Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hominiens (suite)

Un fait ressort nettement ; la grande nappe paléanthropienne n’est pas homogène. Afin de bien mettre en évidence le Néandertalien de type classique, avec ses diverses variétés dans le temps (fossiles les plus anciens) et dans l’espace (fossiles provenant de gisements autres que ceux d’Europe occidentale), quatre sous-espèces ont été proposées :
— Homo sapiens neanderthalensis, groupant tous les Néandertaliens classiques, dont le type est l’Homme de La Chapelle-aux-Saints ;
— Homo sapiens steinheimsis, réunissant les fossiles les plus anciens (Pléistocène moyen) : mâchoire de Mauer, mandibule de Montmaurin, crânes de Steinheim et de Swanscombe, restes de La Chaise, Le Lazaret, Fontéchevade, Ehringsdorf, Saccopastore ;
— Homo sapiens rhodesiensis, ou Homme de Rhodésie, établi sur le crâne de Broken Hill ; comparé au Néandertalien classique, le crâne est plus long et moins haut ; le bourrelet sus-orbitaire existe ; le volume endocrânien est de 1 400 cm3. La face est volumineuse ; les os du squelette, massifs, correspondent à une stature élevée : 1,70 à 1,75 m ;
— Homo sapiens soloensis, ou Homme de Solo, ou de Ngandonb ; la longueur du crâne est grande, mais la hauteur est relativement faible ; les parois crâniennes, fortement épaissies, réduisent le volume endocrânien à 1 035-1 225 cm3 ; la forme du crâne est plutôt en tente (caractère archanthropien) que circulaire.

Les deux dernières sous-espèces comprennent des types un peu aberrants avec un mélange de caractères archaïques et modernes ; ils représentent peut-être des rameaux latéraux qui pourraient être à l’origine de populations primitives comme les Bochimans ou les Australiens. Les grandes variations présentées par les Hommes de Palestine permettent de reconnaître des formes de passage entre le Néandertalien classique et les types plus modernes.

Industrie. Les Néandertaliens habitaient encore les grottes ; ils chassaient et utilisaient le feu ; ils fabriquaient des outils de silex plus soignés, mieux finis ; une meilleure technique donnait un rendement amélioré ; un débitage des éclats plus adroit, une spécialisation de la forme mieux adaptée à son utilisation représentent les traits essentiels d’une amélioration fort lente (industrie moustérienne).

Outre la pierre, ils travaillaient le bois et l’os, et certains objets témoignent d’un sens esthétique. Ces diverses techniques nécessitaient un enseignement et, partant, un langage. Ils avaient le culte des morts et pratiquaient des rites funéraires ; des soins particuliers entouraient les cadavres (aliments, armes, parures et offrandes variées).

• Les Néanthropiens. Les Néanthropiens (Homo sapiens sapiens) apparurent il y a quelque 35 000 années, dans la seconde moitié du Pléistocène supérieur, ou Würmien récent. Les plus anciens de ces Hommes sont souvent nommés Hommes du Paléolithique supérieur. Leurs restes se trouvent en Europe occidentale et centrale, en Asie et en Afrique. En France, ils sont particulièrement bien conservés, et les gisements qui les abritaient ont permis d’établir une stratigraphie précise qui permet de les dater. Deux types sont généralement reconnus, l’Homme de Combe-Capelle et l’Homme de Cro-Magnon ; à eux se rattachent les Négroïdes de Grimaldi et l’Homme de Chancelade, qui en seraient des variétés.

L’Homme de Combe-Capelle. Un squelette masculin fut découvert (1909) dans un abri-sous-roche du Roc de Combe-Capelle, près de Montferrand, en Dordogne. Il date du Périgordien inférieur et représente le squelette le plus ancien du Paléolithique supérieur français.

Il mesurait 1,63 m ; les proportions des membres sont voisines de celles de l’Homme actuel, encore que les radius et tibias soient nettement plus longs. Le crâne, ovoïde, présente une région occipitale bien développée, mais le front est fuyant, et le menton pas très apparent.

L’Homme de Combe-Capelle présente un mélange de caractères archaïques et modernes. Il rappelle l’Homme de La Chapelle-aux-Saints (Néandertalien classique) par une stature peu élevée, un frontal oblique, un menton rectiligne, le parallélisme des pariétaux, la longueur de la face ; mais il en diffère par la morphologie du crâne, plus long et ovoïde avec une voûte haute, par l’absence de torus aux arcades sus-orbitaires, par l’allongement des extrémités distales des membres.

L’Homme de Cro-Magnon. Il est connu par plusieurs squelettes découverts en 1868 dans un abri-sous-roche le long de la Vézère, aux Eyzies-de-Tayac (Dordogne) ; d’autres squelettes furent trouvés dans les grottes de Grimaldi entre Menton et Vintimille (1870-1902). Le Cro-Magnon date de l’Aurignacien typique.

La stature est grande : 1,71 à 1,81 m. Les os longs sont vigoureux, avec de grosses épiphyses. Longueur et largeur du crâne sont importantes, mais la hauteur est faible. En arrière des fosses temporales se dessine un rétrécissement qui fait ressortir le « chignon » occipital. Le frontal est presque vertical dans sa portion inférieure ; les arcades sourcilières sont peu marquées ; les os du nez sont saillants. Les pariétaux, vus par la face postérieure, convergent vers le bas. La face, large et peu haute, montre des orbites basses et un menton très saillant.

Ainsi, l’Homme de Cro-Magnon présente une morphologie particulière, où s’associent deux catégories de caractères : 1o des caractères nouveaux (forme du crâne en maison, front bombé et vertical, menton saillant) ; 2o des caractères rappelant ceux des Néandertaliens (longueur et faible hauteur de la voûte crânienne, conformation de la région occipitale avec un « chignon » marqué, nez saillant). Pour compléter cet aspect particulier, il faut encore noter la stature élevée, la face longue et basse, les orbites basses, le nez étroit.

L’Homme de Combe-Capelle et l’Homme de Cro-Magnon présentent une association de caractères primitifs et modernes qui n’intéressent pas les mêmes organes. Chez le premier, la hauteur de la voûte crânienne et la région occipitale sont modernes, alors que, chez le second, ce sont les régions frontale, pariétale et faciale. Les caractères néandertaliens de l’Homme de Combe-Capelle paraissent être moins spécialisés que ceux que présente l’Homme de Cro-Magnon, qui conserve cependant une ressemblance avec le Néandertalien. Cette ressemblance serait imputable, pour certains, à un métissage entre Homo sapiens neanderthalensis et Homo sapiens sapiens. La coexistence des deux variétés en diverses régions expliquerait la large répartition de l’Homme de Cro-Magnon. Les Hommes de Combe-Capelle et de Cro-Magnon diffèrent trop l’un de l’autre pour qu’une transformation rapide de l’un soit à l’origine de l’autre.