Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
H

Hitler (Adolf) (suite)

En novembre 1923, Hitler tente à Munich un coup d’État, qui échoue. Arrêté, il est condamné à cinq ans de forteresse ; il ne reste que neuf mois à la prison de Landsberg, où il rédige Mein Kampf. Dès sa sortie de prison, il réorganise son parti, lui donne un caractère moins révolutionnaire, malgré l’influence de Gregor Strasser, qui, à Berlin, a fondé un journal, l’Arbeiter Zeitung, et développe son influence sur l’électorat de l’Allemagne du Nord.

Il pactise avec les milieux industriels et critique l’anticléricalisme et les tendances au paganisme du parti. En 1926, il nomme Goebbels — un tout jeune intellectuel, dynamique, ancien ami des Strasser — Gauleiter à Berlin ; il peut ainsi renforcer son influence en Allemagne du Nord.


La réorganisation du parti nazi après 1926

Tout autour du parti, Hitler fonde des associations nombreuses. Les troupes de choc SS (Schutzstaffel) sont instituées en 1925 ; les Jeunesses hitlériennes suivent peu après, ainsi que les Associations nationales-socialistes d’étudiants, d’enseignants, de femmes, etc. En même temps, il donne une structure très centralisée au parti, dont les chefs locaux, y compris les chefs de région — Gauleiter —, sont nommés directement par lui.

Jusqu’en 1928, le parti végète ; il n’a, cette année-là, que 800 000 électeurs. Mais le développement de la crise économique et les talents d’organisateur de Hitler lui donnent bientôt toutes ses chances. Dès 1929, il progresse rapidement. En 1930, il compte 6 400 000 électeurs et 107 députés ; en juillet 1932, 13 750 000 électeurs et 230 députés ; en novembre 1932, 11 750 000 électeurs et 196 députés. Il est devenu le premier parti d’Allemagne grâce à sa démagogie, à sa violence, grâce aussi à sa propagande, qui trouve un large écho dans l’opinion publique. En 1933, quand il prendra le pouvoir, le parti nazi aura déjà plus d’un million d’adhérents, recrutés dans les classes moyennes, mais aussi dans la classe ouvrière.


« Mein Kampf »

Ce qui frappe durant toute cette période chez Hitler, c’est sa démagogie et en même temps son sens de l’action politique. Tout cela apparaît nettement à la lecture de son œuvre essentielle, Mein Kampf, compilation à la fois autobiographique et politique dans laquelle il définit le national-socialisme. La théorie en avait été exposée une première fois en février 1920, de manière abrégée, dans le programme en vingt-cinq points du parti ouvrier allemand, inspiré par la société de Thulé, organisation clandestine de l’Ordre germanique, fondée en 1912 par un Bavarois, Rudolf von Sebottendorff. Le programme avait été rédigé en grande partie par Feder, avec la collaboration de Dietrich Eckart, auteur connu, et d’Alfred Rosenberg. Le rôle de Gottfried Feder fut sans doute essentiel, d’autant qu’à cette époque celui-ci apparaissait comme un véritable théoricien politique. C’est lui qui forgea cette formule qui eut tant de résonance : « Lutte contre l’esclavage capitaliste. » En même temps, inspiré par Hitler et par la société de Thulé, le programme eut dès le début un net caractère antisémite.

La doctrine de Hitler n’offre pas d’originalité : l’idée du grand Reich allemand est empruntée aux pangermanistes ; celle de la supériorité de la race germanique vient de Gobineau*, de H. S. Chamberlain et de Nietzsche ; l’apologie de la guerre et de la violence, le culte de la force se trouvent déjà chez E. M. Arndt et Hegel. Mais les idées de Hitler sont marquées par son caractère passionnel, dû à son tempérament et à la crise de 1918. Hitler désigne les juifs comme les responsables de la défaite : race décrétée impure, ils cherchent à souiller l’ethnie aryenne et à propager les idéologies néfastes : marxisme, internationalisme, individualisme et libéralisme. Il faut donc débarrasser le Reich des juifs, le régénérer par le sang aryen ; les Allemands seront guidés par le Führerprinzip. Pour ruiner l’œuvre du traité de Versailles, l’Allemagne se constituera un Lebensraum (« espace vital »).

Hitler, parti de formules utopiques contre l’intérêt et les trusts pour séduire la petite bourgeoisie, s’appuie très vite sur les classes dirigeantes. En fait, l’idéologie nationale-socialiste est inconsistante : tout Mein Kampf est dominé par l’idée de propagande. Il faut impressionner, et ce sera la raison fondamentale de l’installation de Hitler au Berghof, le « nid d’aigle », sur l’Obersalzberg, près de Berchtesgaden, des palais hitlériens colossaux. Il faut viser le plus bas possible avec le moins de scrupules possible. Mein Kampf n’est pas un traité idéologique : c’est un guide d’action, et Hitler, petit-bourgeois lui-même, utilise la peur des petits-bourgeois d’être prolétarisés. Il leur promet le pouvoir, et c’est pourquoi il sera suivi. Il est vrai qu’il sera aussi servi par son sens de la propagande, du discours politique à caractère souvent hystérique, de la mise en scène. Il sera d’ailleurs admirablement épaulé par ses collaborateurs, tels Goebbels ou Albert Speer. Au fur et à mesure que le parti grandira, qu’il aura des chances d’arriver au pouvoir, son programme deviendra de moins en moins social.


À la tête du IIIe Reich

Le 30 janvier 1933, Hitler est appelé à la chancellerie ; il y arrive grâce à son sens politique, à sa capacité d’utiliser les hommes, à son cynisme et à son « bluff ». Ceux qui l’ont appelé à la chancellerie, von Papen et les maîtres de forge de la Ruhr, sont convaincus qu’ils sauront le contrôler, mais c’est le contraire qui se produira. En 1934, pour garder la direction de l’État, Hitler trahira son vieil ami Röhm, le chef taré des SA, qu’il fera assassiner avec plusieurs centaines de personnalités au cours de la « Nuit des longs couteaux », le 30 juin 1934. Il s’acquiert ainsi la reconnaissance de l’armée qui l’aide à succéder sans difficulté au président du Reich, le maréchal Hindenburg, après la mort de ce dernier le 2 août 1934.

C’est par le bluff que Hitler triomphe des Français, en décrétant en 1935 le rétablissement du service militaire obligatoire et en réoccupant en 1936 la rive gauche du Rhin. C’est encore par le bluff qu’il mène en 1938 et en 1939 la politique d’expansion annoncée dans Mein Kampf. Dès 1925, en effet, Hitler déclarait qu’il fallait constituer un noyau allemand de 80 à 100 millions d’habitants en occupant tous les territoires qui, à un moment quelconque, avaient été allemands. Il insistait déjà sur le devoir de dépeupler pour empêcher la prolifération des races inférieures, slave ou juive.