Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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hydrologie et hydrographie (suite)

Le cycle de l’eau

L’eau doit son importance géographique à la facilité avec laquelle elle passe d’un état à l’autre sous l’effet de faibles variations du milieu ambiant (fig. 1). L’écoulement à la surface de la Terre subit trois ensembles de phénomènes, soumis à des lois spécifiques : des phénomènes d’échanges (évaporation et condensation, congélation et fusion, sublimation) ; des phénomènes de transfert (de la mer vers le continent et inversement) ; des phénomènes de stockage (en arrière d’un obstacle, dans le sol et le sous-sol, et sous forme de glace).

L’un des buts de l’hydrologie est la reconstitution du grand mouvement naturel de l’eau sur la planète, ou cycle hydrologique (fig. 2). Il se perd en surface, par évaporation et sublimation, environ 470 000 km3, dont 400 000 par les océans et 70 000 par les continents. Cette eau, prise en charge par l’atmosphère, s’y condense et précipite en pluie ou en neige : sur les continents tombent environ 100 000 km3, qui alimentent les glaciers, l’écoulement souterrain et superficiel. Après prélèvement évaporatoire et évapotranspiratoire, l’eau restante atteint la mer, où elle vient compenser, avec celle qui est directement retombée en pluie, la perte subie par l’ensemble des océans.

À propos de ce cycle, on remarquera que : le total évaporé (470 000 km3) doit exactement s’équilibrer avec la quantité restituée à la Terre ; 30 p. 100 seulement de l’eau reçue par les continents parviennent à s’écouler et à atteindre la mer ; la plus grande partie de l’eau puisée dans les océans y est directement restituée sans passer par le ruissellement continental.

Étant donné qu’un gramme d’eau (à 20 °C) consomme pour s’évaporer 585 calories (ou les restitue en se condensant), on comprend la quantité considérable d’énergie thermique mise en jeu par le cycle de l’eau. L’hydrosphère se comporte comme un gigantesque alambic, mais qui ne fonctionne que pour une part infime de l’eau terrestre, c’est-à-dire 470 000 km3 sur 1 322 millions.


Le problème de l’eau

Participant aux mondes de l’inerte et du vivant, l’hydrologie assure la liaison entre tous les aspects de la géographie physique : son intérêt théorique est donc considérable. Très tôt, l’homme a dû se préoccuper de résoudre des problèmes que l’eau lui posait par sa rareté (sécheresse), ses excès (inondations marines et fluviales, débâcles glaciaires) et ses méfaits (sursalure, pollution). Site d’habitat, support des transports de masse, l’eau est devenue source d’énergie, matière première agricole (irrigation), industrielle, alimentaire et sanitaire. L’hydrologie a également une grande portée pratique et joue un rôle déterminant dans l’aménagement de la Terre. Le progrès des collectivités humaines s’exprime par une augmentation de l’utilisation de l’eau. Celle-ci implique un perfectionnement sans cesse accru de la connaissance et de la maîtrise de l’eau. Le problème posé revêt un double aspect.


L’aspect quantitatif

Il se présente sous trois formes.

• L’inventaire. Les chiffres donnés à propos du cycle de l’eau ne sont que des approximations, de très nombreuses données de base faisant encore défaut. Les volumes des océans et des glaces sont encore très mal évalués. En raison de l’insuffisance des réseaux météorologiques et hydrométriques, le ruissellement continental est encore une richesse méconnue. On commence seulement à soupçonner l’importance des réserves souterraines : le chiffre de 200 000 km3 mentionné sur la figure 2 est probablement loin de la réalité. Dresser l’inventaire de la richesse en eau est une tâche énorme et coûteuse, mais essentielle.

• Le régime. Toutes les formes d’écoulement, courant marin, glacier, estuaire, fleuve ou source karstique, ont un débit qui varie dans le temps. Leurs régimes, soumis à des fluctuations périodiques ou non, sont placés sous l’influence de facteurs géographiques dont il convient de préciser l’importance respective et l’extension spatiale.

• Le bilan. Pour une période plus ou moins longue selon les besoins, l’hydrologie peut enfin tenter d’établir un budget en comptabilisant les quantités d’eau reçues et perdues. Un tel bilan peut être : hydrogéologique (descente ou remontée des nappes souterraines), hydrique (v. sol), glaciaire (avancée ou retrait du front du glacier), lacustre (extension ou assèchement) ou océanique (mers à bilan positif comme la Baltique, mers à bilan négatif comme la mer Rouge). La connaissance de ces bilans éclaire la dynamique des écoulements et guide leur utilisation par l’homme. On évitera de puiser dans une nappe d’eau déficitaire, on s’efforcera de ralentir ou de stopper le dessèchement d’un lac, on recherchera des réserves plus profondes non soumises à l’évaporation.

L’eau peut être considérée comme une substance rare. C’est pourquoi l’O. N. U. a patronné une vaste enquête destinée à connaître l’abondance, le régime et le bilan de toutes les formes hydrologiques susceptibles d’être utilisées par l’homme : c’est la décennie hydrologique internationale achevée en 1974 ; les résultats ainsi accumulés permettent de concevoir l’hydrologie dans son ensemble et à l’échelle de la planète.


L’aspect qualitatif

Il doit être abordé au double point de vue : de la température (répartition et variation saisonnière ou cyclique au sein d’un glacier, d’un fleuve, d’un courant marin, etc.) ; de la charge en certaines substances, qu’elles soient inertes (problèmes de la prise en charge des sédiments en solution ou en suspension, de l’érosion) ou vitales (problème de la « fertilité » des eaux).

On peut donc envisager l’établissement d’un bilan thermique et d’un bilan des substances.

• Le bilan thermique. Il est obtenu en faisant la comparaison entre les quantités de chaleur reçue et perdue par un écoulement donné, une nappe d’eau à la base d’un massif dunaire, un ruissellement sous forêt tropicale, un fleuve, un champ de neige ou un glacier. Il s’agit là d’une étude fort importante, mais qui est rendue délicate par la multiplicité des facteurs naturels à prendre en considération. Il ne faut pas oublier en outre que le bilan thermique peut être gravement altéré par l’intervention humaine ; c’est le cas de la dissipation de la chaleur résiduelle déversée par les centrales thermiques fonctionnant au bord des fleuves : le surplus de chaleur, qui ne peut être dissipé dans les alluvions du lit ou à la surface (évaporation, radiation, mouvements convectifs), tend à augmenter la température du fleuve et à modifier, voire à compromettre plus ou moins gravement son climat vital.