Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Houang-ho (le)

En pinyin Huanghe, fleuve de Chine.


Long de 4 845 km, le Huanghe (Houang-ho), ou fleuve Jaune, est le grand fleuve de la Chine du Nord, où il draine un bassin de 745 000 km2, et le second fleuve de la Chine après le Yangzijiang (Yang-tseu-kiang*).


Un tracé étonnant

Le Huanghe prend sa source à 4 500 m d’altitude, dans la dépression de Yueguzonglie (Yue-kou-tsong-lie), qui s’ouvre dans la chaîne des Bayan Khara (Bayankela), au Qinghai (Ts’ing-hai). Il coule d’abord parallèlement au cours supérieur du Yangzijiang, traversant, vers le sud-est, les dépressions lacustres de Xinguhai (Hin-kou-hai), Oring Nor et de Tsaring Nor, puis change brutalement de direction à la limite de la province du Sichuan (Sseu-tch’ouan) pour traverser le massif d’Amne Machin, ou Animaqing (A-ni-ma-k’ing), et se diriger vers le bassin du lac Qinghai (lac Koukou Nor), qu’il évite par un nouveau coude qui le conduit vers la dépression de Lanzhou (Lan-tcheou, qui marque la limite du cours supérieur du fleuve. Il coule jusque-là dans une vallée profondément encaissée (jusqu’à 400 et 500 m), étroite, coupée de seuils et de gorges au nombre d’une vingtaine sur quelque 600 km.

À Lanzhou, le fleuve Jaune est à quelque 1 500 km de la mer, qu’il n’atteindra, toutefois, qu’après avoir parcouru plus de 3 500 km. Il effectue une longue course vers le nord jusqu’au plateau Mongol, où il oblique brutalement pour prendre une direction ouest-est en contournant le désert de l’Ordos ; puis il suit une direction nord-sud qui le conduit vers la rainure tectonique qui s’ouvre au nord des Qinling (Ts’in-ling) ; puis c’est de nouveau une direction ouest-est qu’il prend pour se diriger enfin vers la mer à travers la Grande Plaine de la Chine du Nord.

Sur ce cours moyen, entre Lanzhou et les Qinling, le Huanghe est constitué véritablement de deux fleuves différents : de Lanzhou à Baotou (Pao-t’eou) [sections sud-nord et ouest-est], il divague dans une large vallée remblayée, tandis que la section nord-sud, après le coude de l’Ordos, s’encaisse profondément dans les plateaux de lœss ; de Tuoketuo (T’o-k’o-t’o) à Longmen (Long-men), la vallée s’abaisse de 650 m sur quelque 700 km ; elle s’enfonce ainsi dans de véritables canons qui sont coupés de rapides et de gorges (dont les plus spectaculaires sont celles des Portes du Dragon [Longmen]).

À Mengxian (Mong-hien), à la frontière du Shānxi (Chan-si) et du Henan (Ho-nan), commence le cours inférieur, qui traverse sur quelque 800 km la Grande Plaine de Chine du Nord, qui est une construction du fleuve Jaune, à l’emplacement d’une aire d’effondrement du socle de Chine du Nord, et qui constitue la plus grande surface de remblaiement du monde (700 sur 900 km).


Le régime

Fleuve géant par sa longueur et par la dimension de son bassin, le Huanghe ne roule, cependant, que 47 milliards de mètres cubes annuellement, soit vingt fois moins que le Yangzijiang et encore deux fois moins que le Rhin. Une telle disproportion s’explique d’abord par le fait que la plus grande partie du bassin, située sur les marges arides de la Chine du Nord et abritée derrière l’écran climatique des Qinling, ne reçoit guère plus de 400 mm de précipitations annuelles en moyenne, mais aussi par l’étonnant tracé du fleuve, qui perd une partie de ses eaux dans sa course vers le domaine désertique de l’Ordos (le débit moyen sur le cours inférieur est de près de 20 p. 100 plus faible que celui qui est enregistré à Lanzhou, au débouché du cours supérieur). Ainsi, pour l’ensemble du cours, le débit moyen n’est-il que de 1 500 m3/s. Mais si le total annuel des précipitations est relativement faible, leur répartition est très inégale, 50 à 75 p. 100 de ce total se déversant au cours de l’été sous la forme d’averses violentes. La crue du fleuve est alors énorme (20 000 m3/s [un maximum de 36 000 m3/s a été enregistré en août 1843]) et soudaine, les hautes eaux provenant essentiellement du bassin moyen et notamment du réseau du principal affluent, le Weihe (Wei-ho), où elles ne trouvent pas de zone d’inondation, et c’est alors une progression extrêmement rapide vers la Grande Plaine du Nord. Mais, là, le Huanghe n’est plus capable d’évacuer la crue jusqu’à la mer en raison d’une charge solide exceptionnelle : 3,4 kg de boues par mètre cube d’eau en moyenne et jusqu’à 500 kg en crue. C’est au total une charge solide de 1,3 milliard de tonnes qui est roulée chaque année par le fleuve Jaune, dont le tiers se dépose entre Mengxian et Lekou (Lo-k’eou), sur le cours inférieur, tandis que le delta progresse de quelque 100 m par an.

Cette turbidité sans égale est due à un autre caractère exceptionnel du tracé du fleuve Jaune : le tiers de son bassin environ (bassin moyen) est taillé dans la plus énorme accumulation de lœss du monde, matériau extrêmement friable et que l’érosion emporte en masses considérables (jusqu’à 10 000 t par kilomètre carré).


Un fleuve meurtrier

L’ampleur et la rapidité de la progression des crues, l’énormité de la charge solide ont entraîné de nombreuses défluviations, souvent gigantesques, dans la Plaine du Nord. Ce sont au moins quinze tracés différents depuis trois millénaires, divergeant à partir de la région de Kaifeng (K’ai-fong), au Henan, pour atteindre la mer soit au nord, soit au sud de la péninsule du Shandong (Chan-tong) [comme si la Seine déplaçait périodiquement son embouchure entre Le Havre et Bordeaux]. En voici quelques exemples : depuis 1324, le fleuve Jaune coulait au sud du Shandong, quand, en 1851, une brèche ouverte dans les digues à 50 km en aval de Kaifeng entraîne le fleuve selon son tracé actuel. En 1887, une nouvelle rupture de digues plus en amont provoque l’inondation de quelque 15 000 km2 (environ 1 million de victimes), et le fleuve se dirige de nouveau vers le sud, où il gagne la Huai (Houai), une partie de ses eaux gagnant même le Yangzijiang par le Grand Canal. On parvient à le rétablir dans son tracé septentrional en 1889. En 1938, pour tenter de faire obstacle à la progression des troupes d’invasion japonaises, l’armée nationaliste chinoise fait sauter les digues près de Zhengzhou (Tcheng-tcheou), auj. Henan (50 000 km2 inondés, 900 000 victimes civiles et une dizaine de millions de sinistrés), et le fleuve gagne de nouveau la Huai. Il est enfin rétabli dans son cours actuel depuis 1947.