Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Honduras (suite)

L’histoire

Cette région méridionale de l’Amérique centrale n’a pas connu de mise en valeur intensive pendant les trois siècles de l’Empire espagnol. Cortès*, au terme d’une héroïque entreprise, n’y avait trouvé que des vestiges archéologiques de la grandeur passée des Mayas*, et, en l’absence de richesses minérales, agricoles ou humaines, les Espagnols s’étaient contentés d’un élevage extensif.

Le Honduras, surtout peuplé de métis et de mulâtres, suit en 1821 le destin de l’Amérique centrale, devenue indépendante de Madrid, puis de Mexico après la chute de l’empereur Agustín de Iturbide en 1824. Uni au Guatemala, au Salvador, au Nicaragua et à Costa Rica dans les éphémères Provinces-Unies de l’Amérique centrale, il devient indépendant lorsque la sécession guatémaltèque met lin à la confédération en 1838.

Dès avant l’indépendance de 1821, le Honduras avait été menacé au nord et au sud par les entreprises britanniques sur Belize (le Honduras britannique) et sur la côte de Mosquitie, où l’Angleterre s’appuyait sur les Indiens Mosquitos (Miskitos), auxquels elle donna une fiction de monarchie. Après avoir tout fait pour ruiner la confédération, l’Angleterre consolidait sa mainmise sur le royaume de Mosquitie, qui tenait la côte depuis le cap Honduras jusqu’au río San Juan (soit la côte orientale du Honduras actuel et toute celle du Nicaragua).

De 1844 à 1848, le véritable maître du royaume de Mosquitie fut le consul général anglais. L’emprise britannique s’expliquait par l’inquiétude éprouvée face à la concurrence grandissante de l’expansionnisme nord-américain.

En 1846, les États-Unis occupent la Californie et entrent en guerre avec le Mexique. La découverte de l’or californien rend de l’actualité à la circulation à travers l’isthme et aux projets de canal interocéanique. De ce moment, la rivalité anglo-américaine en Amérique centrale entre dans une phase aiguë. Finalement, en 1856, les deux puissances parviennent péniblement à un accord : l’Angleterre conserve Belize ; les îles de la baie du Honduras reviennent à ce pays, et la partie méridionale du royaume de Mosquitie devient une réserve indienne, incorporée au Nicaragua, le roi restant chef héréditaire.

Le Honduras proprement dit connaît au xixe s. une histoire politique troublée, comme le reste de l’Amérique centrale, par l’opposition entre libéraux et conservateurs, tandis que se dessine la solution militaire. L’évolution économique est beaucoup plus lente que dans le Guatemala et le Costa Rica du café.

La fin du xixe s. et les premières décennies du xxe s. voient défiler les gouvernements oligarchiques et les dictatures militaires : l’instabilité est la règle. Une seule nouveauté, mais elle est d’importance : la révolution économique que représente l’implantation de la United Fruit Company, qui, en même temps qu’elle fait du Honduras le type de la « Banana Republic », bouleverse les structures de la stabilité.

Dès 1932, les plantations de bananiers couvrent le tiers de la superficie cultivée, et l’on peut dire du Honduras que c’est « le pays du bétail et des bananes : le bétail appartient à Carías, les bananes à la United ». La United Fruit et le dictateur Tiburcio Carías Andino (né en 1876) ont en effet partie liée depuis des années. En 1924, lors des élections présidentielles, il y a derrière chaque clan une compagnie bananière, la Cuyamel derrière les « rouges » de Miguel Paz Baraona († 1937), la United derrière Tiburcio Carías Andino et ses « bleus ». Finalement, le propriétaire de la Cuyamel Fruit Company vendra sa société à la Un ted, et Carías parvient au pouvoir. De 1933 à 1949, il gouverne avec une main de fer comme les autres tyrans des Caraïbes. Lorsqu’il devient par trop impopulaire, la United l’abandonne à son sort et le remplace par Juan Manuel Gálvez (1887-1955), un avocat qui a travaillé à son service. Gálvez (de 1949 à 1954) sait faire preuve d’indépendance, et ce n’est pas un hasard si, avant la fin de sa présidence, la United Fruit doit faire face à la grève, unique dans les annales centre-américaines, des ouvriers de ses plantations. Gálvez n’est cependant pas capable d’empêcher les préparatifs, sur son territoire, de l’expédition dirigée en 1954 par les exilés guatémaltèques, la United et les services spéciaux américains contre le régime réformiste de Jacobo Arbenz au Guatemala. Ce que les hommes politiques n’avaient pu faire est réalisé par la nature et par Washington : la maladie des bananiers, une série funeste d’ouragans détruisent des milliers d’hectares de bananeraies ; d’autre part la compromission flagrante de la compagnie dans l’affaire guatémaltèque conduit le département de la Justice américain à décider que la United doit abandonner le contrôle de l’International Railways of Central America et une partie de ses plantations à une compagnie indépendante.

En 1954, il n’est pas possible de trouver un vainqueur aux élections présidentielles, et le vice-président se charge d’expédier les affaires courantes. Après trois années troublées, de nouvelles élections donnent le pouvoir à Ramón Villeda Morales (né en 1909), le candidat libéral. Les élections ont été possibles grâce à l’intervention de l’armée ; six ans plus tard, en 1963, celles qui devaient donner un successeur à Villeda Morales n’ont pas lieu : l’armée, commandée par le colonel Osvaldo López Arellano (né en 1921), renverse le gouvernement démocratique, accusé de faire le jeu des communistes.

En 1965, le coup d’État est légalisé par l’élection préfabriquée du colonel López Arellano à la présidence, et, depuis, le parti national conserve le pouvoir.

Surpeuplé, dynamique, le Salvador considère les « grands espaces honduriens comme relevant de son espace vital ». En 1969, 300 000 Salvadoriens travaillent au Honduras sans que leur statut ait jamais été éclairci. Telle est l’origine de la guerre qui met aux prises les deux pays au cours de l’été 1969. Tout part d’un match de football opposant les équipes nationales ; rapidement, les forces salvadoriennes ont le dessus dans une guerre aussi sanglante que brève. L’intervention des voisins et des États-Unis empêche, seule, le Salvador de réaliser son rêve de jonction entre les deux océans.

Depuis, le Honduras a quitté le Marché commun centre-américain, dont le fonctionnement lui était défavorable, paralysant ainsi le regroupement économique patronné par les États-Unis.

En mars 1971, Ramón Cruz est élu à la présidence de la République, mais le 4 décembre 1972 il est renversé par López Azellano.

J. M.