Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Huns

Ancienne population nomade de haute Asie.



Le problème des origines

Le groupe ethnique des Huns a été pendant longtemps apparenté, sinon même identifié, à celui des Xiongnu (Hiong-nou), qui apparaissent dans les Annales chinoises dès le iiie s. av. J.-C.

Remarquablement synthétisés dans un article publié par Louis Hambis dans la Revue historique en 1958, les résultats des recherches faites dans le domaine de la linguistique et de l’archéologie semblent prouver qu’il n’en est rien. Huns et Xiongnu, qui appartiennent sans doute à une même unité de civilisation, ont, en effet, « des chances d’être différents », selon Louis Hambis. Alors que les premiers sont des populations brachycéphales de type mongoloïde et de langue altaïque vivant originellement dans les forêts du nord de l’Eurasie, ainsi que le prouvent les chevaux « masqués en rennes » de Pazyryk et de Minoussinsk, les seconds semblent être issus des populations dolichocéphales de type paléo-européen primitivement localisées dans les steppes situées au sud de la forêt sibérienne, mais peu à peu pénétrées d’éléments mongoloïdes qui s’y sont fondus.

En fait, la confusion entre les deux groupes ethniques vient du fait que, lorsque leur empire, constitué à la fin du iiie s. av. J.-C., s’effondre au cours du ier s. apr. J.-C., certains Xiongnu se réfugient dans les steppes du Balkhach, propulsant vers l’ouest les Huns descendus de l’Altaï. Et tandis que s’achève l’absorption des Xiongnu par les Xianbei (Sien-pei), les Huns, se présentant sous leur nom ou confondus avec eux, arrivent aux portes de l’Europe, refoulant devant eux les peuples iraniens de la steppe : Scythes, Sarmates, Roxolans, Iazyges, qui, du ier au ive s. apr. J.-C., bordent le limes danubien en aval d’Aquincum (l’actuelle Buda).


Les invasions hunniques en Europe

Mentionnés une première fois au iie s. sous le nom de Xoûnoi par Ptolémée, qui, dans sa Géographie, les situe dans les steppes entre le Manytch et le Kouban, décrits avec soin par Ammien Marcellin au ive s. et par Jordanès au vie s., les Huns ne font réellement leur entrée dans l’histoire qu’à la fin du ive s., lorsque leurs tribus submergent les forces gothiques d’Ukraine, dont le roi Ermanaric se suicide en 374 ou 375.

La poussée hunnique vers l’ouest propulse contre les frontières de l’Empire romain les Wisigoths, qui franchissent le Danube en 376, et aboutit à la constitution d’une vaste construction territoriale qui englobe à la fois la masse des Ostrogoths et de nombreux petits peuples surpris par l’invasion, tels les Alains du Terek et du Kouban. Dilatée des confins extrêmes de la mer Noire jusqu’aux contreforts des Alpes orientales, mais ayant fixé son centre de gravité dans les plaines roumaines et pannoniennes, cette construction tente, à l’extrême fin du ive s., de s’ériger en État sous la conduite des rois Uldin et Mundzuk avec l’accord sans doute tacite de l’Empire romain.

Les Romains admirent leurs capacités militaires et leur ardeur guerrière, n’hésitent pas à leur confier leurs propres enfants en qualité d’otages et recourent même, comme Aetius, à leur aide directe contre les Wisigoths en 427, contre les Francs en 428 et contre les Burgondes en 430. Ils n’entrent réellement en conflit avec eux que lorsque leurs intérêts se révèlent directement contradictoires. Débutant en Orient, où Arcadius refuse vers 408 l’accès de la Mésie et de la Thrace à leur roi Uldin, le conflit n’éclate pourtant qu’un quart de siècle plus tard en Occident, lorsque les rois Mundzuk, Roua et Oktar, père et oncles d’Attila, entreprennent vers 425-434 d’achever la construction de l’État hunnique selon les normes sassanides, qu’elles soient rituelles (proscynèse, libations, etc.), symboliques (diadème) ou institutionnelles (royauté héréditaire, noblesse aulique, etc.).

En renforçant par ailleurs leur armée, formée pour l’essentiel de hardis cavaliers nomades dotés de l’arc réflexe à flèches triangulaires, de l’épée à un ou deux tranchants, du lasso, de la selle de bois et du fouet, les trois souverains achèvent de mettre au point l’instrument grâce auquel Attila* prétend étendre son hégémonie sur l’Occident romain, d’abord conjointement avec son frère Bléda de 434 à 445, puis seul de 445 à 453.

En fait, plus préoccupé de butin que de conquête, Attila ne réussit pas à asseoir territorialement la puissance hunnique, qui se disloque au lendemain de sa disparition. Les querelles de succession, qui opposent les uns aux autres ses trois fils, Ellac, Ernac et Dengizik, ébranlent, en effet, cette puissance hunnique au moment où les Germains satellisés se révoltent contre elle, tuant le premier d’entre eux dès 454 sur les bords du fleuve Nedaq, en Pannonie. Dès lors abandonnés par ceux qui leur ont donné la force numérique, les Huns se dispersent. Avant la fin du ve s., ils disparaissent d’ailleurs définitivement de l’histoire européenne, mais non de la mémoire des hommes, qui attribuent à tort leur nom à d’autres peuples de la steppe, tels les Avars, les Magyars, etc., tandis que Bulgares et Sicules revendiquent leur héritage.


Les invasions hunniques en Asie méridionale

Qualifiés assez malencontreusement de Huns Blancs, les Huns Hephthalites, issus sans doute du clan royal Hephtha, survivent par contre longtemps à leurs congénères établis en Europe. Horde turco-mongole descendue également de l’Altaï et vassale des Ruanruan (Jouan-jouan), les Huns Hephthalites ne s’insèrent dans le mouvement migratoire des peuples de la steppe qu’à l’extrême fin du ive s. Ils exercent en effet, à partir de 390, leur poussée vers le sud et achèvent vers 440 l’occupation de la Sogdiane et de la Bactriane avant d’entreprendre celle du Khurāsān sous la conduite de leur chef Akhchounwāz, vainqueur du roi sassanide Pérôz (Firūz) en 484. Mais, renonçant à occuper son empire encore trop puissant, les Hephthalites déplacent leur axe d’expansion vers le sud-est.