Hokusai (suite)
Après avoir exercé plusieurs métiers, il entre à dix-huit ans dans l’atelier de Katsukawa Shunshō (1726-1792), un des maîtres les plus réputés de son époque, et travaille à des estampes élégantes et raffinées sur les sujets courants de l’ukiyo-e*. En 1794, le désaccord avec un collègue l’oblige à quitter l’atelier. Une curiosité extraordinaire le pousse alors à étudier, seul, les techniques traditionnelles des écoles Kanō* et Tosa*, le style de Sōtatsu* et de Kōrin*, l’esthétique chinoise et les principes de la peinture occidentale. Ses premiers succès sont assez tardifs (fin du xviiie s. - début du xixe s.) et lui viennent d’illustrations de livres : ouvrages populaires à la couverture jaune (les kibyōshi), romans ou poèmes humoristiques. En même temps, il compose de merveilleux surimonos (estampes de vœux, de faire-part...) et prend, entre autres surnoms, celui de « Fou de dessin ».
Les œuvres auxquelles il doit sa plus grande célébrité sont néanmoins postérieures à 1810-1820. L’artiste disait : « Je suis né à l’âge de cinquante ans », faisant allusion à la quête laborieuse qui avait précédé l’épanouissement de son art. À partir de 1814 commence la publication de la Manga, composée de quinze albums, dont les deux derniers sont posthumes. Dans cette sorte d’encyclopédie en images, la sûreté avec laquelle le pinceau saisit les personnages dans leurs activités quotidiennes montre un sens de l’observation et des dons de caricaturiste exceptionnels.
Parallèlement, le génie insatisfait de Hokusai cherche une autre voie. Celle-ci est fournie par le paysage, sujet nouveau dans le domaine de l’ukiyo-e. Déjà, vers 1798, l’artiste avait dessiné des estampes de paysages purs, inspirés des gravures hollandaises. Ses Vues de la baie d’Edo sont rendues par une perspective à l’occidentale (point de vue unique, horizon bas) et un clair-obscur tout à fait étrangers à la tradition japonaise. Dans les fameuses séries des Trente-Six Vues du mont Fuji, achevées en 1831, et des Cent Vues du mont Fuji (1834-35), ces enseignements sont parfaitement assimilés. Maître du rythme, qui anime lignes et surfaces, Hokusai crée des compositions hardies, où la stylisation et les raccourcis engendrent un étonnant dynamisme. À la même veine appartiennent encore les estampes des Ponts, des Cascades et les très belles images de fleurs et d’oiseaux.
Malgré le déclin de sa popularité devant les succès considérables du jeune Hiroshige, Hokusai garde jusqu’à sa mort, en dépit de difficultés matérielles, un désir de création passionné. Son œuvre est immense, souvent inégale, surtout vers la fin de sa vie, mais d’une prodigieuse diversité. Contesté dans son pays en raison de sa puissante originalité, son art a, néanmoins, influencé la plupart des artistes de son temps ainsi que tout le courant impressionniste français.
F. D.
I. Kondo, Katsushika Hokusai (Tōkyō et Londres, 1959). / N. Villa, Catalogue de l’exposition Hokusai à la Bibliothèque nationale (Paris, 1963). / M. Narasaki, The 36 Views of Mt. Fuji (Tōkyō, 1970).