Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hongrie (suite)

En juin, des Serbes, encouragés par Vienne, amorcent un soulèvement, que les promesses insuffisantes du gouvernement ne suffisent pas à arrêter. Le Parlement, réuni en juillet, se voit obligé de préparer la défense du pays. Batthyány veut éviter l’affrontement armé, mais Vienne, encouragée par le reflux des mouvements révolutionnaires européens, incite Jelačić à attaquer. Celui-ci passe la frontière hongroise le 11 septembre. Batthyány démissionne, et le Parlement crée un Comité national de défense, dont la direction est confiée à Kossuth. L’armée hongroise régulière et les volontaires recrutés par Kossuth battent, le 29 septembre 1848, les troupes de Jelačić et les poursuivent jusqu’à la frontière autrichienne, que les officiers hongrois, soucieux de la légalité, ne veulent pas franchir. Ils ne le font pas non plus lorsqu’ils y sont invités, le 6 octobre, par les insurgés de Vienne. Cette erreur permet à la Cour de regrouper ses forces, de battre les révolutionnaires autrichiens et d’attaquer en décembre en Hongrie. En janvier 1849, Windischgraetz occupe Pest et oblige le Parlement et le gouvernement à se réfugier à Debrecen.

Au cours de l’organisation de la défense se sont manifestés les problèmes dus à la libération incomplète des paysans et à l’incompréhension de la majorité du Parlement — composée de propriétaires terriens — à l’égard des appels pressants des radicaux et des députés paysans. Les concessions faites aux nationalités n’accordent toujours pas l’autonomie territoriale réclamée.

En février 1849, la défaite des patriotes paraît imminente. François-Joseph* (de 1848 à 1916) promulgue, le 4 mars, une nouvelle constitution impériale, qui centralise, outre l’Armée, les Finances, les Affaires étrangères, les Communications, le Commerce et l’Éducation. Le printemps de 1849 voit cependant la situation militaire changer complètement : l’armée hongroise, conduite par Artúr Görgey, repousse les troupes impériales aux confins du pays ; en Transylvanie, le général polonais Józef Bem défait l’armée autrichienne, secondée par les Roumains transylvains. Le 14 avril, le Parlement de Debrecen vote la déchéance des Habsbourg et proclame Kossuth président-gouverneur.

François-Joseph demande alors l’aide du tsar Nicolas Ier. L’attaque des troupes russes est fatale. Malgré la loi sur les nationalités du 28 juillet, élaborée à la suite des discussions avec Nicolaie Bălcescu, le dirigeant du mouvement national roumain, les Hongrois doivent déposer les armes devant les Russes le 13 août à Világos.

La répression est dure. Batthyány et treize généraux sont exécutés, des milliers d’hommes sont incarcérés, des dizaines de milliers d’autres sont enrôlés de force dans l’armée impériale. Kossuth et plusieurs centaines d’hommes politiques émigrent. Le pays est découpé, mais ni en Croatie, ni en Transylvanie, ni dans la voïvodie de Serbie les nationalités ne reçoivent l’autonomie promise. L’allemand devient la langue officielle, et toutes les provinces sont gouvernées de Vienne et dirigées par le ministre de l’Intérieur Alexander von Bach.

Certes, les réformes antiféodales ne sont pas annulées, mais les impôts écrasants, le manque de crédit empêchent, malgré une conjoncture agraire favorable, le développement de l’économie. Devant l’absence de vie politique, le pays se replie dans la résistance passive.

La défaite militaire subie par les Habsbourg en Italie (1859), puis le krach financier de l’Empire obligent Vienne à composer. Le « Diplôme d’octobre » (1860), inspiré, en partie, par l’aristocratie conservatrice, réorganise l’Empire dans un esprit fédéral, et la Hongrie retourne au système administratif d’avant 1848. Mais la patente de février 1861 marque un retour à la centralisation, ce qui entraîne de la part du Parlement hongrois le refus des propositions de la Cour et la poursuite de la résistance passive. Ce même Parlement commet l’erreur de ne s’occuper ni des problèmes paysans ni de ceux des nationalités. Sa dissolution inaugure de nouvelles années de règne absolutiste.

Lorsqu’en 1865 le roi convoque un nouveau Parlement, il est, ainsi que la noblesse, épuisée et étouffée par le manque de crédit, disposé à un Compromis. La défaite autrichienne de 1866 accélère les discussions, et, en février 1867, François-Joseph nomme un nouveau gouvernement hongrois sous la présidence de Gyula Andrássy (1823-1890).

Le Compromis de 1867 crée une double monarchie austro-hongroise, avec deux parlements et deux gouvernements. Les affaires communes — Armée, Affaires étrangères et les questions financières relatives à celles-ci — sont gérées par deux délégations de soixante députés. L’union douanière est renouvelable tous les dix ans.

Mais l’accord laisse face à face les Hongrois et les nationalités. Un Compromis, réalisé en 1868 avec les Croates, maintient la diète croate, mais ne leur attribue au niveau de l’exécutif que les Affaires intérieures et judiciaires ainsi que les Cultes et l’Éducation ; les Croates ne disposent dans le gouvernement hongrois que d’un portefeuille. Une loi sur les nationalités de la même année confirme, certes, leur égalité devant la loi et accorde l’emploi des langues nationales au niveau inférieur et moyen de l’administration et de l’instruction publique, mais refuse la reconnaissance de leurs entités nationales spécifiques et ne prend pas les dispositions nécessaires à son exécution.

La consolidation politique due au Compromis austro-hongrois favorise l’évolution rapide de l’économie hongroise. Celle-ci attire les capitaux étrangers, qui déterminent un système bancaire étendu, financent en grande partie l’extension du réseau ferroviaire (2 300 km en 1867, 22 500 km en 1913) et l’installation de l’industrie lourde (41 p. 100 de la production industrielle en 1913). L’agriculture, dont l’évolution s’accélère, sert de base à une industrie alimentaire développée. Les terres cultivées passent de 10 463 000 ha à 12 967 000 ha ; la production du blé s’accroît de moins de 13 Mq de moyenne des années 1870 à 41 Mq de moyenne des années 1910. L’industrie alimentaire représente 39 p. 100 et l’industrie légère 20 p. 100 de la production industrielle. Mais la part de l’industrie dans le revenu national reste faible : 25,2 p. 100, en 1913, contre 62,4 p. 100 pour l’agriculture. La population agraire compose les 64 p. 100 de la population totale (18 264 000 hab.), l’industrie et le commerce faisant vivre 23,3 p. 100 des habitants. Ces chiffres montrent que l’État agraire de 1867 s’est transformé en un pays agraro-industriel moyennement développé.