Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Amsterdam

Capitale et plus grande ville des Pays-Bas (province de Hollande-Septentrionale) ; 771 000 hab. (un million pour l’agglomération).



L’histoire

Édifiée sur une digue (« dam ») qui s’élève sur les bords de l’IJselmeer, au confluent de l’IJ et de l’Amstel, Amsterdam (« digue sur l’Amstel ») n’est à l’origine qu’un petit village de pêcheurs, dont la qualité de ville n’apparaît que dans une charte de 1275.

Possession des évêques d’Utrecht donnée en fief aux seigneurs de l’Amstel, l’agglomération doit à l’un d’eux, Gisbert III, la digue qui la rend insubmersible. Mais, en 1296, le rôle joué par Gisbert IV dans l’assassinat du comte de Hollande, Floris V, entraîne la commise du fief par Jean Ier. Dès lors, la cité devient un instrument de la politique des comtes de Hollande, visant à s’assujettir la noblesse et à capturer à leur profit une partie des courants commerciaux de l’Europe du Nord-Ouest.

Dotée à cet effet, dès l’an 1300, d’une charte, Amsterdam élargit son champ d’action à la Gascogne, à l’Angleterre et surtout aux pays de la Baltique, dont elle importe de la cire, du lin et des céréales, qu’elle redistribue dans les Pays-Bas et les pays rhénans. Aussi adhère-t-elle à la Confédération de Cologne, qui, sous l’impulsion de la Hanse, combat le Danemark et la Norvège. Mais dès le début du xve s., cette petite cité (à peine 5 000 habitants) entre en conflit avec les Hanséates, auxquels elle arrache en 1441 et en 1474, par les traités de Copenhague et d’Utrecht, le droit d’écouler librement dans les pays de la Baltique les produits de sa pêche (harengs) et ceux de ses industries (brasserie et surtout draperie). Née après 1350 de l’importation des laines anglaises, cette dernière activité prend son essor au xve s., grâce à l’immigration de nombreux tisserands flamands ; en outre, elle stimule l’industrie des constructions navales, dans la mesure même où la Hanse interdit à ses membres d’acheter des draps hollandais ailleurs qu’à Bruges, alors qu’il leur est loisible, concurremment avec les Hollandais, d’importer à Amsterdam du bois et des céréales en échange du sel, des harengs, des fruits et du vin qui sont redistribués dans le monde baltique : ainsi est-il mis fin au monopole commercial de la Hanse dans les mers du Nord, alors que la prospérité d’Amsterdam est assurée. Effaçant les traces de l’incendie de 1452, édifiant une nouvelle enceinte dès 1482, accueillant les réfugiés protestants d’Anvers et du Brabant, dont la présence stimule leurs industries, les marchands d’Amsterdam entretiennent néanmoins de profitables rapports avec l’Espagne et le Portugal, qui, par Lisbonne surtout, leur fournissent les épices et les soieries qu’ils redistribuent dans l’Europe du Nord. Aussi attendent-ils que Guillaume le Taciturne occupe leur ville en 1578 pour se rallier officiellement à la Réforme, qui a pourtant pénétré la bourgeoisie locale dès 1530. La rupture qui en résulte avec l’Espagne, le fait que cette dernière s’empare de Lisbonne en 1580 et ruine définitivement Anvers en 1585 décident brusquement de la vocation impériale des marchands d’Amsterdam, désormais contraints d’aller chercher eux-mêmes épices et soieries dans les Indes orientales. Leurs navires arrivent au Malabār en 1597, puis gagnent Malacca et les Moluques ; en même temps, ils s’implantent dans les possessions ibériques de l’Atlantique (São Tomé, Petites Antilles, etc.), d’où leurs corsaires partent à la chasse des galions espagnols chargés des richesses de l’Amérique. Pour exploiter et organiser ce trafic intercontinental, Amsterdam se dote des instruments qui font d’elle la première puissance économique du temps : création de chantiers navals de plus de 1 000 ouvriers, qui construisent une flotte grâce à laquelle les Néerlandais deviennent les rouliers des mers ; fondation des grandes compagnies de commerce colonial à monopole, qui font la fortune des Provinces-Unies au xviie et au xviiie s., Compagnie des Indes orientales en 1602, Compagnie du Nord et Compagnie du Levant en 1614, Compagnie des Indes occidentales en 1621 ; mise en place, en 1609, de la Banque d’Amsterdam, destinée à remédier à l’anarchie monétaire engendrée par les guerres de Religion ; édification entre 1608 et 1611 de la Bourse, où sont négociés aussi bien les valeurs que les produits alimentaires (vins, harengs, liqueurs, miel, épices, café, thé), miniers (métaux et pierres précieuses) ou industriels (goudron, poix, cuirs, draps, etc.), seuls les grains, les bois et les toiles étant commercialisés en dehors de ce bâtiment.

Assurés de toujours trouver à Amsterdam un acheteur immédiatement solvable, les marchands affluent de toutes parts, contribuant à renforcer le cosmopolitisme de cette ville tolérante, dont 25 à 50 p. 100 de la population est encore catholique en 1650, malgré l’arrivée de nombreux réfugiés : immigrants protestants du sud des Pays-Bas et de la Rhénanie ; juifs espagnols et portugais ; plus tard huguenots français, marchands hanséates, etc. Aussi sa population croît-elle rapidement, malgré les crises épidémiques de 1617, 1623-1625, 1635-1636, 1655 et 1663-1664 : 30 000 habitants en 1580, 104 000 en 1640, 185 000 en 1685.

Laboratoire des techniques financière et commerciale (assurances) du monde capitaliste et libéral, auquel elle offre, avec la Compagnie des Indes orientales, la première véritable société par actions, champ d’expérimentation des premières spéculations à terme dès 1609-1610, premier marché mondial du xviie s. pour les grains, les épices et les métaux précieux, enfin lieu privilégié d’implantation des industries coloniales (sucreries, travail du cuir, préparation des colorants, du tabac, taille des diamants) et des industries du bois (papeteries, constructions navales) ou de la brique, Amsterdam devient la première place d’affaires de l’Europe, et donc des Provinces-Unies, auxquelles elle fournit plus de 25 p. 100 de leurs ressources.