Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Hongrie (suite)

À l’abri de la longue ligne de défense des villes et des châteaux fortifiés, de l’Adriatique à la Tisza, construite et entretenue en partie avec l’aide de l’Empire, se restaure le système féodal, fondé sur le travail des serfs liés à la terre. La conjoncture internationale aidant, la Hongrie « royale » développe ses exportations de bétail et de vin. Par contre, la bourgeoisie s’affaiblit et perd tout pouvoir politique ; celui-ci est monopolisé par la noblesse.

La Transylvanie suit une évolution parallèle, mais différente. Constituée en principauté élective, dominée par quelques grandes familles, elle accorde une place importante aux villes et maintient la classe des paysans libres, pouvant et devant constituer des unités militaires. Grâce à des princes de grande valeur, Étienne Báthory (de 1571 à 1576), Étienne Bocskai (de 1604 à 1606) et Gabriel Bethlen (de 1613 à 1629), elle intervient dans l’évolution de la Hongrie royale et dans la politique internationale.

Lors de la guerre de Quinze Ans (1591-1606), dirigée en principe contre les Turcs, mais aboutissant à une terreur militaire de l’armée impériale et à l’apparition de la Contre-Réforme, Bocskai organise un soulèvement national. La paix de Vienne (1606) garantit l’indépendance de la Transylvanie ainsi que le respect de la constitution de la Hongrie royale et accorde la tolérance religieuse que la Transylvanie a instituée en 1552.


L’époque classique : la fin de l’indépendance

Lorsque, sous le règne de Mathias II (de 1608 à 1618) et de Ferdinand II (de 1618 à 1637), la Contre-Réforme et l’emprise impériale reprennent de la vigueur, Bethlen intervient dans la guerre de Trente Ans au côté des puissances protestantes. Son successeur, Georges Ier Rákóczi (de 1630 à 1648), continue cette politique, et la paix de Linz (1645) confirme les libertés constitutionnelles et religieuses du pays. L’équilibre, difficilement maintenu, se rompt lorsque Georges II Rákóczi (de 1648 à 1660), trop ambitieux, intervient en Pologne et provoque le mécontentement du Sultan. L’armée turque envahit la Transylvanie et supprime l’indépendance de la principauté.

La Hongrie royale ayant perdu son appui indispensable face aux Habsbourg, des conflits éclatent entre la Couronne et la noblesse. Les ambitions nationales sont exprimées par Miklós Zrínyi (1620-1664), poète et homme de guerre, dont les victoires sur les Turcs ont été trahies par la paix de Vasvár (1664). Après sa mort, Péter Zrínyi (ou Petar Zrinski) [1621-1671] et Ferenc Wesselényi (1606-1667) ébauchent une conspiration aristocratique sans bases réelles, mais qui, découverte (1671), sert de prétexte à Léopold Ier (de 1657 à 1705) pour supprimer la Constitution et la liberté religieuse et pour dissoudre l’armée hongroise, qui est remplacée par des mercenaires étrangers.

Les nobles persécutés, les militaires licenciés et les paysans fuyant leurs charges écrasantes s’organisent en Transylvanie en une armée à la tête de laquelle se place Imre Thököly (1657-1705), aristocrate, qui obtient le soutien politique des Turcs et l’appui financier de Louis XIV. Le soulèvement se développe de 1678 à 1681 en Transylvanie et dans le nord-est du pays. Le roi doit restaurer le Parlement, l’autonomie nobiliaire, une liberté restreinte des religions protestantes et promulguer une amnistie des rebelles, qui, toutefois, continuent partiellement la résistance.

Le conflit renaît après la guerre de Libération contre les Turcs, animée par la Sainte Ligue, reformée à l’occasion de l’offensive turque contre Vienne en 1683. Sous la direction de Charles V (ou IV) Léopold, duc de Lorraine, Buda est libéré en 1686, la Transylvanie en 1687, et la paix de Karlowitz (1699) abolit presque complètement les possessions turques.

L’empereur considère les territoires libérés comme des conquêtes indépendantes de la couronne hongroise. Il suspend le Parlement, qui ne peut qu’accepter la succession automatique des Habsbourg sur le trône.

De nouveaux impôts indirects sont institués, et les terres reconquises sont attribuées en majorité à des seigneurs étrangers. Un soulèvement dans les environs de Tokaj (1697) marque le mécontentement des paysans et des nobles. Tous voient comme l’unique chef possible le plus grand propriétaire du pays, François II Rákóczi (1676-1735), réfugié en Pologne. Une délégation paysanne va le retrouver, et le prince appelle tous les habitants du pays à la défense des libertés nationales. Il promet aux paysans participant à la guerre leur libération du servage. L’afflux des masses, l’aide de Louis XIV (argent, ingénieurs, officiers) aboutissent à des victoires rapides. En 1704, une grande partie du pays est libérée. Rákóczi est proclamé prince souverain. Après la libération de la Transylvanie, le Parlement réuni à Ónod proclame la déchéance des Habsbourg et l’indépendance de la Hongrie (1707).

Mais la libération promise des serfs tarde en raison de l’opposition nobiliaire, et parce que la guerre a épuisé le pays. L’alliance avec Pierre le Grand et les contacts avec la Prusse surviennent également trop tard. Le chef de l’aristocratie, Sándor Károlyi (1668-1743), conclut, en 1711, en l’absence de Rákóczi, la paix de Szatmár, qui constitue un compromis entre le souverain et les ordres nobiliaires et assure l’amnistie et l’autonomie. Cette paix met fin à la longue lutte d’indépendance nobiliaire contre l’absolutisme. Rákóczi et un grand nombre de ses fidèles choisissent l’émigration, d’abord en France, puis, après 1717, en Turquie. Rákóczi y meurt en 1735.


Les Habsbourg maîtres du pays

Au cours du xviiie s., la noblesse se contente de défendre ses privilèges, que le nouveau souverain, Charles III, roi de Hongrie de 1711 à 1740 (empereur Charles VI), leur confirme d’autant plus volontiers qu’il a besoin de faire admettre sa succession pour sa fille Marie-Thérèse. Il obtient, en outre, le droit de lever une armée de la paysannerie (1715), puis l’indivisibilité de la Hongrie et des provinces héréditaires des Habsbourg. Toute initiative de gouvernement et de réorganisation revient à la chancellerie de Vienne, qui y procède selon ses propres conceptions et ses propres besoins.