en une seule fois, après ou, plus rarement, avant la construction du nid. Le Sphex languedocien (Sphex occitanus) apporte une seule Ephippigère pour chaque œuf, les Pompiles une seule Araignée. Le Sceliphron accumule plusieurs Araignées pour une seule larve ; le Philanthe « apivore » proportionne le nombre d’Abeilles domestiques capturées au sexe de l’œuf qu’elle pond : trois pour un futur mâle, cinq pour une femelle.

La plupart des proies sont des larves de Lépidoptères, de Diptères, de Coléoptères, qui offrent peu de résistance à la capture. Elles sont rapidement paralysées par l’aiguillon venimeux ; les Béthylidés piquent plusieurs fois leurs victimes, sans grande précision ; les Ammophiles instillent leur poison le long de la face ventrale, atteignant chaque ganglion nerveux. La paralysie obtenue est souvent d’une perfection remarquable : la proie reste immobile, bien qu’encore vivante, offrant une nourriture fraîche à la larve de l’Hyménoptère.

Certaines espèces n’hésitent pas à s’attaquer à des proies bien armées et réussissent à les maîtriser : le Philanthe capture des Abeilles ; Pepsis heros, le Pompile géant d’Amérique du Sud, affronte de redoutables Araignées. Planiceps, un autre Pompilidé vivant dans le sud de la France, sait ouvrir l’opercule qui ferme l’entrée du terrier des Mygales maçonnes, puis va se poster à l’entrée secondaire du terrier, par laquelle l’Araignée risque de s’enfuir.

Inertes, souvent plus lourdes que l’Hyménoptère, les proies, paralysées sur le lieu de capture, sont ensuite transportées en vol ou traînées jusqu’au nid, parfois sur des distances étonnantes.


Du rassemblement à la vie sociale

Les Hyménoptères offrent un éventail très varié des divers types de groupements entre individus de même espèce, et jusqu’aux manifestations les plus élaborées de la vie en société. Si les Fourmis sont toutes sociales, on trouve chez les Guêpes et les Abeilles des espèces anatomiquement proches, les unes solitaires, les autres sociales ; parfois un seul genre, par exemple Halictus, contient des espèces solitaires et des espèces sociales.

Le type le plus élémentaire de groupement est donné par les rassemblements analogues à ceux des Ammophiles de même sexe, souvent des femelles, en montagne, ou à ceux des Halictes mâles, le soir (rassemblements de sommeil).

À un niveau plus élevé d’organisation appartiennent les groupements coordonnés : les cocons de certains Scleroderma sont réunis en une seule masse, ce qui favorise les accouplements entre frères et sœurs au moment de l’éclosion. Les larves de certains Tenthrèdes (Neurotoma) vivent ensemble dans des toiles. D’autres représentants de la même famille (Crœsus, Perga) ont la curieuse propriété de se tenir en groupe sur la même feuille et d’exécuter simultanément les mêmes mouvements.

Dans les articles de la Grande Encyclopédie consacrés à l’Abeille, aux Fourmis et aux Guêpes, les caractéristiques de la vie sociale ont été envisagées avec détail. Notons ici ses traits les plus fondamentaux : division du travail par l’existence de castes, attraction mutuelle impérative exercée par des mécanismes olfactifs ou par échanges nutritifs (trophallaxie), transmission de facteurs chimiques spécifiques (« sociohormones »), existence d’un langage utilisant des intermédiaires chimiques (Fourmis) ou des attitudes (« danses » des Abeilles).


Ancienneté et affinités des Hyménoptères

Les plus anciens Hyménoptères datent du Jurassique inférieur (Lias) et appartiennent aux Symphytes, qui représentent actuellement le groupe le plus primitif. Les Hyménoptères supérieurs commencent à abonder au Tertiaire, au moment où se répandent les plantes à fleurs.

Ils constituent un ordre très florissant, l’un des constituants majeurs de la faune actuelle ; on en rapproche le petit ordre des Strepsiptères, dont on connaît 200 espèces, de petite taille et toutes parasites, au moins à l’état larvaire ; les mieux connus (Stylops), vivant sur des Apidés, provoquent sur l’hôte des déformations profondes et une inversion des caractères sexuels (stylopisation).

M. D.

➙ Abeille / Cynipidés / Fourmi / Guêpe.