Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Houang-ho (le) (suite)

Vers la maîtrise du Huanghe

Ainsi le Huanghe, le « fléau des fils de Han », quand il ne fait pas des millions de victimes, traverse-t-il en étranger cette Chine du Nord qui n’a, jusque-là, guère pu l’utiliser pour la navigation, pour l’irrigation (à l’exception de la vallée remblayée entre Lanzhou et Baotou, où se sont développés les seuls foyers agricoles des marges arides de ce domaine : réseaux d’irrigation de la plaine de Ningxia [Ning-hia] et du Hetao [Ho-t’ao], créés il y a plus de 2 000 ans) ou pour la fixation des villes (contrairement au Yangzijiang). Aussi la maîtrise du fleuve fut-elle une des premières grandes préoccupations de la Chine populaire. Dès 1950, on a entrepris la réparation et le renforcement des digues du cours inférieur (1 800 km au total, 130 millions de mètres cubes de terrassements), l’aménagement de bassins d’amortissement des crues de part et d’autre du lac Dongping (Tong-p’ing) au Shandong et à Chang-yuan (Tch’ang-yuan) au Henan, et la construction du « canal de la Victoire du peuple » entre Zhengzhou et Xinxiang (Sin-hiang), qui dérive une partie des eaux de crue vers la Wei à 50 km au nord de la Grande Plaine et qui a permis le développement d’un vaste secteur irrigué consacré au coton. En 1955, la première Assemblée populaire nationale adoptait un « plan d’aménagement complet du fleuve Jaune ». Ce plan prévoit notamment la construction de quarante-six barrages sur le cours moyen, le boisement de plusieurs millions d’hectares dans les pays du lœss et des dizaines de milliers de micro-ouvrages pour la conservation des sols et de l’eau.

Tous ces travaux devront permettre, outre la maîtrise définitive du fleuve, son ouverture à la navigation jusqu’à Lanzhou pour des bateaux de 500 t, la production de 110 TWh (dix fois la production totale de la Chine en 1954). On prévoyait soixante-dix ans pour l’achèvement de cette entreprise, dont la première partie devait être réalisée en 1967. Un certain retard semble avoir été pris (le retrait brutal de l’aide soviétique n’y est pas étranger), mais les deux ouvrages les plus importants sont, semble-t-il, achevés. Il s’agit du barrage de Liujia (Lieou-kia), en amont de Lanzhou (retenue de 5 milliards de mètres cubes, puissance installée de 1 000 MW), et du barrage des gorges de Sanmen (San-men), sur le dernier coude du fleuve avant son débouché dans la Grande Plaine (retenue utile de 36 milliards de mètres cubes, puissance installée prévue de 12 000 MW). Le problème le plus sérieux reste posé par la turbidité du fleuve Jaune, qui menace de combler rapidement les bassins de retenue, et toute cette entreprise (une des plus gigantesques du monde par la nature des obstacles à surmonter, par la place qu’elle tient dans l’économie d’une partie vitale du pays et par la masse humaine concernée, environ 200 millions d’hommes) dépend essentiellement de la maîtrise de l’érosion dans les pays du lœss.

P. T.

Houang Kong-wang

En pinyin Huang Gongwang, peintre chinois (1269-1354).


Vers le milieu du xive s., la peinture chinoise connaît un tournant décisif. L’élite intellectuelle, retirée dans le Sud par refus de l’occupation mongole, élabore une esthétique en rupture totale avec celle des Song* du Sud. Les « quatre grands maîtres » de la fin des Yuan*, Huang Gongwang et Wu Zhen (Wou Tchen*), puis Ni Zan (Ni Tsan*) et Wang Meng (Wang Mong*), créent, chacun à leur manière, des paysages d’un style nouveau, dont s’inspireront constamment les lettrés des époques Ming* et Qing (Ts’ing*).

Huang est l’aîné du groupe et celui dont l’influence fut peut-être la plus durable. Son œuvre, toute de simplicité et de réserve, déconcerte au premier abord, mais cet accès difficile lui confère la plus haute valeur aux yeux des Chinois.

Type même du lettré Yuan, Huang partage son existence entre des séjours dans les centres culturels du Jiangnan (Kiang-nan), la région au sud du fleuve Bleu, dont il est originaire, et des randonnées dans les montagnes avoisinantes. Vers quarante-cinq ans, il renonce à son poste de fonctionnaire pour mener la vie indépendante et vagabonde d’un solitaire taoïste. Il peut alors s’adonner librement à la poésie, à la philosophie néo-taoïste et à la peinture, qui, de simple passe-temps, devient son occupation majeure. Ses fréquentes retraites dans les monts Lu (Lou) et Fuchun (Fou-tch’ouen), au sud-ouest de Hangzhou (Hang-tcheou), lui donnent l’occasion d’une communion profonde avec la nature, base de sa formation spirituelle et artistique.

Vers quatre-vingts ans, il retourne pour près de trois années dans les monts Fuchun. La solitude montagnarde lui inspire une œuvre exceptionnelle, dont l’original est la seule peinture attribuée avec certitude à Huang Gongwang, alors que les copies plus ou moins déformées de son style sont innombrables.

Ce long rouleau, Séjour dans les monts Fuchun (musée du Palais, Formose), fut conçu d’un seul jet d’après des croquis sur le motif, puis retravaillé longuement au gré de l’inspiration. L’ensemble garde néanmoins une unité sans faille. Le paysage, d’une émouvante banalité, représente une suite de collines et de vallées habitées, au bord de l’eau. Rejetant la majesté imposante des perspectives traditionnelles et les mises en pages spectaculaires de la peinture des Song du Sud, l’artiste ne garde que la vision du quotidien. Plus de compositions asymétriques ou tronquées, plus de brumes évanescentes, plus d’intermédiaire humain, et c’est de plain-pied que le spectateur entre dans une nature profondément vraie, où rien ne fait écran à son évasion spirituelle.

Cet art d’une apparente naïveté est soutenu par une technique parfaite, qui retrouve sa spontanéité dans un traitement volontairement sommaire et maladroit. Le peintre procède par additions successives. Il reprend les nappes d’encre pâle par des touches plus riches au pinceau presque sec. La composition, les formes, la texture des détails se modifient sans cesse. Finalement, des ponctuations à l’encre onctueuse, souvenir de Dong Yuan (Tong Yuan), premier grand paysagiste méridional du xe s., soulignent le rythme des escarpements et suggèrent, par leurs contrastes avec les zones laissées en blanc, les vibrations de la lumière.

F. D.

 S. E. Lee, Chinese Art under the Mongols. The Yuan Dynasty, 1279-1368 (Cleveland, 1968).